À travers les travaux de recherche universitaire qu’il soutient, le Défap est en lien avec diverses facultés de théologie, dans et hors de France. Mais aussi avec des organismes comme le GSRL (Groupe Sociétés, Religions, Laïcités), un laboratoire de recherche du CNRS et de l’École pratique des hautes études (EPHE-PSL). Rencontre avec l’un des chercheurs qui font ce lien entre organismes de recherche, Richard Macaire Lengo : il témoigne dans « Courrier de mission », l’émission du Défap diffusée sur Radio FM+ et Fréquence protestante, au micro de Guylène Dubois.
Richard Macaire Lengo, photographié dans la bibliothèque du Défap © Défap

Les travaux de Richard Macaire Lengo le conduisent régulièrement à tisser des liens et à explorer les frontières communes entre des domaines en apparence très différents. Entre la sociologie et la théologie, entre la recherche et la formation pratique, entre les habitudes du monde et celles des Églises, entre organismes de recherche de pays différents… Il s’est spécialisé sur l’Église évangélique du Congo (EEC), dont il est également membre, mais qu’il scrute à la fois du dedans et du dehors, en aidant à former ses pasteurs mais aussi en s’intéressant à la position qu’elle occupe au sein de la société congolaise.

Richard Macaire Lengo est sociologue, dans une université constituée essentiellement de théologiens, l’UPB (l’Université protestante de Brazzaville). Un choix assumé par le recteur, le pasteur Laurent Gaston Loubassou, qui souhaitait avoir un « sociologue-maison » pour compléter la formation des étudiants. Cette université appartient à l’EEC, et elle forme les futurs pasteurs de l’Église. Mais au-delà de cette formation pratique destinée au corps pastoral de l’EEC, Richard Lengo est aussi enseignant-chercheur à l’Université Marien-Ngouabi (Brazzaville). Et il scrute depuis des années les évolutions des pratiques et des valeurs qui les sous-tendent au sein de son Église, en les replaçant dans le contexte plus global de la société congolaise – des travaux qui l’ont amené à rédiger une thèse pour laquelle il a dû venir faire des recherches en France, avec le soutien du Défap. Un premier séjour a eu lieu entre septembre 2019 et février 2020. Après avoir présenté sa thèse sur « L’Église Évangélique du Congo : l’ethos protestant à l’épreuve des pratiques du «monde» et des mutations sociales », il est revenu en France pour un nouveau séjour de trois mois, avec cette fois pour but de transformer ses travaux en publications. C’est à cette occasion qu’il a été, de septembre à novembre 2023, chercheur invité du Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (le GSRL), un laboratoire de recherche du CNRS et de l’École pratique des hautes études (EPHE-PSL).

Richard Lengo et les mutations de l’Église Évangélique du Congo

Courrier de Mission
Émission du 21 janvier 2024 sur Fréquence Protestante

 

Le soutien du Défap, « un véritable déclic »

« Le fait pour le Défap de m’accorder une bourse pour un séjour de recherche de trois mois, ça a constitué un véritable déclic », reconnaît-il aujourd’hui au micro de Guylène Dubois, à l’occasion d’une interview pour « Courrier de mission », l’émission du Défap diffusée sur Radio FM+ et Fréquence protestante. C’est en particulier son second séjour en France qui lui a permis d’être intégré à deux programmes de recherche du GSRL : « Religion et violence » et « Religion et francophonie ».

Pour lui, les changements qui ont si profondément impacté à la fois les habitudes des fidèles de l’EEC, et l’image de cette Église au sein de la société congolaise, ont commencé à se manifester « au tournant des années 90 ». Auparavant, l’EEC et ses membres bénéficiaient d’une image de probité exemplaire, voire de rigorisme. Par la suite, cette perception s’est peu à peu dégradée. Paradoxalement, cette évolution a eu lieu parallèlement aux progrès des libertés au sein de la société congolaise. Mais aussi parallèlement à la dégradation de la situation économique. Or les membres de l’Église sont aussi membres de la société congolaise. Et les aléas de cette société influent nécessairement sur leurs manières d’agir. Voilà comment les effets de la crise économique se sont peu à peu infiltrés dans l’Église, y ont modifié les comportements, les attitudes, voire même la perception du pastorat. « Dans un contexte social où le chômage est devenu endémique », note ainsi Richard Macaire Lengo, « certains jeunes développent des stratégies de survie et d’insertion professionnelle ». Et la carrière pastorale finit par leur apparaître comme « un emploi par défaut ». Richard Lengo évoque ainsi au sein de l’EEC « la conversion d’un ethos de vocation en un ethos de professionalisation ».

Mais ce diagnostic que Richard Macaire Lengo dresse à propos de l’EEC l’aide aussi à mieux former les futurs pasteurs pour y faire face. D’où l’intérêt des concepts de sociologie des organisations qu’il dispense à ses étudiants de l’Université protestante de Brazzaville. Il ne s’agit pas de nier les effets de la société sur l’Église, et d’imaginer une Église idéale, dénuée d’enjeux de pouvoir ou libre de toute préoccupation économique. Mais il ne s’agit pas non plus de rester désarmé face aux problèmes. Richard Macaire Lengo juge ainsi « très important de donner aux pasteurs en formation des outils », de façon à ce qu’ils puissent « comprendre un certain nombre de logiques d’acteurs, qui leur seront utiles une fois qu’ils seront en paroisse ». Car « les paroisses qu’ils auront à gérer sont des structures complexes », et au moment où on les forme, « si on restreint la vision à la théologie, ils risquent de partir sur le terrain avec un grand handicap ».

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