Derrière le séjour «seniors solidaires» organisé au Cameroun du 11 janvier au 1er février, avec le soutien du Défap, c’est une aventure commencée avant les années 90 qui se poursuit : celle des camps de jeunes Français et Camerounais organisés par le pasteur Richard Dahan. Ils avaient permis, entre autres, la création d’un centre médical à Douala. Certains des anciens «campeurs» se retrouvent aujourd’hui pour soutenir ce centre, toujours actif et désormais bien reconnu, mais dont les bâtiments doivent être reconstruits et agrandis. Le séjour sera aussi l’occasion de partages et de rencontres, avec également une réflexion sur l’écologie et un aspect pratique à travers la mise en place d’ateliers pour fabriquer des cuiseurs économiseurs de bois.

 

Des « campeurs » lors d’un voyage au Cameroun © Espérance Nord-Sud

Ils sont seize, tous d’une même tranche d’âge comprise entre 65 et 80 ans, à s’engager dans l’aventure : un séjour «seniors solidaires» de trois semaines au Cameroun. Départ prévu le 11 janvier pour ce voyage organisé avec le soutien du Défap ; Jean-Luc Blanc, responsable du service Relations et Solidarités Internationales, s’est chargé de la préparation du groupe auquel il a dispensé un condensé de la formation destinée aux envoyés. Pour tous les participants, il s’agira en fait de reprendre contact avec un pays qu’ils connaissent bien, dans lequel ils ont séjourné ; de renouer, aussi, les fils de relations établies à Douala, Matomb, Mbouda, Foumban ; et à l’occasion de ce voyage, d’apporter une aide financière à des projets auxquels ils ont déjà pris part il y a des années. Il y a là quatre couples des Cévennes, d’anciens membres des paroisses de l’Église protestante unie de France de Nice, de Thonon-les-Bains et d’Aulnay-sous-Bois, un pasteur venu du Chambon-sur-Lignon ; tous réunis par une relation passionnelle avec le Cameroun que résume le parcours de leur accompagnateur, lui-même pasteur à la retraite : Richard Dahan.

Tout au long de sa vie de pasteur, Richard Dahan a vu se transformer les paroisses où il exerçait son ministère, et leur environnement. Il a été un témoin privilégié des effets de la mondialisation sur le protestantisme français ; un protestantisme autrefois sociologiquement plus homogène et qui est désormais plus multicolore, plus marqué par les questions liées à l’interculturel. Avec, également, des relations qui s’établissent par-delà les frontières… Né en 1944, aujourd’hui installé dans le Gard, Richard Dahan se souvient de la manière dont il a peu à peu tissé des relations avec le Cameroun. «J’ai été pasteur à Aulnay-sous-Bois de 1973 à 1983. J’y ai vu les champs de blé devenir des forêts de béton. C’est pendant cette période que la paroisse a vu arriver des étudiants qui venaient d’Afrique. On s’est dit alors qu’ils allaient se retrouver dans un désert spirituel ; et le conseil de la paroisse a décidé de se mobiliser pour les accueillir. Les choses se sont faites petit à petit, on organisait des repas chez les uns et chez les autres ; ils ont pris des responsabilités ; un jeune qui avait un peu plus de vingt ans et son épouse sont devenus diacres, et c’est comme ça que tout a commencé.»

Des camps à l’aventure «La Solidarité – SOS-Santé»

Entrée du centre médical «La Solidarité – SOS-Santé» © Espérance Nord-Sud

A travers ce couple de jeunes diacres, Jérôme et Sara Minlend, se sont nouées les premières relations avec le Cameroun. Et lorsque Richard Dahan est parti exercer son ministère à Marseille, puis à Nice, il a emmené dans ses nouvelles paroisses les liens tissés à Aulnay-sous-Bois, qui se sont enrichis d’autres rencontres : «A Marseille, la paroisse s’est mobilisée pour faire un camp de jeunes français et camerounais.» Il a été organisé en 1987 à Matomb, au Sud du Cameroun, sous l’impulsion de Jérôme et Sara Minlend, avant un séjour-retour deux ans plus tard à Marseille. Dès lors ont suivi une série de camps organisés tantôt en France, tantôt au Cameroun, dans le cadre des Églises protestantes, et avec le soutien du Défap et de la Cevaa.

