L’émission « Courrier de mission – le Défap » diffusée le 25 mai 2022 sur Fréquence protestante était consacrée à l’Église Protestante de Guyane. Avec deux invités au micro de Marion Rouillard : Jeanne Mounkala, présidente du Conseil presbytéral ; et Gérard Krebs, pasteur de retour de Guyane, où il était en mission courte, envoyé par le Défap.
Membres de l’Église Protestante de Guyane entourant Christian Seytre, président de la Ceeefe, lors de son passage à Cayenne © EPG
Une Église cosmopolite, multiculturelle, à l’image de la Guyane : c’est ainsi que Jeanne Mounkala décrit l’Église Protestante de Guyane (EPG), dont elle est la présidente. Une petite communauté d’une trentaine de familles, que le Défap a accompagnée régulièrement pendant des années à travers le financement d’un poste pastoral, et continue à accompagner à travers des envois de pasteurs en missions courtes. Gérard Krebs, pasteur à la retraite, a été le dernier de ces envoyés en date. Tous deux ont été les invités de Marion Rouillard pour l’émission « Courrier de mission – le Défap » qui a été diffusée le 25 mai 2022 sur Fréquence protestante.
Sur une terre guyanaise essentiellement marquée par le catholicisme, « nous sommes la seule Église qui porte la voix luthéro-réformée », souligne notamment Jeanne Mounkala. Voilà pourquoi elle pense « qu’il y a une vraie place pour notre communauté en Guyane ». Au-delà de cet héritage luthéro-réformé, qui marque les origines de l’EPG, Jeanne Mounkala met aussi en avant sa diversité. Diversité d’origine des membres de la communauté : ils viennent aussi bien de la « France hexagonale » que de la Guadeloupe, du Congo ou du Cameroun, de Madagascar, de la Côte d’Ivoire… Diversité dans les manières de vivre leur foi, également, qui font de la petite EPG une Église ouverte : elle accueille des membres réformés, luthériens, mais aussi baptistes ou issus du milieu évangélique… Cette richesse, Jeanne Mounkala comme les membres de l’Église ont à cœur de la faire découvrir dans la société guyanaise, où l’EPG reste souvent discrète : « il y a des gens qui nous découvrent lorsque nous sommes interviewés à la radio, à l’occasion d’un reportage télévisé »… Une occasion à chaque fois de porter leur témoignage. Mais l’EPG n’en a pas moins ses propres défis.
Rencontre avec l’Église Protestante de Guyane, émission présentée par Marion RouillardCourrier de Mission – le DéfapÉmission du 25 mai 2022 sur Fréquence Protestante |
Le premier, comme le résume Jeanne Mounkala au micro de Marion Rouillard, c’est la difficulté à retenir ses membres et à attirer des Guyanais. Église cosmopolite, l’EPG est aussi une « Église de transit ». « Des gens viennent au sein de notre communauté, restent trois-quatre ans, puis repartent », témoigne Jeanne Mounkala ; avec comme conséquence que l’Église « doit s’adapter tout le temps » à ce renouvellement de ses membres. Une caractéristique qui tient à son histoire : issue de l’aumônerie militaire française, l’EPG n’existe en tant qu’Église que depuis 1997. Et pendant longtemps, c’était l’aumônier protestant des forces françaises à Kourou qui était le pasteur de l’EPG. Aujourd’hui, l’Église a noué des liens dans son environnement ecclésial : d’abord avec des communautés membres de la Fédération Protestante de France, comme l’Armée du Salut, qui peut lui permettre de bénéficier de l’accompagnement d’un de ses pasteurs lors de mariages, de décès… Avec, aussi, des communautés du milieu évangélique comme l’Église du Nazaréen. Elle fait ainsi partie du Pôle Protestant de Guyane, et entretient un dialogue régulier avec l’Église catholique ainsi qu’avec la communauté musulmane.
