Extrait de l’ouvrage «Le nouveau temple protestant de Djibouti» © éditions Olivétan

Qui, mieux qu’un architecte, peut explorer et exprimer les relations entre un lieu et la communauté humaine qui y vit ? Surtout quand ce lieu est un temple, et que l’architecte est aussi théologien… Le livre publié par Nicolas Westphal aux éditions Olivétan porte ainsi un regard irremplaçable sur les années d’aventure qu’a représenté le chantier du temple de Djibouti. Un chantier qui a associé, pendant près de dix années, de multiples partenaires au premier rang desquels la Ceeefe, propriétaire des lieux, les Églises protestantes de France apportant une aide financière, et le Défap.

L’histoire de l’Église protestante évangélique de Djibouti (Eped) en fait une communauté unique, tout comme son temple. Elle trouve son origine dans l’aumônerie des troupes françaises stationnées à Djibouti. Le chantier du temple avait débuté en 1962, avec l’aval du gouverneur de l’époque, et sur un terrain alors apporté par l’Assemblée Territoriale, à majorité musulmane. Le montage financier avait impliqué à la fois des fonds venus des Églises Réformées de France et des fonds publics, sous la forme d’une aide du FIDES (Fonds d’Investissement et de Développement Économique et Social). Lorsqu’était née la République de Djibouti, à la suite du référendum d’autodétermination de 1977, les bâtiments étaient devenus propriété de la Ceeefe (Commission des Églises évangéliques d’expression française à l’extérieur), le Défap assumant la responsabilité de cette paroisse unique. Dans ce lieu instable, à la fois sur le plan politique et sur le plan démographique, avec un renouvellement régulier des membres de l’Église, le temple assurait un rôle indispensable d’ancrage pour toute la communauté. Mais le bâtiment construit dans les années 60 avait mal vieilli, sa rénovation devenait nécessaire : un gros chantier et un défi pour l’Eped et pour tous les partenaires impliqués, notamment le Défap, et à travers lui les Églises protestantes de France. Un projet qui, au-delà du temple lui-même, devait concerner tous les bâtiments attenants, presbytère et salles paroissiales, avec de nombreuses implications sociales et en termes de formation.

«Un lieu d’accueil, de rencontre»

«Construire ou reconstruire un temple dans un pays musulman où les protestants sont ultra-minoritaires est une entreprise peu banale», souligne la présentation du livre. «Loin de toute revendication identitaire, la communauté protestante de Djibouti a voulu offrir à la population de la ville, un lieu d’accueil, de rencontre respectueuse, de convivialité, de prière aussi. Le grand mérite de l’architecte Nicolas Westphal a été de ne pas arriver à Djibouti avec un projet ficelé dans son cabinet en France, mais de s’imprégner du terrain : les matériaux locaux, l’architecture traditionnelle, le climat, les attentes spirituelles des gens… pour élaborer peu à peu, sur place et en tenant compte de multiples contraintes, une réalisation architecturale qui force l’admiration et le respect. Jouant habilement entre le dedans et le dehors, entre l’ombre et la lumière, entre l’intime et le collectif, le nouveau temple de Djibouti sera à n’en pas douter un lieu privilégié à Djibouti pour vivre la rencontre, la convivialité et la quête de spiritualité.»

L’inauguration du temple rénové a eu lieu le dimanche 6 novembre 2017, lors d’un culte présidé par Bernard Antérion, président de la Ceeefe et Jean-Luc Blanc, responsable du service Relations et Solidarités Internationales au Défap. Nicolas Westphal, présent tout au long de ce chantier de longue haleine, y assistait. Cette cérémonie marquait pour lui la conclusion d’un investissement personnel allant bien au-delà du travail d’architecte et impliquant recherche de fonds, mise en place de montages innovants pour permettre au chantier de se poursuivre lorsque les financements manquaient… sans jamais perdre de vue ce que représentait pour lui ce bâtiment vieilli, aux structures porteuses attaquées par le sel, qu’il avait fallu consolider de l’intérieur en l’évidant comme une noix, pour construire un nouveau temple au cœur de l’ancien, en laissant toute sa richesse à l’espace et toute sa place à la lumière.

L’aventure continue pour l’Eped

«Le nouveau temple protestant de Djibouti», par Nicolas Westphal, paru le 15 septembre 2018 aux éditions Olivétan, 16,00 €

«La composition architecturale», écrit-il aujourd’hui, «touche la pensée qui lit et interprète ce qu’elle voit, mais aussi et plus directement le corps qui détecte les qualités du lieu où il se tient, comment il est entouré, porté, éclairé, lorsqu’il est immobile ou lorsqu’il se déplace. La composition associe la lecture de la pensée et les sensations du corps pour créer du sens, évailler des émotions, pour nous «parler» en quelque sorte, comme on dit parfois «ce lieu me parle». La composition architecturale s’adresse à notre pensée, à notre mémoire, à notre corps.»

Fait significatif, l’édition de ce livre a reçu le soutien de l’ambassade de France à Djibouti. Dans la préface de l’ouvrage, Christophe Guilhou, ambassadeur de France à Djibouti, tient d’ailleurs à saluer «le gouvernement djiboutien qui montre depuis longtemps sa bienveillance vis-à-vis des institutions religieuses non musulmanes résidant sur son territoire (l’installation de l’Église Protestante de Djibouti sur le Boulevard de la République en 1963 en était déjà le signe).»

L’inauguration de novembre 2017, et le livre désormais disponible aux éditions Olivétan, marquent un aboutissement, mais non une fin : l’aventure continue pour l’Eped. Car autour du temple proprement dit, les salles déjà en fonctionnement depuis plusieurs années ont permis d’accueillir un centre de formation. Entre 2015 et 2017, il a ainsi accueilli une trentaine de jeunes en situation de handicap moteur dans le cadre d’un projet éducatif financé avec l’aide de l’Union Européenne et du Défap, pour une formation professionnelle au métier d’assistant gestionnaire de réseau informatique et aux notions d’entreprenariat. Depuis décembre 2017, il accueille pour une durée de 18 mois, avec le soutien financier de l’organisation «Pain pour le monde», 36 jeunes Djiboutiens dont 40% de jeunes filles pour une formation aux métiers d’entretien, de pose et maintenance des panneaux solaires photovoltaïques. Autre projet : l’accueil de réfugiés pour des formations professionnelles en électricité, maçonnerie, couture, énergies renouvelables et entretien de surfaces en partenariat avec le Haut Commissariat pour les Réfugiés de l’ONU.

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