Salle de classe au Bénin © Chloé Waline

Comment s’est passée votre intégration au Bénin ?

Chloé Waline au Défap © Défap

Chloé Waline : J’ai été extrêmement bien accueillie par l’ensemble des enseignants, et par toutes les personnes que j’ai pu croiser, les parents d’élèves, les enfants… Ensuite, il y a eu des défis, bien sûr : le nombre d’élèves, par exemple. Là où j’étais, il y avait douze classes en primaire, avec une moyenne de 35 à 40 enfants par classe. J’ai dû endosser le fait d’être utile partout et pour tous, et de travailler avec tout le monde. J’avais le sentiment que tous les collègues voulaient travailler avec moi, que tous les enfants voulaient que j’intervienne dans leur classe ; il a fallu gérer le temps et que j’apprenne à me partager. Du coup, j’ai dû adapter ma manière de voir les choses : j’envisageais au début que je pourrais faire surtout du soutien aux élèves en difficulté, notamment en lecture. Puis j’ai réalisé que si je m’engageais dans cette voie, les autres enfants pourraient être lésés…

 

Comment s’est déroulée votre mission d’assistante d’éducation ?

Chloé Waline : J’ai commencé par faire de l’observation dans les classes, pour comprendre le fonctionnement de l’école et voir les différences entre les systèmes pédagogiques français et béninois. Après quoi j’ai soumis un projet d’emploi du temps aux deux directeurs de l’établissement où je travaillais : j’avais prévu des créneaux horaires pour toutes les classes, avec en plus des créneaux que j’avais intitulés «Projets». Je comptais les consacrer à des travaux plus consistants, que je ne pourrais pas mener avec toutes les classes : par exemple, avec une classe de CE1, j’ai lancé une correspondance avec une classe équivalente en France. J’ai aussi lancé un projet autour du programme de CM1, axé sur le patrimoine. Nous avons donc réalisé en classe de petites présentations en vidéo sur le patrimoine béninois, que nous avons envoyées à des classes françaises. Les élèves français nous ont répondu… mais sous forme de texte, du fait des restrictions légales en France autour des images filmées des enfants. En-dehors de ces créneaux «Projets», j’avais une autre partie de mon emploi du temps consacrée à de la lecture renforcée, pour les élèves en difficulté.

J’intervenais dans des classes très différentes. Il m’est aussi arrivé de remplacer des collègues absents. Chaque jour était différent, j’avais des relations différentes avec chacun de mes collègues, certains me sollicitaient beaucoup et d’autres moins ; et c’était très intéressant pour moi de trouver comment m’adapter au style de chacun. Je pouvais passer d’un groupe d’enfants de 4 ans à des élèves de 10 ans… Il fallait réussir à gérer la diversité.

 

Que retenez-vous de cette première expérience d’enseignement à l’étranger ?

L’équipe de l’école © Chloé Waline

Chloé Waline : C’est dense, tout ce que l’on retient dans ces circonstances… J’ai retrouvé au Bénin tout ce qui m’avait motivée à m’engager dans ce métier : apprendre aux autres, et apprendre des autres. J’ai appris des choses aux enfants, mais eux aussi m’en ont appris… Ensuite, travailler avec beaucoup d’enfants, ça amène nécessairement à adopter une pédagogie différente. Et on met plus de temps à bien percevoir la personnalité de chaque élève. Mais on finit toujours par retrouver ses habitudes de classe. Au bout du compte, même si les contextes français et béninois sont très différents (par exemple, aujourd’hui dans notre pays, on essaie beaucoup plus de placer l’enfant au centre et de travailler sur les pédagogies nouvelles), il y a quand même des choses que j’aimerais reprendre quand j’aurai à enseigner en France. Par exemple : le fait de chanter entre chaque activité. Je trouve que ça rythme bien la journée, ça fait travailler les capacités de mémorisation des élèves ; chaque chant appris est vraiment utilisé régulièrement. Mais en attendant d’enseigner en France, je vais rester une année de plus au Bénin. J’ai pris contact avec deux écoles différentes, pour voir ce qu’elles peuvent me proposer.

 

Et de quelle manière pensez-vous encore pouvoir valoriser cette expérience, lorsque vous vous vous retrouverez devant une classe en France ?

Chloé Waline en compagnie de collègues béninoises © Chloé Waline

Chloé Waline : En premier lieu, ça va m’aider à relativiser tout ce qui concerne les conditions de travail – par exemple au sujet des effectifs dans les classes. Ensuite, il faut bien reconnaître que les enfants ont une éducation, et donc des comportements très différents. J’ai pu le voir de manière flagrante avec le cas d’un élève dont le père revenait de France. Il débordait d’imagination – ce qui n’est pas forcément ce qui est le plus valorisé dans le système scolaire béninois ; mais il avait aussi tendance à parler sans lever le doigt, et tous les autres, quand il faisait cela, fixaient les yeux sur lui…

Un autre aspect qui sera intéressant pour moi par la suite, c’est que j’ai eu l’occasion de travailler avec des classes de tous les âges entre 4 et 11 ans. C’est quelque chose de très utile pour un début de carrière d’enseignante. Sur un plan plus personnel, j’ai été frappée de voir à quel point on peut vite se sentir chez soi, tout en étant loin de chez soi. Avec quelle rapidité on prend des habitudes… Le fait d’être dans un contexte francophone a sans doute beaucoup aidé. Tout comme le fait que le Bénin est un pays stable : à aucun moment je ne me suis sentie en insécurité.

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