Si les projets du Défap se déploient avant tout sur un temps long, des situations d’urgence peuvent nécessiter une manifestation de solidarité immédiate. C’est pour de tels cas qu’existe Solidarité protestante, une plateforme regroupant des acteurs chrétiens de l’humanitaire, dont le Défap est membre et qu’il a contribué à mettre en place. En République Démocratique du Congo, géant du christianisme francophone, le Défap entretient ainsi avec l’Église du Christ au Congo des relations tournant essentiellement autour de l’échange théologique. Mais lorsque la branche locale de l’ECC Nord-Kivu a dû venir en aide aux déplacés fuyant les violences de mouvements rebelles comme le M23, le Défap a pu apporter son soutien, avec Solidarité protestante, pour des distributions de vivres.

 
S’il est une chose à toujours garder en tête lorsqu’on évoque la République Démocratique du Congo, c’est d’abord sa taille : la RDC est un géant. Avec 2,3 millions de kilomètres carrés, une superficie équivalente à celle de l’Europe occidentale, c’est le plus vaste pays d’Afrique subsaharienne. Une population qui croît à grande allure : 71 millions d’habitants en 2012, plus de 81 millions en 2016, quasiment 93 millions en 2020, probablement plus de 105 millions en 2023… Le taux de croissance démographique, évalué à 3,3% au cours de l’année 2023, est supérieur à la moyenne du continent (+2,5% sur un an). On estime que d’ici 2050, la RDC comptera 215 millions d’habitants et rejoindra les 10 pays les plus peuplés du monde.

Ce pays immense est très majoritairement chrétien. Les chiffres varient selon les sources, en raison notamment de la difficulté à évaluer le nombre de fidèles qui se rattachent à l’une des très nombreuses Églises pentecôtistes et de Réveil : entre 80% et 93%. Le dernier rapport du cabinet d’étude « Target » sur l’appartenance religieuse des Congolais, datant de 2022, soulignait ainsi la place toujours essentielle de l’Église catholique, regroupant 39% des fidèles. Venaient ensuite les mouvements religieux suivants, classés indépendamment de la confession : les protestants (23%), les adeptes des Églises évangéliques dites de Réveil (15%), les pentecôtistes (7%), les brahmanistes (5%), les témoins de Jéhovah (3%), les musulmans (2%), les kimbanguistes (2%)… Outre leur poids au sein de la société, qui a pu les amener à jouer un rôle politique de premier plan (l’Église catholique a beaucoup pesé en faveur de l’émergence de la démocratie), les Églises sont des acteurs sociaux majeurs. Elles gèrent des écoles, des hôpitaux, ont une importante action sociale et pallient les défaillances de l’État dans de nombreux domaines.

La RDC, un géant du christianisme francophone : vue d’un culte dans une Église de l’ECC © ECC

Un rôle social majeur pour les Églises

Tout comme l’Église catholique, les Églises protestantes assument ainsi nombre d’activités cruciales pour la société congolaise – avec d’autant plus de visibilité que beaucoup d’entre elles sont regroupées au sein d’une même structure, cumulant les caractéristiques d’une Église et d’une fédération : l’ECC – l’Église du Christ au Congo. L’ECC rassemble 95 communautés ecclésiales différentes (on préférera parler de « communautés » plutôt que « d’Églises » au sein de l’ECC), dont 70 sont présentes dans la seule ville de Kinshasa. Et d’une communauté à l’autre, les théologies dialoguent, les liturgies se rapprochent. Les facultés de théologie jouent pour cela un grand rôle : entre les communautés baptiste, anglicane ou mennonite, on retrouvera des pasteurs qui ont fréquenté les mêmes universités et suivi les mêmes cours.

Le Défap travaille justement avec cinq universités protestantes en RDC, qui disposent chacune d’une faculté de théologie : L’Université Protestante au Congo – UPC (à Kinshasa); l’Université Libre des Pays des Grands Lacs – ULPGL (à Goma et à Bukavu) ; l’Université Évangélique en Afrique – UEA (à Bukavu); l’Université Presbytérienne du Congo – UPRECO (à Kananga). Au sein de ces facultés se rencontrent des élèves issus de communautés ecclésiales différentes, entretenant ainsi le dialogue œcuménique. Parmi leurs responsables figurent souvent des théologiens dont les travaux de recherche ont été soutenus par le Défap. Les relations avec le protestantisme français se concrétisent aussi à travers des échanges de professeurs.

