Carte de RDC © Division Géographique de la Direction des Archives du Ministère des Affaires Étrangères – 2004 |
Officiellement, Joseph Kabila ne devrait plus être président de la République démocratique du Congo depuis plus d’un an. Son deuxième mandat a pris fin le 19 décembre 2016. Il dirige pourtant toujours le pays, promettant des élections pour le 23 décembre 2018. Promesse à laquelle bien peu de monde accorde du crédit en RDC, même si elle semble admise par la communauté internationale. En attendant, toutes les manifestations sont réprimées, souvent violemment, toute contestation baîllonnée ; les arrestations arbitraires se multiplient. Une situation qui interpelle directement les Églises.
En décembre 2016, lorsque la fin du deuxième et, théoriquement, dernier mandat de Joseph Kabila a dégénéré en crise politique aiguë, l’Église catholique a accepté de jouer un rôle de médiation entre le pouvoir et l’opposition. Résultat : un accord pour des élections transparentes et une alternance politique. Mais cet accord dit de la Saint-Sylvestre, en vertu duquel une élection présidentielle aurait dû avoir lieu avant le 31 décembre 2017, est resté lettre morte. En mars 2017, les évêques se sont retirés de leur rôle de médiateurs. En novembre, ils ont demandé à Joseph Kabila de ne pas se présenter à la prochaine présidentielle. Le 31 décembre, des marches pacifiques pour l’alternance politique, organisées à Kinshasa par une association de laïcs reconnue par l’Église catholique, ont été réprimées avec une violence meurtrière. Nouvelle manifestation le 21 janvier, et nouvelle répression. Le 26 janvier, le président de la RDC, s’exprimant lors d’une conférence de presse, la première en cinq ans, a intimé aux Églises de se tenir à l’écart de la politique : «Nulle part, dans la Bible, Jésus-Christ n’a jamais présidé une commission électorale».
Une répression qui s’étend progressivement aux Églises
AG de la FPF © Fédération protestante de France |
Ce rôle assumé par l’Église catholique, avec le soutien d’une grande partie de la population, interpelle directement toutes les autres Églises et notamment le protestantisme congolais, à travers l’Église du Christ au Congo (ECC). Le 16 janvier dernier, pour la commémoration du 17e anniversaire de l’assassinat de son père, Laurent-Désiré Kabila, qui fut maître du pays avant lui de mai 1997 à janvier 2001, Joseph Kabila avait choisi de prier avec les protestants. Espérant sans doute éviter ainsi un sermon critique. Mais devant le chef de l’État et ses proches, le pasteur François-David Ekofo a dénoncé les lacunes de l’autorité et de la justice en RDC. «Nous devons léguer à nos enfants un pays où l’État existe réellement. Je dis bien réellement. Parce que j’ai l’impression que l’État n’existe pas vraiment. (…) Il faut renforcer l’autorité de l’État. Nous devons léguer à nos enfants un pays où l’État est réel, un État responsable, où tout le monde est égal devant la loi.»
Désormais, ce sont toutes les Églises qui sont menacées par la répression pendant que Joseph Kabila se maintient au pouvoir par la force. Suscitant un mouvement de solidarité au-delà des frontières de RDC : ainsi l’assemblée générale de la Fédération protestante de France, qui s’est tenue les 27 et 28 janvier à Paris, réunissant près de 170 délégués représentant 30 unions d’Églises et plus de 500 œuvres, communautés et associations (dont le Défap), a voté la recommandation suivante :
Le texte de la recommandation de l’AG de la FPF
«Informée de la situation sécuritaire et de tensions politiques en République Démocratique du Congo et de la répression que subissent dans ce pays les chrétiens qui réclament des élections crédibles et la cessation des violences politiques, l’Assemblée Générale de la Fédération protestante de France (FPF), réunie à Paris les 27 et 28 janvier 2018, demande :
- à son président, de transmettre au pasteur André Bokundoa, nouveau président de l’Église du Christ au Congo (ECC), un message fraternel et de prière face aux menaces dont font l’objet les dirigeants de l’Église.
- à son président, d’alerter les autorités françaises sur les risques concernant la sécurité personnelle des autorités ecclésiastiques et communautés chrétiennes congolaises, tant protestantes que catholiques, actuellement ciblées par le régime en place.
- à son Conseil, d’étudier la meilleure façon de suivre la situation (contacts réguliers, mise en place d’une plateforme rassemblant les différents organismes protestants travaillant avec l’ECC ou autres).»