Partir à l’étranger avec le Défap, ce n’est pas seulement découvrir un autre pays, une autre culture, et y vivre de nombreux mois en immersion : c’est aussi se découvrir soi-même. Avec le Covid-19 d’autres problématiques se posent. Au travers de leurs lettres de nouvelles, les envoyés partagent leur ressenti mais aussi leurs questionnements.
Tanguy Roman est en mission de service civique à l’école Kallaline à Tunis depuis sept mois. Il s’occupe d’activités d’échanges interculturels et linguistiques.
Mon séjour se passe très bien, sans soucis majeurs que ce soit du côté de l’école ou du travail. Amès, mon colocataire pour les quatre premiers mois, est parti début janvier en France pour finir son master si bien que je me retrouve avec une charge de travail un peu plus importante, surtout pour les remplacements que je fais seul maintenant. Courant janvier, un autre Français, Lucas, est venu trois semaines à l’école pendant ses vacances. Je me suis donc réellement trouvé seul début février. On me demande souvent si j’appréhende ce moment, mais pour l’instant je le vis bien. Nous nous entendions très bien, Amès et moi, mais la solitude va me forcer à me responsabiliser, et notamment à faire la cuisine !
Le travail m’intéresse toujours. J’apprends beaucoup même si parfois je me demande si je suis à la hauteur de la situation, mais j’essaie toujours de faire de mon mieux. J’ai très rarement des problèmes de langage bien qu’il soit parfois difficile de comprendre certaines attentes, car si les Tunisiens s’expriment très bien en français, leurs codes sont cependant différents. En ont découlé quelques incompréhensions, résolues rapidement et sans conséquence.
D’un point de vue pratique, j’ai l’impression de mieux m’en sortir : d’un côté les enfants commencent à comprendre la manière dont je fonctionne et je comprends de mieux en mieux comment les choses se passent. Le fait que les CP commencent un petit peu à pratiquer le français et à le comprendre aide aussi.
Le système éducatif tunisien particulier, plus proche de ce que j’ai vécu au lycée qu’à l’école primaire. Les enfants subissent beaucoup de pression, avec des évaluations notées régulières, ainsi que des examens en fin de trimestre, qui déterminent en partie leur passage pour l’année suivante et même leur futur dans le secondaire. En période d’examens, on perçoit que les enfants sont stressés par les épreuves.
Avec le départ d’Amès, mon quotidien s’est donc trouvé bousculé. Eh oui : davantage d’heures à l’école, plus de temps passé en cuisine, les jours filent plus vite.
D’un point de vue social, pas de soucis : entre l’école et l’ERT, (Eglise réformée de Tunis), je vois du monde, même si la plupart des gens que je côtoie sont eux aussi des expatriés, venus des quatre coins de l’Afrique, ou des gens de l’école. Mais avec le sport, et la facilité qu’ont les Tunisiens pour venir parler, je commence à connaître pas mal de monde. C’est assez intéressant de voir comment tous voient l’actualité.
J’ai aussi eu la chance de recevoir mes parents et mon petit frère courant février. Ils sont venus avec un bon guide touristique acheté en librairie et ont bien préparé ce qu’ils voulaient visiter. Je me suis rendu compte, à cette occasion, que mis à part les lieux les plus connus, je n’avais pas fait énormément de tourisme : on dirait bien que je suis en Tunisie pour travailler et non pour des vacances.
Au moment où j’écris ces lignes, il y a presque quarante cas de Covid-19 en Tunisie. Pour le moment, ce sont les vacances scolaires, qui ont commencé trois jours plus tôt pour des raisons sanitaires. Un couvre-feu a aussi été déclaré de 18 heures à 6 heures du matin. Beaucoup de « fake news » tournent en Tunisie sur les réseaux sociaux, parfois repris par les médias, notamment à propos des mesures prises en France. C’est assez difficile de savoir comment réagir quand quelqu’un affirme que la France paye le loyer et les dépenses d’eau de gaz et d’électricité pour tous les Français, en citant un article d’un journal tunisien. Fort heureusement, les gens commencent a prendre conscience de la réalité du problème et des gestes élémentaires à faire pour se protéger.