Engagé dans l’humanitaire depuis de nombreuses années, Luc revient sur ce qu’il a pu découvrir et vivre au travers de ses différentes missions, au moment où il s’apprête à occuper un poste de chef de projet au sein de l’école Kallaline de Tunis.

Luc pendant la formation des envoyés – juillet 2023 © Défap

 

 

Je suis à la fin d’une carrière humanitaire, au sens vrai de ce terme c’est à dire centrée sur sauver des vies (sans se préoccuper des âmes même quand j’ai travaillé à de nombreuses reprises avec des organismes chrétiens et aussi à deux reprises avec une organisation musulmane).

Je veux désormais travailler sans me préoccuper d’argent ni d’avantages sauf ceux liés à mon assurance retraite qui est bien maigre au moment où j’écris cette première lettre.

L’intérêt d’un poste VSI, poste souvent, peut-être même toujours junior, à ce moment de ma vie professionnelle et personnelle est de m’offrir l’opportunité de travailler en contact avec les bénéficiaires ce que j’ai eu assez peu d’occasions de faire.

Le très gros intérêt d’un poste senior est d’avoir de l’influence sur les programmes, sur les résultats, et d’impacter sur le bien-être de centaines, souvent de milliers de personnes. Ces responsabilités m’ont amené beaucoup de satisfactions et de soucis. J’espère qu’occuper ce poste junior en Tunisie ne va pas m’amener beaucoup de frustrations et de soucis.

Après le COVID qui a sonné la fin de carrière pour des dizaines de ‘vieux’ humanitaires, je me suis tourné vers des postes plus juniors à deux reprises sans beaucoup de satisfactions. Le premier en protection des enfants au Sénégal, le second en droit humain et promotion des Peuples Autochtones Pygmées en RDC.

Réfléchissant dans ma petite tête je suis arrivé à l’hypothèse que la raison de mes déceptions professionnelles, et aussi personnelles en ce qui concerne le poste en RDC, n’est pas due au job lui-même mais au fait que l’encadrement n’était pas assez professionnel, et j’écris cela sans amertume aucune et même sans rancœur vis-à-vis de mes deux organismes d’envoi qui étaient animés pour le premier par un cœur ‘gros comme ça’ qui a voilé le besoin d’un comportement professionnel, et pour le second par le manque d’expérience puisque mon poste était une création et de plus la RDC est un pays extrêmement complexe.

Luc pendant la formation des envoyés – juillet 2023 © Défap

Je me souviens de mes débuts au centre social de l’Église Évangélique du Cameroun sur la station missionnaire de Ndoungue au pied du mont Manengouba. Arrivé avec une petite ONG en tant que volontaire j’ai apprécié d’être rapidement pris en charge par le Défap. Outre le fait que mon indemnité m’a permis de mieux vivre j’ai vécu un encadrement de qualité. Les collègues au siège savaient ce qu’ils devaient faire, ils étaient préparés à des situations compliquées, ils ne bottaient pas en touche à chaque difficulté. Quand il y a eu un différend entre l’EEC et moi à propos de la prise en charge des mères célibataires pour lesquelles j’étais le référent, le Défap a rapidement entendu mes doutes éthiques sans prendre partie ce qui était appréciable. Aujourd’hui repartir avec le Défap pour terminer ma carrière me semble être une fin assez logique à mon engagement professionnel.

La Tunisie offre aussi d’autres avantages. Du moins vu d’Europe et j’espère cette fois ne pas me tromper. D’abord pour quelqu’un qui commence à être rompu à la vie africaine et aux diverses cultures du continent, la Tunisie, arabophone, représente un challenge que m’offrent de moins en moins les pays de l’Afrique sub-saharienne. Le climat, proche de l’Occitanie de mon enfance, va être presque nouveau pour moi. La cuisine aussi et j’adore cuisiner. Un autre challenge, que je vis comme une marque de confiance, est qu’il me semble que l’école compte beaucoup sur mon expérience pour se développer après avoir pas mal chuté d’après les personnes avec lesquelles j’ai déjà eu l’occasion de parler. J’ai déjà dit que je ne sais pas faire de miracles et on m’a répondu qu’on n’en attend pas.

Luc pendant la formation des envoyés – juillet 2023 © Défap

Dans ce contexte j’appréhendais un peu la formation car je craignais d’y être poussé à prendre beaucoup de place compte-tenu de mon expérience, mais au contraire j’y ai trouvé un terrain convivial mêlé à un sentiment de partage et nourri par des échanges de qualité. Sur la vingtaine de personnes en formation il n’y en aurait que deux, peut-être trois, avec lesquelles j’aurais du mal à travailler mais il est possible que je me trompe, que mon jugement soit faussé. J’ai beaucoup de mal avec le mysticisme évangélico–pentecôtiste de 3 ou 4 personnes mais les qualités humaines de ces mêmes personnes m’ont bien aidé à faire l’impasse. Ayant fréquenté une de ces Églises, c’était au Kenya et cela a duré 3 ans si je me souviens bien, je nourris une grosse suspicion pour leurs faux pasteurs dont l’enseignement est d’abord destiné à soutirer un maximum d’argent aux crétins, dont j’ai été, qui assistent à leurs cultes.

Les modules sont de grande qualité. Mes préférés ont été l’interculturalité d’Évelyne et les rencontres interreligieuses. Lors de mes discussions avec les autres membres du groupe j’ai été surpris d’entendre que ce sont ceux qui ont eu moins de succès. Pour moi le contenu de ces deux modules a réveillé mes intérêts; surtout celui d’Evelyne qui a le mérite de théoriser des choses que j’ai vécues sur le terrain sans jamais avoir eu l’occasion de les analyser.

Voici donc où j’en suis après presque deux semaines de formation et à un peu plus d’un mois de mon départ. J’espère que ma lettre d’avant Noël sera tout aussi confiante.

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