Ce samedi 26 mars marque la date de l’Assemblée Générale 2022 du Défap. Une réunion particulière à plusieurs titres : elle se tient une nouvelle fois en visioconférence pour limiter les risques sanitaires ; et elle est marquée par la volonté de prendre en compte plusieurs grands défis qui se posent au Défap. L’un est d’ordre financier : c’est celui de la baisse des contributions des Églises membres. L’autre est écologique : c’est celui de la réduction de l’empreinte carbone du Défap. Dans le premier cas, la question sous-jacente est celle de la mission des Églises ; dans le deuxième, celle de la responsabilité de tous, y compris des institutions ecclésiales, vis-à-vis de la création. Et derrière ces deux questions se profile le thème de la dimension universelle de l’Église. Autant d’éléments rappelés par le président du Défap, Joël Dautheville, dans son message à l’Assemblée Générale.


Le président du Défap, Joël Dautheville, lors de la lecture de son message devant l’Assemblée Générale du Défap – Capture écran

 

Message du Président
Assemblée générale du 26 Mars 2022 en visioconférence

« L’Église parle de merveille parce qu’elle parle de Dieu, de l’éternité dans le temps, de la vie dans la mort, de l’amour dans la haine, du pardon dans le péché, du salut dans la souffrance, de l’espérance dans le désespoir. »

Je vous salue toutes et tous avec ces mots de Dietrich Bonhoeffer. Ils rappellent quelques points forts et lumineux de la vie des Églises alors même que notre Assemblée générale se déroule aujourd’hui de façon si particulière.

Particulière car, une fois de plus, elle est réunie en visioconférence, la pandémie n’étant pas terminée.

Particulière car une guerre fratricide a lieu sur le sol européen à 2000 km de la France fait beaucoup de morts et de blessés, jette sur la route de l’exil plus de 3 millions de personnes, surtout des femmes et des enfants et fait plus de 10 millions de personnes déplacées. La sidération causée par cette guerre est grande. Son traitement médiatique est si intense que, comme cela m’a été rapporté, quelques fidèles de nos Églises pensent que leurs Églises soutiendraient de façon privilégiée les victimes de la guerre en Ukraine à celles des catastrophes climatiques de Madagascar ou d’Haïti. Je rappelle ici que les Églises, à travers le Défap, la Fédération protestante et la Fondation protestante sont dans une dynamique de soutien aux victimes de guerres et de catastrophes naturelles.

Après cette précision je souhaite poursuivre notre réflexion sur l’Église universelle, thème de notre AG. Après le rapport du Défap donné au dernier SN de l’Epudf, après le mot du président dans le rapport d’activités, cette réflexion vient au moment où les discours de repli sur soi, voire de repli identitaires se font entendre dans la société comme dans les Églises et réinterrogent le sens de l’universel.

Quelques considérations théologiques et spirituelles

D’après Wikipedia, le symbole, en grec, est ce morceau de terre cuite cassée en deux permettant à des familles vivant dans des endroits différents de se reconnaître comme étant de la même famille. Sur le plan ecclésial, les Églises ont appelé Symbole des confessions de foi pour dire qu’elles se reconnaissent de la même Église du Christ. Précisément, avec le Symbole des Apôtres les fidèles confessent : « je crois la sainte Église universelle… ». On peut être étonné que très tôt les Églises aient confessé une telle universalité. D’où vient-elle ?

Cette notion d’universalité, de catholicité de l’Église vient, entre autres, me semble-t-il, de cette promesse de Dieu faite à Abraham en Genèse 12/3 qui traverse toute la Bible et le ministère de Jésus « … en toi seront bénies toutes les familles de la terre ». Cette dynamique d’universalité n’est pas à comprendre comme la mondialisation néo-libérale échevelée qui ignore les cultures, les peuples et finalement les frontières. Cette dynamique reconnaît l’existence de frontières de toute sorte et cherche à dépasser le risque d’enfermement que ces frontières peuvent générer. De fait, l’universalité de l’Église est consubstantielle à son être même. On pourrait dire que c’est un autre mot pour exprimer que l’Église est mission et qui traduit le fait que l’amour de Dieu ne connaît pas de limites ni dans le temps ni dans l’espace.


Vue de l’Assemblée Générale du Défap en visioconférence – Capture écran

Si telle est notre conviction, il apparaît alors que c’est fondamentalement le même mouvement, celui de l’Esprit, qui est à l’œuvre quand les Églises annoncent l’évangile en paroles et en actes du bout du banc au bout du monde. Les réflexions sur la mission font apparaître que le processus d’acculturation et d’inculturation de l’évangile concerne aussi bien les relations avec des peuples que les liens avec les individus, avec des personnes rattachées à des classes sociales ou culturelles particulières. Cela a abouti à concevoir la mission, notamment pour les Églises de la Cevaa, comme un mouvement allant de partout vers partout à vivre dans le partage et la réciprocité.

