Ce 9 mai, la Fédération des Écoles Protestantes d’Haïti (FEPH) fêtait ses 36 ans. Mais la date de cet anniversaire coïncide avec une période qui voit les droits des enfants de plus en plus menacés dans le pays, non seulement du fait des difficultés à accéder à une éducation de qualité, mais aussi et surtout à cause de la violence. Les enfants d’Haïti figurent parmi ses premières victimes, soit parce qu’ils sont directement ciblés par des gangs que plus rien n’arrête, soit parce qu’ils sont recrutés comme combattants par des groupes criminels.

Des enfants dans un camp pour personnes déplacées à Port-au-Prince, Haïti © ONU/Sophia Paris

La vidéo a largement circulé sur les réseaux sociaux en Haïti au cours des derniers jours. On y voit un enfant d’une dizaine d’années tout au plus, un masque sur le visage, qui exhibe une arme automatique de gros calibre. Le garçon explique être en guerre avec le chef d’une bande armée rivale à la sienne. Les images ont été tournées à Martissant, un quartier pauvre de l’ouest de Port-au-Prince totalement contrôlé par des gangs depuis juin dernier.

Si l’enrôlement d’enfants dans des groupes armés n’est pas en soi une nouveauté (des cas similaires avaient déjà été signalés à l’époque des milices de François Duvalier), la diffusion de ces images est intervenue dans un contexte très particulier : celui d’une guerre civile opposant des gangs rivaux en plein milieu de la capitale Port-au-Prince, qui s’est traduite par des dizaines de morts, de multiples incendies volontaires, la fuite de plus de 9000 personnes et de véritables actes de barbarie. Au sein de la population civile prise en otage par les combats, les plus fragiles face aux violences étaient les femmes et les enfants, qui figurent nombreux parmi les victimes. Aux meurtres, cas de torture et enlèvements contre rançon, sont venus s’ajouter des cas de plus en plus fréquents d’enrôlement de combattants de plus en plus jeunes par les groupes criminels en lutte pour asseoir leur domination sur tel ou tel quartier de la ville. Voilà pourquoi les images de l’enfant-combattant de Martissant ont eu un tel écho ; au point que le bureau de l’ONU en Haïti, quelques jours après l’apparition de cette vidéo sur les réseaux sociaux, a dit s’inquiéter « particulièrement du recrutement de mineurs au sein des gangs, une des six violations graves du droit de l’enfant ».

Les maux de l’éducation haïtienne

Ce n’est pas la seule manière par laquelle les enfants se retrouvent menacés par ces violences. Même quand ils n’en sont pas les victimes directes, leur éducation se trouve gravement compromise. Selon l’Unicef, « 500.000 enfants ont perdu l’accès à l’éducation en raison de la violence liée aux gangs. Près de 1700 écoles sont actuellement fermées dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince alors que des affrontements entre gangs rivaux ont éclaté depuis fin avril ». Les chiffres du ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (MENFP) donnent le détail de ces fermetures : « Sur l’ensemble de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, 772 écoles sont fermées à Croix-des-Bouquets, 446 écoles à Tabarre, 274 à Cité Soleil, et 200 autres à Martissant, Fontamara, centre-ville et bas-Delmas ».

C’est dans ce contexte difficile que la Fédération des Écoles Protestantes d’Haïti (FEPH) a fêté ses 36 ans le 9 mai. Depuis 1986, elle assure la coordination entre environ 3000 écoles protestantes visant à la promotion d’une éducation de qualité. Avec un principe simple guidé par de solides convictions chrétiennes : c’est par l’éducation que la société haïtienne pourra se reconstruire. Encore faut-il pour cela que cette éducation soit accessible. Or même en-dehors des pics de violence comme celui que vient de connaître Port-au-Prince, et dont les dégâts sont profonds et durables, ce sont déjà plus de 200.000 enfants qui ne sont pas scolarisés en temps ordinaire dans le pays. Une situation qui a encore empiré avec la pandémie de Covid-19 et, surtout, avec le niveau de violence entretenu par les gangs. Les écoles publiques sont une petite minorité (9 écoles sur 10 sont des établissements privés); et le niveau général est tellement faible que moins de 5% d’une classe d’âge obtient le bac.

Dans ce contexte, la Fédération des Écoles Protestantes d’Haïti, grâce à son réseau d’écoles, revendique la scolarisation de 300.000 enfants « afin d’offrir à la société un citoyen capable de contribuer au développement de son pays ». Elle est soutenue directement par le Défap à travers des financements directs et à travers ses envoyés ; elle fait aussi partie des partenaires privilégiés de la Plateforme Haïti, mise en place sous l’égide de la Fédération protestante de France et où le Défap se retrouve aux côtés de divers acteurs du protestantisme français impliqués dans ce pays, comme La Cause ou la Mission Biblique. Au-delà des violences ou des besoins d’intervention dans les situations d’urgence, l’éducation est donc un secteur prioritaire pour permettre aux Haïtiens de prendre leur destin en main.

Le Défap et la Plateforme Haïti
La Plateforme Haïti de la Fédération Protestante de France est actuellement présidée par le pasteur Rodrigue Valentin, de l’Église du Nazaréen, et sa coordination administrative est assurée par le Défap. La Plateforme rassemble les acteurs suivants :

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