Claire-Lise Lombard, responsable de la bibliothèque du Défap, et Faranirina Rajaonah, professeure émérite d’histoire à l’Université Paris Diderot et membre du Cessma (Centre d’Études en sciences sociales sur les mondes africains, américains et asiatiques), sont intervenues le 26 octobre dans la capitale malgache pour présenter leur ouvrage, Lettres de Tananarive, Jean Beigbeder à son père. La rencontre avait été organisée par le Musée de la Photographie de Madagascar.
Claire-Lise Lombard et Faranirina Rajaonah intervenant au Musée de la Photographie de Madagascar © Défap
«Il existe un patrimoine photographique malgache peu connu, essentiellement du fait qu’il est davantage conservé en-dehors de Madagascar» ; quant aux collections de photos qui se trouvent encore sur place aujourd’hui, elles restent tout aussi méconnues, «en raison des difficultés d’accès ou du manque de visibilité des photothèques où elles sont conservées». C’est en partant de ce constat que l’historienne Helihanta Rajaonarison, auteure d’une thèse soutenue à l’Université de Tananarive en 2014 intitulée Sociétés et photographie : les usages sociaux de la photographie à Tananarive (milieu XIXe-milieu XXe siècle), a lancé le projet du Musée de la Photographie de Madagascar. Il a été inauguré en novembre 2015, avec le lancement d’un site internet et l’organisation d’une exposition à l’Alliance française de Tananarive. Depuis lors, le musée est installé à Andohalo, dans l’ancienne résidence des maires de Tananarive, une grande bâtisse des années 1930 située sur les hauteurs de la capitale malgache.
Lettres de Tananarive – Jean Beigbeder à son père, 1924-1927, disponible chez Hémisphères |
Outre les expositions (le musée dispose de quatre salles de projection et diffuse aux visiteurs des mini-documentaires vidéos à voir en français et en malagasy), des rendez-vous réguliers sont organisés : c’est le cas du «Café-Histoire», qui a lieu une à deux fois par mois. Il s’adresse aussi bien au grand public qu’aux passionnés d’histoire et de photographie, et donne lieu à des tables rondes sur des sujets comme l’histoire de la diplomatie malgache, les croyances ancestrales malgaches… C’est dans le cadre de ces rencontres que Faranirina Rajaonah et Claire-Lise Lombard sont intervenues le 26 octobre pour présenter leur ouvrage Lettres de Tananarive, Jean Beigbeder à son père. Faranirina Rajaonah est spécialiste en histoire sociale et culturelle de Madagascar au XXe siècle, a été professeure d’Université à Tananarive puis à Paris-Diderot. Elle a dirigé ou codirigé des ouvrages sur Madagascar et le Sud-Ouest de l’océan Indien, et participé à diverses publications. Elle est membre du Comité scientifique de l’Histoire générale de l’Afrique de l’Unesco pour des volumes à paraître en 2019. Claire-Lise Lombard est pour sa part la responsable de la bibliothèque du Défap. À travers cet ouvrage et cette correspondance de 132 lettres envoyées à son père, toutes deux ont fait revivre le témoignage d’un responsable de mouvement de jeunesse, fondateur du scoutisme à Madagascar dans les années 1920 : Jean Beigbeder, Z’oeil de chouette pour les éclaireurs (il y voyait fort mal), ou Rabeigy pour les Malgaches, qui a marqué à la fois plusieurs générations de Malgaches et de Français.
Une pérégrination d’une heure trente sur les traces de Jean Beigbeder
En plus des lettres proprement dites, l’ouvrage a été illustré – ce qui expliquait son intérêt pour le Musée de la Photographie de Madagascar – par des clichés d’époque issus à la fois de fonds publics et privés. D’où un regard en miroir entre toutes ces missives à travers lesquelles ce docteur en droit, convaincu des vertus du scoutisme dans la formation du citoyen, évoquait son travail, sa vie quotidienne ainsi que les nouvelles venues de France… et les photographies montrant les lieux, et la société malgache qui était alors à un tournant, avec la montée de la contestation anticoloniale.
Devant une assistance à la fois détendue et attentive, très mélangée, malgache et française, mêlant public averti et simples curieux, et en présence du conseiller culturel de l’ambassade de France ainsi que de la journaliste et écrivaine Michèle Rakotoson, Claire-Lise Lombard et Faranirina Rajaonah ont retracé en une heure trente le parcours de ce protestant béarnais transplanté en terre malgache entre 1924 et 1927. Une pérégrination par les textes, avec des morceaux choisis de la correspondance de Jean Beigbeder, et en images, avec une projection commentée de photographies illustrant l’ouvrage. Elles ont emmené leurs auditeurs de sa découverte de Tananarive… à ses relations avec le milieu colonial et la «famille missionnaire», mais aussi avec l’élite malgache ; de son travail au sein de la jeunesse tananarivienne, à ses voyages à travers la Grande Île… Sans oublier ses talents de chroniqueur, qui font revivre les grands événements de la vie politique, sociale et culturelle d’alors.
Jean Beigbeder, médiateur culturel, dans ce moment colonial ? Questions et échanges ont permis de croiser les regards pour tenter de répondre à cette question, et peut-être aussi d’ouvrir de nouvelles pistes.
Retrouvez ci-dessous quelques aperçus, à la fois du «Café-Histoire» du 26 octobre consacré aux lettres de Jean Beigbeder, et du Musée de la Photographie de Madagascar ainsi que de ses expositions.
Lettres de Tananarive – Jean Beigbeder à son pèreAuteur : LOMBARD, CLAIRE-LISE ; RAJAONAH, FARANIRINA |