Lors du cinquantenaire du Défap, et particulièrement grâce à l’exposition, j’ai redécouvert de façon vive, qu’en créant le Défap les Églises fondatrices ont posé de façon consciente ou non un acte prophétique. Lequel me direz-vous ? Le Défap leur rappelle à temps et à contretemps que l’Église est mission, que l’Église est universelle. Chaque paroisse, chaque église locale, chaque région, chaque Église nationale ne peut réfléchir, agir et vivre en autarcie. On n’est pas Église tout seul. Cette affirmation n’est pas le résultat d’une opinion ou le fruit d’une idéologie. Elle est tout simplement un donné biblique, théologique et ecclésiologique fondamental.

Si donc nous confessons que l’Église est universelle, sur le plan temporel et géographique, si nous croyons que c’est le même Esprit qui anime aussi bien la mission au près et la mission au loin, alors nous sommes invités à nous poser une question sur le plan institutionnel. Je la partage avec vous. Certains la trouveront stimulante, d’autre disruptive voire iconoclaste. J’ai souvent remarqué que la mission à l’international était vue comme extérieure à la mission intérieure et réciproquement. N’est-ce pas le moment de saisir l’opportunité de faire travailler ensemble les services de mission intérieure et extérieure des Églises membres du Défap, voire de les fondre en une seule entité institutionnelle et mettre ensemble les richesses de chacun pour un renouveau de la mission ?

Après quelques considérations théologiques et spirituelles, j’en viens à quelques considérations temporelles à travers lesquelles je souhaite partager un sujet d’inquiétude et une information.

Quelques considérations temporelles

Finances

Avant toute chose je souhaite remercier les Églises qui soutiennent la vie du Défap en mettant à disposition des pasteurs et des fidèles pour son fonctionnement. Je dis aussi ma gratitude pour les efforts financiers qu’elles font alors même que leurs ressources sont sur une tendance baissière. Les efforts faits par certaines régions de l’Epudf d’augmenter leur contribution au Défap est à saluer dans un tel contexte.

Lors de notre AG en mars 2018, j’avais lancé un appel aux Églises à entrer dans une dynamique de refondation du Défap. Les liens entre certaines Églises locales, régionales voire nationales avec le Défap se distendaient. Le financement du Défap ne cessait de baisser d’année en année. Quatre ans après cet appel, les ressources des Églises au budget 2022 ont baissé depuis 2018 de plus de 18%, c’est-à-dire environ 330 000€. Ne pas oublier que 40% des finances de l’Epudf sont adressées à la Cevaa. Depuis l’adoption du texte Convictions et Actions en mars 2021, les ressources ont baissé en un an de 160 000€ suite entre autres à une baisse abrupte de deux régions de l’Epudf. Le Défap est ainsi tiraillé entre d’une part les demandes faites par les Églises sur ses actions et d’autre part les moyens qu’elles lui donnent et qui peuvent baisser fortement d’une année sur l’autre. Or la gestion d’un organisme d’échanges, de mise en relation comme le Défap se fait sur le temps long. Le Défap, ce sont des employés et leurs familles, des envoyés et des boursiers qui sont accueillis, des engagements de solidarité parfois sur plusieurs années, des échanges de professeurs de théologie. D’où la difficulté de gérer un tel outil, il en est de même pour la Cevaa, quand les ressources baissent continuellement et parfois brutalement. C’est pourquoi je lance un appel aux Églises pour que le Défap ne soit pas étouffé avant que n’intervienne sa refondation. Les Églises pourraient-elles s’engager, par exemple, sur un programme de ressources pluri annuelles comme l’Epudf le fait depuis longtemps à l’endroit de l’Institut Protestant de Théologie ?

J’en viens maintenant à l’information à partager. Il s’agit de l’Empreinte écologique du Défap

Les Églises membres du Défap se préoccupent de plus en plus de leur empreinte écologique. Au dernier Synode national de l’Epudf intitulé « l’écologie : quelle(s) conversion(s) », Martin Kopp a rappelé que les émissions de carbone se font surtout au Nord et les dégâts surtout au Sud. En janvier 2022, le Conseil du Défap a décidé de prendre sa part dans la lutte contre le dérèglement climatique. Un tableau de bord des dépenses en carbone est effectué et sera tenu par le Secrétariat général. La Commission des Projets sera saisie pour rechercher des pistes concrètes de compensation carbone au sein de son réseau.

Envoi

Au nom du Défap, je dis ma gratitude et ma reconnaissance aux Églises, aux paroisses, aux régions qui soutiennent le Défap et se servent de cet outil.

Je dis également ma gratitude et ma reconnaissance à l’endroit de notre Secrétaire général, le pasteur Basile Zouma et de toute l’équipe qui permettent de mettre en forme quelques-unes des actions et convictions au service de la mission des Églises membres. Je la dis aussi aux membres du Conseil, du Bureau, et des Commissions Échange de Personnes, Finances et Travaux, et Projets. Toutes et tous s’impliquent pour stimuler au mieux la mission des Églises.

Dans un contexte financier tendu, dans un environnement national pas toujours porteur pour les religions, dans un contexte mondial plein de tensions et de défis y compris climatiques, le Service Protestant de Mission, grâce aux fidèles des Églises membres et des partenaires est un des lieux qui permet de toucher du doigt la joie de la mission à travers les échanges et les projets qui donnent du corps à la notion de l’universalité. C’est ce que nous allons vivre tout au long de cette assemblée.

Merci de votre écoute et Bonne Assemblée générale à toutes et tous !

Joël Dautheville

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