Quant au deuxième défi, c’est celui de la visibilité. Un problème indissociable des moyens humains et matériels : l’EPG n’a pas de lieu de culte propre. Elle est hébergée par l’Église catholique, et ses cultes se déroulent à l’église Sainte-Anne et Saint-Joachim, à Rémire-Montjoly. Si les relations sont bonnes, cette absence de bâtiment attitré constitue un frein pour retenir des invités de passage. Tout comme l’absence de pasteur… Le dernier pasteur présent de manière permanente à Cayenne, c’était le pasteur Dominique Calla, qui était alors envoyé par le Défap. Mais son départ remonte à plusieurs années. Les missions courtes pour permettre un accompagnement pastoral de l’EPG « en pointillé » ne compensent pas cette absence le reste de l’année. Et elles compensent d’autant moins que l’EPG a eu, comme les Églises de France, à surmonter le choc de la pandémie de Covid-19…
« Une communauté extrêmement attachante »
C’est précisément durant cette période que Gérard Krebs a découvert la Guyane et l’EPG. « Je suis arrivé début 2021, témoigne-t-il au micro de Marion Rouillard ; et j’ai dû respecter les 7 jours de confinement. Après, heureusement, la situation sanitaire s’est améliorée. » Dans sa vie de pasteur, il a déjà connu de telles prises de poste dans des contextes compliqués : il avait notamment passé plusieurs années à Nouméa, où il avait pris un poste pastoral juste après la tragique prise d’otages d’Ouvéa, qui avait marqué le point culminant et la fin de la période de violences que l’on baptise pudiquement les « événements » en Nouvelle-Calédonie.
À Cayenne, « j’ai pu découvrir une communauté extrêmement attachante ; petite, mais avec énormément de potentiel », souligne Gérard Krebs. « Une communauté jeune, un peu livrée à elle-même faute de pasteur titulaire depuis 2017, mais qui est toujours bien présente depuis 5 ans, et pleine d’espérance. C’était important que le Défap et la Ceeefe (la Communauté des Églises protestantes francophones) puissent témoigner leur solidarité à l’égard cette communauté par l’envoi de plusieurs pasteurs en mission courte. Cet accompagnement a permis à l’Église de traverser la période difficile de la pandémie, et de garder la flamme allumée ». Pendant qu’il était présent sur place, Gérard Krebs a pu assurer les cultes, aller à la rencontre des membres de la communauté ; mais au-delà, il a pu initier une collaboration avec la radio RCF pour renforcer la visibilité de l’EPG en Guyane. Un projet qui s’est poursuivi même après son retour en France, puisqu’une série d’émissions ont été enregistrées depuis Strasbourg pour être diffusées en Guyane tout au long de l’année. Ce projet a été rendu possible grâce à la collaboration entre RCF Alsace et RCF Guyane. Enfin, il a initié une collaboration avec Théovie, le service de formation biblique et théologique à distance de l’EPUdF, ainsi qu’avec la Coordination pour la formation continue de l’UEPAL, pour aider à la formation d’un petit groupe de membres de l’EPG.
La visibilité dans le paysage guyanais, « un immense défi pour l’EPG »
Mais cette question de la visibilité dans le paysage guyanais (« un immense défi pour l’EPG », comme le souligne Gérard Krebs) se heurte aussi à des spécificités locales. Comme la question des relations avec les autorités publiques. En Guyane comme dans d’autres territoires ultramarins, ce n’est pas la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 qui règle ces relations : elle ne s’y applique pas. Ce sont les décrets Mandel, des décrets-lois du 16 janvier et du 6 décembre 1939 pris par le président de la République Albert Lebrun et par le ministre des colonies Georges Mandel, qui permettent de déroger au principe de la laïcité actuellement en vigueur en France métropolitaine (à l’exception de l’Alsace-Lorraine). Ces textes permettant un financement public du culte (comme c’est le cas en Alsace-Lorraine), avec comme conséquence que les communautés qui peuvent en bénéficier y gagnent aussi une forme de reconnaissance de la part des autorités publiques. Or l’EPG n’est pas dans ce cas de figure, contrairement à l’Église catholique. Même si, du côté des catholiques comme des autres cultes reconnus, « il y a de plus en plus une volonté de se libérer du carcan des décrets Mandel », souligne Gérard Krebs : ainsi, ce soutien public à l’Église catholique se borne aujourd’hui au financement de… 11 prêtres.
Une meilleure reconnaissance de la part des autorités publiques, une meilleure visibilité et la poursuite du dialogue œcuménique et interreligieux : tels sont donc les enjeux auxquels est confrontée l’Église Protestante de Guyane aujourd’hui. Avec, au-delà, toute la délicate question des moyens à mettre en œuvre pour réussir pleinement à prendre racine dans la société guyanaise : un lieu propre pour ses cultes, un poste pastoral pourvu en permanence. Le chemin est encore long, et l’accompagnement par la Ceeefe et le Défap d’autant plus nécessaire.