Dans son intervention en introduction de l’Assemblée générale du 27 mars 2021, le président du Défap, Joël Dautheville, a voulu souligner, tout d’abord l’importance du lien dans les activités du Défap – ce qui a été mis à mal par la situation sanitaire ; mais également l’implication de toute l’équipe pour surmonter ces difficultés et trouver des chemins de résilience, et la solidité dont a fait preuve, en tant qu’institution, le Service protestant de mission. Mais il reste à réfléchir sur la mission elle-même : un sujet dont les Églises se sont saisies, pendant que le Défap travaille parallèlement à se réinventer. Dans cette perspective, le président du Défap a voulu axer son intervention sur les trois axes qui structurent la vie du Défap sur le temps long et qu’on retrouve dans le document Convictions et Actions 2021-2025 : l’interculturalité, la solidarité à l’international, la réflexion théologique. Des thématiques et des sujets derrière lesquels se profilent toutes les évolutions, toutes les mutations qui travaillent la société en général et nos Églises en particulier, et auxquelles il faut pouvoir répondre.

Oui, la pandémie est un révélateur des fragilités de toute sorte et un accélérateur des tendances déjà à l’œuvre avant la crise sanitaire. Elle révèle notamment que le lien concret entre personnes est vital. L’enfer, ce n’est pas les autres, c’est leur absence. Le Défap, comme d’autres instances, souffre de ce déficit de rencontre alors qu’il est un lieu d’échanges, d’envoi et d’accueil.

Oui, la pandémie révèle également la solidité du Défap. Je salue les délégués, les commissions, les partenaires de leur soutien. Je salue aussi le courage et l’implication de toute l’équipe du Défap et de son Secrétaire général, le pasteur Basile Zouma, pour tenir le cap.

Il faut saluer aussi, une fois n’est pas coutume, le soutien financier de l’État concernant le salaire des employés en activité partielle mais aussi la prolongation du soutien des envoyés dont la mission a pourtant été interrompue.
Aujourd’hui, et c’est un sujet de reconnaissance, les Églises décident de s’interroger plus fondamentalement sur leur mission. Leur question est la suivante : Quelle mission et pour quelle Église ? Suite à leurs réflexions des orientations futures du Défap seront débattues avec le Conseil à partir de 2023 pour une refondation prévue à l’AG 2025.

Ce message, très court, tournera autour de 3 pôles qui parcourent et structurent la vie du Défap sur le temps long et qu’on retrouve dans le document Convictions et Actions 2021-2025, objet du débat de l’après-midi : l’interculturalité, la solidarité à l’international, la réflexion théologique.

1. La notion d’interculturalité

Elle est une réalité que l’Église rencontre, dès ses origines, puisque par nature elle est en mission et rencontre des personnes très différentes sur le plan culturel et religieux. Aujourd’hui, les communautés vivent de plus en plus une réalité interculturelle de fait. D’où leurs questions : Comment faire pour que les chrétiens et les Églises soient vivifiés sur le plan théologique et ecclésiologique par cette situation relativement nouvelle ? Comment agir pour que chaque fidèle se sente chez lui dans la communauté qu’il fréquente ?

Pour approfondir le questionnement posé par l’existence de l’interculturalité, le Défap met en place des actions. J’en citerai seulement deux.

  • Afin de saisir au mieux les différentes composantes de l’interculturalité, le fait d’être un envoyé ou une personne accueillie est très formateur.
    Cela permet de découvrir l’autre dans sa singularité et conduit à s’interroger sur sa propre manière de croire, de penser même si cela n’est pas toujours facile à vivre. Comme la mission est de plus en plus vue comme partagée, de partout vers partout, le Défap et ses partenaires travaillent pour que les envois de volontaires et de boursiers se vivent non à sens unique mais avec plus de réciprocité. Ces échanges de personnes permettent aux envoyés et boursiers d’être témoins et pourquoi pas acteurs de l’inculturation de l’Évangile. Sur ce dernier point, le Défap, et les Églises ont des progrès à faire. Car bien souvent ces envoyés et ces boursiers à leur retour sont peu invités à témoigner de ce qu’ils ont vécu, à ouvrir des pistes de réflexion et d’actions sur le plan local ou régional et participer ainsi à donner un contenu à l’interculturel.
  • Module interculturel.
    La seconde action découle de la précédente. Il s’agit de préparer au mieux les envoyés à l’aide d’une formation préalable laquelle comporte un module interculturel enrichi par les compétences et l’expérience du Défap. La globalisation aidant, il y a une internationalisation plus marquée de la vie des Églises où qu’elles soient d’où leur souhait de travailler cette notion. Ce type de module est repris aujourd’hui par l’Epudf et adapté au master pro. De plus une formation à l’interculturel est en projet entre l’Epudf et le Défap à l’endroit des pasteurs venant de l’étranger. L’Uepal a un projet similaire. Et pourquoi pas des formations des CP ?