Le but premier était de mieux connaître l’Afrique et le Cameroun. Puis, à travers ces rencontres de jeunes, de déconstruire les idées préconçues, les préjugés, et en s’appuyant sur une réflexion basée sur les textes bibliques, d’y puiser les forces de l’amour pour construire une «Terre Nouvelle». L’implication auprès de la population camerounaise est venue naturellement, et les séjours successifs de jeunes Français et Camerounais ont permis de rénover une chapelle à Matomb, d’édifier un hôpital à Mbouda… De riches aventures humaines sont parties de là, comme celle de ce groupe de jeunes Camerounais qui, lors d’un camp organisé en 1996, ont décidé de créer un centre médical dans un quartier pauvre de Douala, «La Solidarité – SOS-Santé». Dans des conditions difficiles, sans salaire pendant un an, l’équipe emmenée par Isaac Mouansie a réussi à assurer la pérennité du projet, qui existe encore aujourd’hui. Il a construit sa légitimité auprès des autorités et de la population, a renforcé au fil des années son offre de soins, a ouvert une annexe hors de Douala, à Foumban, avec l’aide des «campeurs» venus de France et du Cameroun ; et surtout, depuis des années, il a apporté des services inestimables au sein d’un quartier déshérité de la capitale camerounaise.

14 séjours au Cameroun

Cuisine traditionnelle : un gaspillage des ressources en bois © Espérance Nord-Sud

Richard Dahan le reconnaît volontiers aujourd’hui : cette relation particulière avec le Cameroun «a été un des fils conducteurs de mon ministère». Il y a fait déjà 14 séjours, soit à titre personnel, soit en accompagnant un groupe. Ce qui avait commencé sous la forme de relations personnelles au sein d’une paroisse d’Île-de-France a ainsi pris de plus en plus d’ampleur, s’est doté d’un cadre sous la forme d’une association, «Espérance Nord-Sud». C’est cette association qui a contribué à conserver le lien entre tous les participants des camps organisés au Cameroun, dispersés par la vie entre diverses paroisses ; c’est à travers elle que s’est organisé le soutien au centre médical de Douala, à la chapelle et aux divers projets qui accompagnaient les camps, sous la forme d’une aide financière, de l’envoi de conteneurs, de visites. Un soutien qui se poursuit depuis une vingtaine d’années…

Mais à Douala, les locaux du centre de santé ont mal vieilli. Construit sur un terrain autrefois marécageux, le bâtiment voit ses murs se fissurer. Il n’est plus adapté aux activités du centre et pose des problèmes de sécurité. Les membres de l’association «Espérance Nord-Sud» ont décidé de soutenir sa reconstruction. D’où l’idée d’organiser un nouveau camp. Non plus un camp de jeunes comme dans les années 90, mais un séjour «seniors solidaires». Les anciens «campeurs» ont été contactés ; certains ont répondu avec enthousiasme. Le petit groupe s’est ainsi formé. Le but premier étant d’apporter une aide financière, les subventions perçues sont entièrement affectées au projet, les participants finançant eux-mêmes le coût de leur voyage (soit 1500 euros par personne, entre les billets d’avion, les déplacements au Cameroun, l’hébergement…). Au-delà, le voyage permettra aussi des partages et des rencontres (dans une chefferie, dans des familles, à la faculté de théologie de Ndoungue, au monastère de Koutaba), d’initier une réflexion sur l’écologie avec un professeur de l’université de Dschang ; et les participants doivent aussi prendre part à un autre projet porté par le trésorier de l’association, Jérôme Bamberger, visant à améliorer les conditions de vie au quotidien tout en préservant les ressources en bois. Ils aideront ainsi à créer des ateliers pour fabriquer des cuiseurs à bois économes, qui permettent de cuisiner en utilisant de 3 à 5 fois moins de bois que sur un foyer traditionnel.

Désormais, les anciens «campeurs» espèrent que de plus jeunes sauront prendre la relève, entreront dans le conseil d’administration de l’association «Espérance Nord-Sud», et initieront de nouveaux projets. Ce voyage est aussi pour les y encourager…

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