Le pasteur Jean-Luc Blanc, du Défap, en compagnie de la doyenne et de l’équipe de la Faculté de Théologie de Goma © Défap

Traverser un quartier populaire de Kinshasa, pour un visiteur français et, de surcroît, protestant, c’est une expérience que l’on n’oublie pas. À chaque coin de rue ou presque, des dizaines d’Églises aux dénominations les plus diverses, parfois logées dans d’imposants bâtiments pour les plus prospères d’entre elles, parfois recevant les fidèles sous un simple toit de tôle ondulée posé sur des piquets. Aujourd’hui en République démocratique du Congo, au sein d’une population de 77 millions d’habitants (c’est le pays le plus peuplé d’Afrique francophone) et à 80% chrétienne, le protestantisme représente une part de 40%. Une partie des centaines d’Églises qui se sont implantées dans la seule capitale sont marquées par l’influence pentecôtiste et charismatique ; mais en ce qui concerne les Églises protestantes traditionnelles, elles sont pour la plupart membres d’une même grande fédération : l’Église du Christ au Congo (ECC). Le protestantisme français est en relation directe avec elle, et lors de son dernier voyage en RDC, en février, Jean-Luc Blanc, du service Relations et Solidarités Internationales du Défap, a notamment rencontré son nouveau président, le pasteur André Bokundoa.

Depuis son accession à la souveraineté en 1960, la RDC a connu une histoire chaotique et tout, dans ce territoire, en porte les marques. L’économie : en dépit de ses richesses naturelles, la RDC figure parmi les pays les plus pauvres du monde et se situe au 176ème rang (sur 187) de l’indice de développement humain calculé par l’Onu. Les infrastructures : à Kinshasa même, les routes goudronnées sont une minorité, et l’on trouve à l’entrée de la ville une ancienne voie de chemin de fer reconvertie en marché. La vie politique : le pays a connu une multitude de conflits et l’une de ses provinces, le Nord-Kivu, est ravagée par la guerre, contrôlée par des milices et échappe au pouvoir central depuis des années. L’actuel président, Joseph Kabila, à la tête de l’État depuis la mort de son père, Laurent-Désiré Kabila, en 2001, gouverne depuis décembre 2016 sans mandat. La vie religieuse n’a pas échappé à cet aspect chaotique de l’histoire de la RDC, et la multiplication des dénominations en est un des symptômes…

L’ECC, à la fois Fédération et Église… et cible du pouvoir

Pour aller plus loin :

Il y a pourtant des facteurs d’unification à ne pas négliger. L’Église du Christ au Congo rassemble 95 communautés ecclésiales différentes (on préférera parler de «communautés» plutôt que «d’Églises» au sein de l’ECC), dont 70 sont présentes dans la seule ville de Kinshasa. Un partenaire de taille… et surtout, une institution représentant un protestantisme moins divers qu’il n’y paraît : l’ECC cumule les caractéristiques d’une Fédération et d’une Église. Toutes les dénominations qui la composent se retrouvent lors d’un même synode. Et d’une communauté à l’autre, les théologies dialoguent, les liturgies se rapprochent. Les facultés de théologie jouent pour cela un grand rôle : entre les communautés baptiste, anglicane ou mennonite, on retrouvera des pasteurs qui ont fréquenté les mêmes universités et suivi les mêmes cours.

Le Défap travaille justement avec cinq universités protestantes en RDC, toutes membres du RUPA (le Réseau des Universités Protestantes d’Afrique), garant d’un bon niveau académique, et qui disposent chacune d’une faculté de théologie. Dans un pays aussi vaste que la RDC et où le fait religieux est aussi prégnant, ces universités présentent des promotions impressionnantes : 9000 étudiants pour l’Université Protestante du Congo à Kinshasa, dont 300 en théologie ; 3225 étudiants pour l’Université Évangélique en Afrique (Bukavu) dont 686 en théologie ; 3000 étudiants pour l’Université Libre des Pays des Grands Lacs à Goma, dont 380 en théologie… Au sein de ces facultés se rencontrent des élèves issus de communautés ecclésiales différentes, entretenant ainsi le dialogue œcuménique. Parmi leurs responsables figurent souvent d’anciens boursiers du Défap. Les relations avec la France se concrétisent aussi à travers des échanges de professeurs. En outre, le Défap reçoit des étudiants boursiers et des professeurs en congé de recherche.

«Message fraternel et de prière» des protestants de France

Mais l’omniprésence du religieux dans l’espace public a d’autres conséquences, notamment dans l’actuelle période de troubles politiques. Des conséquences qui, indirectement, interrogent aussi les protestants de France. Car avec la multiplication des manifestations réclamant le départ de Joseph Kabila, une médiation a été lancée sous l’égide de l’Église catholique, seule institution disposant du poids et de la reconnaissance suffisante au sein de la société congolaise pour être acceptée comme arbitre par toutes les parties, ce qui a permis la signature d’un accord. Accord dont le non-respect a poussé les évêques à réclamer à leur tour une rapide alternance politique. Depuis lors, c’est une association de laïcs liés à l’Église catholique qui a pris la tête de la contestation, poussant les autres Églises à s’impliquer à leur tour, au risque de devenir également des cibles privilégiées de la répression. C’est la situation dans laquelle se trouve désormais l’ECC (lire : République démocratique du Congo et Centrafrique à l’honneur lors de l’AG du Défap).

D’où la recommandation votée fin janvier à Paris lors de l’assemblée générale de la Fédération protestante de France ; et lors de sa rencontre avec le pasteur Bokundoa, Jean-Luc Blanc était aussi porteur d’un message de soutien des protestants de France, «un message fraternel et de prière face aux menaces dont font l’objet les dirigeants de l’Église».

Franck Lefebvre-Billiez

Le Défap en République Démocratique du Congo :
  Le Défap travaille en lien avec les universités protestantes suivantes:
    – L’Université Protestante au Congo – UPC (à Kinshasa);
    – L’Université Libre des Pays des Grands Lacs – ULPGL (à Goma et à Bukavu);
    – L’Université Évangélique en Afrique – UEA (à Bukavu);
    – L’Université Presbytérienne du Congo – UPRECO (à Kananga).
  Toutes ces universités comportent une faculté de théologie.
  Le Défap échange avec les facultés de théologie partenaires en RDC notamment par l’envoi de professeurs et l’accueil de boursiers.

 

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