Permettez-moi une brève incise sur la culture musicale dans la vie des Églises du Défap. Un des fondamentaux du protestantisme sous toutes les latitudes est d’aimer chanter ! Pourtant le dernier recueil de chants de la FPF, Alleluia, qui a pourtant « internationalisé » plusieurs cantiques a laissé peu de places à des compositeurs venus d’Églises d’outre-mer liées à la Cevaa et au Défap ! Pour faciliter la rencontre interculturelle au sein des communautés, il serait bienvenu que le Défap mette rapidement sur pied une plateforme réunissant différents acteurs dans le but d’éditer d’une part, si cela n’existe pas encore, un recueil de chants pour les communautés à dimension interculturelle et d’autre part de poursuivre le travail d’édition de fiches liturgiques avec des textes venus d’Églises partenaires comme elle l’a fait en 1985, 1997 et 2005.

Une question demeure : l’interculturalité est-elle un simple effet de mode ?

Non. D’une part, l’aborder ouvre à la notion d’altérité laquelle est au cœur de la spiritualité et de la mission. D’autre part, elle ouvre à la prise de conscience que les Églises vivent de plus en plus l’interculturalité en leur sein et vivent dans des pays qui sont eux-mêmes de plus en plus multiculturels. De fait, certes de manière chaque fois spécifique, chaque pays devient ou redevient un champ de mission. Avec le sociologue Zygmunt Bauman, qui caractérise les sociétés actuelles de sociétés liquides et Jérôme Fouquet, analyste politique, directeur du département Opinion à l’IFOP qui parle aujourd’hui de l’archipélisation de la société française, on comprend clairement que la vie culturelle, sociale et économique de nos sociétés est de plus en plus morcelée. Et qu’en est-il de la vie des Églises et de leur mission ? Du côté catholique, Arnaud Join-Lambert, professeur de théologie à l’Université de Louvain, évoque dans un récent article de la revue Istina l’éclatement des théories et pratiques missionnaires dans l’Église catholique. Il précise en outre qu’existe, je cite, le retour des identités et le retour aux tribus, tels que caractérisés par Bauman. Fin de citation. Merci à notre bibliothécaire de m’avoir fait connaître cet article !

Comme le dit très bien l’intitulé des Ateliers de la Mission qui démarre le samedi 10 avril prochain : Le monde change, la mission aussi.

2. Solidarité à l’international

Si le Défap, entre autres organisations, est bien outillé pour aborder la question interculturelle, il le doit au fait que ses partenaires accueillent les envoyés du Défap au nom de la solidarité. C’est pourquoi le Défap est vu depuis des décennies comme une force de proposition parmi les acteurs de la solidarité internationale française. Le Défap, seul et souvent avec d’autres partenaires, est invité à accompagner et à soutenir des projets internationaux. Avec les organisations présentes au conseil du Défap, telles que la Cevaa, l’ACO, la Cimade, la CEEEFE, la FPF, les questions de solidarités internationales nourrissent la vie et les orientations du Défap.

De fait le pôle interculturalité marqué par les échanges de personnes, et le pôle solidarités internationales sont plus imbriqués qu’on ne l’imagine. J’en donne un seul exemple. Le pasteur centrafricain, Rodolphe Gozegba, boursier du Défap, accueilli dans notre AG du 1er avril 2017, est retourné cet été dans son pays après avoir été reçu brillamment comme docteur en théologie à l’IPT. Il écrit au service Mission de l’Uepal une lettre dont voici un extrait : « Les semaines dernières, mon pays s’est replongé dans une guerre qui ne dit pas son nom. Mais ça va un peu mieux maintenant, même si les conséquences socio-économiques sont inquiétantes. Le peuple centrafricain est lui-même sa propre espérance : il se bat pour vivre, même s’il sait très bien que la situation n’est pas prête à s’améliorer. À Bangui, la capitale, les populations meurent de faim, car les corridors d’approvisionnement allant au Cameroun et au Tchad ont été coupés par les groupes armés. »

3. Le dernier point que j’aborde dans ce message concerne la dynamique théologique au Défap.

Suite aux différents travaux menés par le Défap depuis quelques années, colloque d’octobre 2019 Vers une nouvelle économie de la Mission, séances du Conseil sur la refondation du Défap, puis sur les Convictions et Actions 2021-2025 d’une part et d’autre part avec les futures réflexions sur les Ateliers de la Mission et tout ce qui va être exposé, dit, rédigé à l’occasion du cinquantenaire du Défap, il serait intéressant de mette à nouveau sur pied une équipe théologique. Cette équipe pourrait-elle réunir quelques idées forces issues des différents travaux faits par le Défap depuis ces dernières années et les envoyer aux Églises ?

Merci de votre écoute et bonne AG !

Joël Dautheville,
Président du Défap

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