Rappel : l’ACO a été créée en 1922 par le pasteur Paul Berron. Témoin direct du génocide arménien au XXème siècle et du calvaire des survivants, il a vécu au Moyen-Orient entre 1915 et 1918.

L’ACO est un organisme missionnaire qui a pour souci principal la relation avec le Moyen-Orient et les communautés protestantes qui y sont présentes : Eglises protestantes du Liban, de Syrie, d’Iran mais aussi d’Egypte.

Depuis sa création, le poste de directeur de l’ACO est tenu par des pasteurs de l’UEPAL.

 

Pasteur Thomas Wild

Pasteur Thomas Wild

Quel est précisément votre rôle au sein de l’ACO ?

 

« Mon rôle est de suivre les projets avec les partenaires, projets surtout élaborés avec des Eglises locales.

Depuis 1995, l’ACO a évolué pour une partie de son travail sur le modèle de la Cevaa puisqu’avec les Églises protestantes d’Iran, d’Arménie, de Syrie et du Liban et nos partenaires européens, suisses et hollandais, nous formons une communauté où nous nous retrouvons tous autour d’une table pour soutenir des projets, et ensuite chacun cotise selon ses moyens. »

 

Comment et pourquoi avez-vous pris ces responsabilités ?

 

« Mon parcours de pasteur est marqué par la mission. J’ai été volontaire du Service National en 1975 au Gabon, au service de l’Eglise Evangélique du Gabon. Puis j’ai été pasteur en paroisse en Alsace.

J’ai eu un grand intérêt pour mon ministère gabonais car j’y ai fait beaucoup de découvertes en termes d’acculturation à la foi chrétienne. La rencontre entre Eglises d’Occident et d’ailleurs est nécessaire.

J’ai posé ma candidature pour être responsable du service missionnaire de l’UEPAL et je l’ai été pendant neuf ans. J’ai pu aller en Nouvelle-Calédonie, au Bénin…

 

La mission a continué à nourrir ma vie d’Eglise et de foi.

J’ai été en mission de nouveau en Alsace, à Saint-Thomas (Strasbourg centre), pendant douze ans. Là, le président de l’ACO m’a demandé si j’étais intéressé par ce poste.

Je suis heureux d’y être.
Je pensais que ce serait tranquille, mais c’était avant les printemps arabes ! Le Liban était un peu tendu mais le reste était calme. Maintenant, c’est paradoxalement le lieu le plus sûr de la région.

 

Je suis en relation avec des chrétiens qui vivent des choses difficiles. Le pasteur d’Alep – l’un de ceux avec lesquels nous travaillons – refuse de venir à nos réunions pour rester chez les siens. Je ne peux que tirer mon chapeau devant cette volonté de résister, même quand des bombes peuvent tomber à tout moment sur sa famille, et de maintenir la normalité de la vie dans un contexte où personne ne sait où l’on va. »

Êtes-vous en relation avec l’Œuvre d’Orient, organisme catholique qui vient en aide aux Chrétiens d’Orient ?

 

« Nous avons quelques contacts. Nous nous découvrons au fur et à mesure. C’est une machine beaucoup plus importante. Je connais et respecte beaucoup ce qu’ils font. Les catholiques belges font aussi un gros travail.

 

J’essaye surtout d’être connu dans l’ensemble du protestantisme franco-suisso-belge. Sur place, les collaborations œcuméniques sont beaucoup plus rares. En Orient, il y a à peu près toutes les familles d’Eglises. Au Liban, il y a dix-huit groupes religieux, dont onze groupes chrétiens, et les protestants ne forment qu’un seul groupe. La méthode de l’Empire ottoman a beaucoup marqué cette manière de penser : les groupes chrétiens étaient dans des ghettos.