Organisation d’une distribution de produits alimentaires et d’hygiène en faveur de déplacés par l’ECC Nord-Kivu © ECC

Des crises récurrentes, et de gros besoins humanitaires

Mais ce géant qu’est la RDC affronte aussi depuis longtemps de multiples crises. Une longue succession de conflits, d’instabilité, de troubles politiques et de régimes autoritaires a conduit à une crise humanitaire aussi sévère que persistante, à laquelle s’ajoutent des déplacements forcés de populations. Des poches d’insécurité persistent dans le pays, particulièrement dans sa région orientale. Ces derniers mois, la situation sécuritaire s’est même gravement détériorée dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, où des milliers de personnes ont dû fuir les affrontements entre l’armée congolaise et des groupes armés.

Les Églises ont un rôle important pour apporter un soutien aux victimes. L’ECC, très structurée au niveau national, a ainsi les moyens humains d’agir. Mais au vu de l’ampleur des mouvements de population, les Églises ont besoin d’aide. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 6,9 millions de personnes sont actuellement déplacées à l’intérieur du pays du fait des violences. Si les actions du Défap se placent surtout dans le champ de l’échange théologique, il n’est pas possible d’ignorer de tels besoins. Si les projets portés par le Défap se déploient avant tout sur un temps long, l’urgence de certaines situations appelle aussi à une manifestation de solidarité immédiate. C’est précisément pour y faire face qu’a été créée la plateforme Solidarité protestante, que le Défap a contribué à mettre en place et dont il fait partie. Le comité de cette plateforme est piloté par la Fondation du Protestantisme et la Fédération protestante de France qui s’entourent d’ONG et d’institutions chrétiennes expertes dans l’aide humanitaire d’urgence et de crise.

Organisation d’une distribution de produits alimentaires et d’hygiène en faveur de déplacés par l’ECC Nord-Kivu © ECC

Un soutien conjoint du Défap et de Solidarité protestante

Solidarité protestante et le Défap ont ainsi été amenés à intervenir à la suite d’un important déplacement de population dû à des violences provoquées par le M23. À la fin de 2021, la résurgence de ce mouvement rebelle a provoqué dans le Nord-Kivu le déplacement de centaines de milliers de personnes et aggravé une crise humanitaire quasi permanente dans l’Est de la RDC depuis près de trente ans. L’ECC s’est notamment mobilisée à l’occasion d’une opération organisée dans le territoire de Nyiragongo au cours de l’été 2023, pour venir en aide à des pasteurs et à leurs proches rassemblés dans le camp des déplacés de Kanyaruchinya. Le Défap et Solidarité protestante ont pu tous deux apporter un soutien financier pour la distribution de colis alimentaires et de produits d’hygiène.

La situation sur place est cependant loin de s’être apaisée. Après une accalmie, les combats se sont de nouveau intensifiés depuis début octobre entre les rebelles du M23 et des groupes armés pro-gouvernementaux. Ils se sont même rapprochés à une vingtaine de kilomètres au nord de Goma, ville de plus d’un million d’habitants tout près de la frontière rwandaise. À la fin d’octobre, environ 5,6 millions des déplacés de RDC se trouvaient dans les provinces orientales du Nord-Kivu, Sud-Kivu, d’Ituri et du Tanganyika, selon l’OIM. Le seul Nord-Kivu comptait à lui seul près de 1 million de déplacés. Actuellement, selon l’Organisation internationale pour les migrations, « avec le conflit en cours et l’escalade de la violence, la RDC est confrontée à l’une des plus grandes crises de déplacement interne et humanitaire du monde ».

Organisation d’une distribution de produits alimentaires et d’hygiène en faveur de déplacés par l’ECC Nord-Kivu © ECC

image_pdfimage_print