Jusqu’au 17 juin 2022 se déroule au Défap la session retour du stage interculturel France-Togo organisé par la CPLR. Aperçu des échanges et témoignages sur ce stage qui associe 24 pasteurs des deux pays, sur le thème : « Miracles et guérisons, regards et enseignements ».

Participants du stage interculturel se retrouvant par petits groupes dans le jardin du Défap, au premier jour de cette session 2022 © Défap

L’ambiance est studieuse mais détendue. En ce jeudi 9 juin 2022, Franck Agbi Awume, professeur en Nouveau Testament à la Faculté d’Atakpamé, au Togo, aborde diverses situations dans lesquelles la maladie est évoquée dans les textes bibliques. Ainsi que les guérisons. Le propos s’étend rapidement aux pratiques dans les Églises : comment les malades y sont-ils perçus, accueillis, indépendamment de leur prise en charge médicale ? Comment peut réagir un pasteur face à des demandes explicites de prières de guérison – notamment dans un contexte qui pousse à voir la maladie en premier lieu comme d’origine spirituelle, comme la manifestation physique d’une influence mauvaise ? Faut-il à tout prix prier pour la guérison, ou accompagner ? Jésus, souligne-t-il en revenant aux Évangiles, ne faisait pas que guérir, il ne faisait pas que montrer la toute-puissance de Dieu : il compatissait à la douleur des malades, il participait à leur souffrance avant même d’intervenir.

Participants du stage interculturel réunis dans la chapelle du Défap, au premier jour de cette session 2022 © Défap

Nous sommes dans la chapelle du Défap et le public est constitué de 24 pasteurs, français et togolais. Les questions ou anecdotes qui émergent à l’issue de l’intervention témoignent toutes de préoccupations bien concrètes : nous sommes au cœur des problèmes quotidiens de la pratique pastorale. Un participant évoque son malaise devant l’insistance de paroissiens qui viennent pour exiger une guérison. Un autre repart de la question posée par les disciples de Jésus, dans Jean 9, sur l’aveugle de naissance : qui a péché, lui ou ses parents ? Cette théologie de la rétribution qui a tendance à culpabiliser les malades est très répandue, souligne-t-il, y compris sur le sol européen. « Il y a une donnée anthropologique de base, remarque pour sa part la pasteure Natacha Cros-Ancey, l’une des organisatrices du stage : tout être humain malade a tendance à se sentir maudit. Ça interroge la pratique pastorale : qu’est-ce qu’on demande à Dieu en présence d’un malade : la guérison ? La force ? »

Une question difficile pour toutes les Églises

Photo de groupe de quelques-uns des participants © Défap

Le thème de cette session, consacrée aux miracles et aux guérisons, avait été choisi par les participants eux-mêmes à l’issue de leur premier stage interculturel organisé en 2019 à Kpalimé, au Togo. Cette première rencontre était consacrée à l’accompagnement pastoral des familles, mais la question de la maladie avait déjà émergé lors des échanges. Et les participants avaient éprouvé le besoin d’y revenir pour mieux cerner les convergences et les différences sur ce thème d’un pays à l’autre. D’où cette décision d’étudier plus avant un sujet difficile et pourtant bien présent dans toutes les Églises. Avec à la fois des apports bibliques et théoriques, et des témoignages. Parmi les intervenants, on trouve ainsi Corina Combet Galand, bibliste et ancienne professeur en Nouveau Testament à l’Institut Protestant de Théologie de Paris ; la bibliste Christine Prieto ; Franck Agbi Awume ; Frédéric Chavel, professeur à l’Institut Protestant de Théologie à Paris… Mais aussi des acteurs familiers du domaine médico-social : Victor Azdra, aumônier des établissements sanitaires et médicaux-sociaux ; Jonathan Ahovi, pédopsychiatre ; Célin Nzambe, médecin congolais…

Si le sujet est difficile, la mise en place de cette nouvelle rencontre, très attendue, ne l’a pas été moins : car entretemps, la pandémie est venue bloquer les frontières ; et les contraintes sanitaires ont largement retardé la réunion des 24 pasteurs français et togolais. Ce que Natacha Cros-Ancey n’a pas manqué de souligner dès le premier jour de ce stage, en accueillant les participants au 102 boulevard Arago : « il a fallu patience et persévérance ». Mais les échanges sont à la hauteur de l’attente. Ils permettent de comparer les pratiques et les approches spirituelles qui les sous-tendent, très différentes selon les contextes. Mais il en ressort aussi que les défis qui se posent dans les Églises au Togo ou en France ne sont pas forcément si éloignés. Quels que soient le pays et le contexte culturel, l’irruption de la maladie interroge la foi du malade, de ses proches et de l’Église elle-même.

Retrouvez ci-dessous quelques témoignages sur ce stage CPLR-Défap :

 
Co-animateur de la CPLR, Ulrich Weinhold revient sur l’organisation de cette session retour de l’échange interculturel entre pasteurs français et togolais.
 

 
Témoignage du pasteur Ohini Kodjo Delasee. Cette question de la guérison, souligne-t-il, sera perçue de manière différente dans les pays, mais avec toutefois un point commun essentiel : quel que soit le contexte, il ne peut être légitime de s’arroger le pouvoir de guérir.
 

 
Pour le pasteur Arnaud Lépine-Lassagne, les différences d’approche sur le thème des « miracles et guérisons », qui sont au cœur de ce stage interculturel, tiennent beaucoup plus à la manière dont les uns et les autres vivent leur foi, qu’au pays dans lequel ils vivent. « Je grandis beaucoup dans mon expérience de foi », souligne-t-il.
 

 
Témoignage du pasteur Daniel Bernhardt : ce thème de la guérison, souligne-t-il, était déjà sorti lors des échanges pendant la précédente session, qui s’était déroulée en 2019 au Togo. Et les participants avaient éprouvé le besoin d’y revenir pour mieux cerner les convergences et les différences sur ce thème d’un pays à l’autre. « C’est une autre manière de vivre les choses (…) et en même temps, on sent cette humanité profonde qui nous anime tous ».
 

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