Si le Défap est spécialisé dans les échanges et les rencontres entre Églises du Nord et du Sud, dans quel cadre a pu s’organiser le stage interculturel qui rassemble 24 pasteurs de France et du Togo dans la chapelle du 102 boulevard Arago ? Quelles sont les relations qui unissent Défap et CPLR ? Petit retour historique sur des liens qui ne datent pas d’hier…

Franck Agbi Awume, professeur en Nouveau Testament à la Faculté d’Atakpamé, au Togo, intervenant lors de la session retour de l’échange interculturel France-Togo organisé par la CPLR et le Défap © Défap

Dans le paysage institutionnel complexe du protestantisme français et européen, la CPLR (Communion protestante luthéro-réformée) occupe une place particulière. Elle marque la volonté de rapprochement entre les différentes Églises protestantes de France – une volonté exprimée fortement dans toute la période qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale, et qui s’était marquée dès les années 60 par une première tentative d’union institutionnelle, alors avortée (Esquisse pour une Église évangélique unie). Il est vrai que, si les Églises luthériennes et réformées sont issues de deux mouvements de réforme distincts, les antagonismes et les rivalités du XVIème siècle se sont très largement émoussés au fil du temps, des rapprochements se sont produits – et le traumatisme de la Deuxième Guerre mondiale a encore accentué ce mouvement en poussant les Églises à s’interroger sur ce qui les rapprochait face à la possibilité d’un État totalitaire, c’est-à-dire susceptible de phagocyter jusqu’à la fonction même des Églises.

Des « Quatre bureaux » au CPLR

Même si elle n’avait pu aboutir, cette première tentative d’union dans les années 60, qui préfigurait déjà la double création de l’UEPAL et de l’Église protestante unie de France, avait débouché sur la constitution d’une instance de dialogue dite « des Quatre bureaux ». C’est cette instance qui, en 1972, devait devenir le CPLR : le Conseil Permanent Luthéro-Réformé, réunissant quatre Églises protestantes de France, à savoir l’ERF (Église réformée de France), l’EELF (Église évangélique luthérienne de France), l’EPCAAL (Église protestante de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine) et l’EPRAL (l’Église protestante réformée d’Alsace et de Lorraine). Ce rapprochement s’inscrivait alors dans une dynamique européenne qui devait se traduire par la signature en 1970 de la Concorde de Leuenberg, texte d’accord théologique reprenant les grandes questions des sacrements(Baptême et Cène) et des ministères. Une signature qui permettait la création, le 16 mars 1973, de la CEPE (Communion d’Églises protestantes en Europe), réunissant les Églises luthériennes e réformées d’Europe sous le nom de Communion ecclésiale de Leuenberg. La CEPE compte aujourd’hui 105 Églises membres.

Au sein du Conseil Permanent Luthéro-réformé, chaque Église gardait son autonomie institutionnelle, et le CPLR était chargé d’une tâche de coordination sur divers grands dossiers : la formation et l’échange des ministres, la catéchèse, la mission, les délégations internationales, certaines questions théologiques et pastorales. Au fil du temps, les rapprochements se sont accentués entre luthériens et réformés : l’EPCAAL et l’EPRAL ont formé l’UEPAL en 2006, l’ERF et l’EELF ont formé l’Église Protestante unie en 2013. Le CPLR est devenu la CPLR en 2007 (Communion protestante luthéro-réformée), tout en conservant son rôle de coordination. Il est vrai qu’en dépit des rapprochements opérés entre luthériens et réformés à la fois en Alsace-Moselle et dans la « France de l’intérieur », il reste encore un obstacle institutionnel très difficilement franchissable pour permettre une union nationale : la différence des statuts juridiques entre Églises héritée du Concordat. La loi de séparation de l’Église et de l’État votée en 1905 ne s’applique pas dans les départements du Bas Rhin, du Haut Rhin et de la Moselle, où les Églises sont reconnues par les institutions publiques qui financent les traitements des pasteurs et l’entretien des bâtiments. Le rapprochement des protestants de France est donc toujours un processus en cours, et la CPLR et les différentes personnalités qui ont été amenées à la présider y jouent un rôle : avant Joël Dautheville (qui avant de présider le Défap, a présidé la CPLR) et son prédécesseur, Geoffroy Goetz, la CPLR avait ainsi eu à sa tête François Clavairoly, devenu par la suite président de la Fédération Protestante de France.

Les liens CPLR – Défap

Les domaines d’intervention de la CPLR (formation, mission…) ont poussé à des rapprochements avec le Défap, service missionnaire des Églises luthéro-réformées (même si l’une des Églises membres du Défap, l’UNEPREF, n’a pas de liens avec la CPLR). Si la formation initiale des pasteurs est assurée par la faculté de Strasbourg en Alsace-Moselle, et par l’Institut Protestant de Théologie pour la « France de l’intérieur », la formation permanente, élément essentiel de la vie des pasteurs, est gérée depuis longtemps en commun grâce à la CPLR. Pour le Défap, il s’agissait de promouvoir les thèmes de la missiologie et les préoccupations liées à la mission dans le cadre de cette formation continue. Après diverses expériences d’échanges de pasteurs (par exemple, un pasteur français pouvait partir un mois au sein d’une Église béninoise, et en retour, un pasteur béninois pouvait venir en France), expériences qui se heurtaient souvent à la difficulté de rendre les pasteurs disponibles durant une période aussi longue, le Défap a décidé de s’insérer dans les stages de formation de la CPLR. Avec l’idée d’organiser tous les deux ans un stage en commun Défap-CPLR, le Défap s’occupant de l’animation internationale. C’est ainsi qu’ont été mis sur pied des stages au Sénégal, au Cameroun, au Maroc, au Togo…

Concrètement, le stage qui se déroule en ce moment au 102 boulevard Arago, à Paris, et axé sur les miracles et guérisons, a été organisé par la CPLR, en lien avec les Églises de France et l’EEPT (Église Évangélique Presbytérienne du Togo) ; il a été facilité par le Défap, qui assure les liens entre Églises côté français, et assure aussi les liens Nord-Sud entre partenaires.

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