Les boursiers du Défap vivent le confinement, éloignés de leurs proches. Ils nous font partager leur ressenti à travers un « billet d’humeur ».

 

Jean Patrick Nkolo Fanga
Jean Patrick Nkolo Fanga est pasteur, enseignant en théologie et directeur du département de l’enseignement supérieur de l’Église presbytérienne camerounaise. Il est également professeur de théologie pratique à la faculté de théologie évangélique de Bangui/Campus de Yaoundé. Il est président en exercice de la société internationale de théologie pratique (2018-2020). Ses recherches portent sur la culture contemporaine de la pastorale. Il a déjà publié des articles sur la pastorale des migrants d’origine africaine en France à partir d’enquêtes dans des églises locales de France.

Arrivé en France au début du mois de mars pour un séjour de recherche, j’ai très vite été accueilli par la réalité de la pandémie du Covid 19 qui, chez moi au Cameroun, ne faisait encore l’objet que de commentaires dans les journaux télévisés et lors des rencontres amicales (à l’aéroport port du masque plus répandu que d’habitude, pas de salutations ou d’accolades). Toutefois, durant la première quinzaine de mars, le rapport au Covid 19 dans tous les actes de la vie courante était plus ou moins important, car dépendant de chaque individu et de sa perception de la maladie. Dès le vendredi 13 mars 2020, on passa à la vitesse supérieure avec l’annonce de la fermeture des universités et donc des bibliothèques. Le samedi 14 mars 2020 dans la soirée, l’annonce de la fermeture des restaurants et des commerces non essentiels augmenta le stress lié à cette pandémie. Le dimanche en allant au culte, grande fut ma surprise de trouver l’église fermée. Donc pas de culte, mais plutôt une invitation pour les paroissiens connus à suivre le culte par vidéo. Lundi 16 mars 2020, la ruée dans les supermarchés avec, pour conséquences, des étalages pratiquement vides et de longues queues m’a inquiété davantage. Ce même lundi dans la soirée, les discours des autorités sur la fermeture des frontières et le confinement pour quinze jours renouvelables, avec contrôles de police, ont contribué à augmenter la pression. Dans les rues la psychose était visible. Pour moi, venu d’Afrique pour faire des recherches en bibliothèque et sur le terrain, c’était vraiment une situation pénible, mais également interpellante.

En effet, pour le chrétien, pasteur, théologien et formateur que je suis, cette situation de psychose et de panique a fait germer un questionnement en rapport avec la Bible et le ministère de l’Église dans le monde. Quel est le rôle de l’Église dans les catastrophes nationales ? Comment les Églises locales peuvent-elles innover pour assumer leur ministère dans un contexte de confinement ? Quelle est la valeur pneumatologique des liturgies qui utilisent les nouvelles technologies de l’information et de la communication ? Se pose également la question de la double citoyenneté du chrétien, au ciel et sur la terre, avec la soumission aux autorités et aux lois, etc.

C’est aussi vrai que dans la Bible on trouve des personnes contraintes au confinement qui ont fait recours à Jésus pour en être libérées, comme ce fut le cas de nombreux aveugles (Luc 5.12-15 ; Luc 17.11-19). Dans sa réponse, Jésus les a envoyées vers le sacrificateur qui, selon la législation en vigueur à l’époque, devait constater la guérison et réaliser les rites de purification nécessaires à leur réintégration dans la société. Il y a là une invitation à la complémentarité entre Église et gouvernants pour les questions de santé. Cette pandémie est une interpellation pour les chrétiens, les pasteurs, les équipes dirigeantes des Églises, les théologiens, les formateurs des acteurs de la pastorale et une invitation à réfléchir sur de nouvelles modalités d’Église. Il est vrai cependant que certains actes liturgiques entreront difficilement dans la logique du virtuel, comme la sainte cène ou le baptême…


Vous pouvez relire le témoignage d’Adrien Bahizire Mutabesha en cliquant ici >>>

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