 

L’identité religieuse est extrêmement importante en Orient. En France, il y a une grosse mécompréhension sur le rôle du religieux. En Orient, vous faites partie, de naissance, d’un groupe et vous n’en changez pas. Ça s’est transformé avec les printemps arabes et notamment quand les mouvements islamistes radicaux sont arrivés au pouvoir : pour eux les chrétiens sont tous « pareils ». Du coup, ils sont davantage solidaires. »

 

Quels sont les grands projets de l’ACO pour l’année à venir, ou ceux qui vous tiennent le plus à coeur ?

 

« Dans le rôle d’un organisme missionnaire traditionnel, nous avons répondu à une demande du Synode du Nil par l’envoi d’un professeur de français, un service civique, dans un lycée de prestige du Caire, le « New Ramses College ».

 

Un projet qui me tient beaucoup à cœur, c’est l’orphelinat Fowler : nous y envoyons des volontaires. Nous participons au « sauvetage » de jeunes filles qui souffrent du triple handicap d’être des filles, chrétiennes, abandonnées par leur famille, donc avec peu de chance dans la vie. Malgré cela, elles reconstruisent leur dignité.

Grâce à des camps de jeunes, des Alsaciens y vont, et des jeunes filles de l’institution viennent en France. Malgré toutes les barrières culturelles et sociales, de vraies relations d’amitié existent maintenant entre les résidentes de Fowler et nos jeunes.

Nous participons à un projet plus théologique avec CEOSS (Coptic Evangelical Organization for Social Services) : il s’agit de conférences sur une lecture respectueuse mais pas littérale des textes sacrés, une théologie respectueuse du texte tout en maintenant une analyse critique. Ce projet est lié à la relance d’un poste pastoral d’une petite paroisse francophone du Caire et d’Alexandrie, en collaboration avec la Suisse.

Avec le CEOSS, nous participons aussi à une formation sur la résolution non-violente des conflits. Il est important d’envoyer des gens et d’être présent dans un contexte où une partie de la population perçoit l’ouverture vers l’étranger comme cause de tout le mal. C’est un témoignage important.

 

Au Liban et en Syrie, il y a une problématique : des réfugiés/déplacés sont en train de peser sur les institutions. Les Eglises protestantes essayent de faire face avec des financements assez conséquents. Il existe un travail social important qui est fait auprès des réfugiés dans la banlieue de Beyrouth, une aide par les comités paroissiaux dans toute la Syrie, un travail médical, social et d’éducation à Alep. Il faut maintenir coûte que coûte le système éducatif : les Arméniens, notamment, en sont fiers. C’est la meilleure façon de combattre les conflits, en formant à la critique. C’est un travail soutenu par l’ACO.

 

Nous finançons aussi, à Homs, une maison de retraite : le fait que nous investissions de  nouveau dans cette ville a fait renaître l’espoir dans la population. »

Quelle est la nature de votre collaboration avec le Défap ?

 

« L’envoi de personnes est notre principal partenariat avec le Défap.

Je suis invité au conseil du Défap. Nous essayons de fonctionner dans la meilleure synergie possible. L’ACO est alsacienne par son histoire mais, à terme, nous voulons que la collaboration avec le Défap et la Fédération protestante de France se développe. Je travaille dans ce sens.

J’ai beaucoup voyagé en France pour donner un témoignage sur ce que nous faisons et comment vivent nos coreligionnaires dans ces pays.

 

Je voudrais insister sur la commémoration du génocide arménien cette année et toutes les questions qu’elle soulève, notamment : que fait l’Occident ?

L’ACO travaille pour qu’on se souvienne. Elle a le souci des minorités opprimées : c’est toute l’humanité qui se joue là. L’humanité de l’homme est perdue si on laisse l’oubli s’installer. C’est le devoir des chrétiens et des citoyens du monde de ne pas se résigner. »

A noter : le livre du fondateur de l’ACO, Paul Berron, « Souvenirs de jours sombres, le génocide arménien : un pasteur alsacien témoigne », a été republié chez L’Harmattan.

 

image_pdfimage_print