Le mois de novembre va être marqué par les synodes régionaux de l’Église protestante unie de France, l’une des trois unions d’Églises dont le Défap est le service missionnaire. Avec comme thème : «Écologie : quelle(s) conversion(s) ?», qui sera au centre du synode national en 2020. Cette question de l’écologie et de la sauvegarde de la création fait pleinement partie des préoccupations du Défap : elle figure dans son programme de travail, se retrouve à travers divers projets ou partenariats, ainsi que dans les thématiques de ses forums régionaux.

Peinture réalisée lors du forum de Condé-sur-Noireau, organisé en partenariat avec le Défap (septembre 2019) © Défap

 

Les questions de justice climatique peuvent s’envisager de deux manières. Sur un plan juridique : les procès liés à la dégradation globale de l’environnement se sont multipliés au cours des dernières années. Depuis 2006, on compte plus de 1300 plaintes relatives au climat, déposées dans une trentaine de pays. Ces plaintes visant le plus souvent des gouvernements, ou parfois de grandes entreprises, ont surtout un effet d’interpellation. Mais la justice climatique a aussi un versant théologique, dont se saisissent de plus en plus les Églises, dans une démarche de plus en plus large, œcuménique… et militante. En témoigne une manifestation chrétienne internationale en faveur du climat qui se tient chaque année depuis plus de 10 ans : le «Temps pour la Création», traditionnellement organisé entre début septembre et début octobre – plus précisément entre le 1er septembre (début de l’année liturgique orthodoxe) et le 4 octobre (Saint François d’Assise, le saint patron des animaux et de l’environnement dans la tradition catholique), en passant par la fête des récoltes (parfois célébrée en milieu protestant)… Ce rendez-vous a été initié en Europe en 2007 ; en 2019, il a reçu un nouveau nom, celui de «Saison de la Création». Une appellation choisie de manière œcuménique au niveau international parmi l’ensemble des institutions chrétiennes.

Dans ces plaidoyers de chrétiens en faveur de la création, l’implication du Conseil œcuménique des Églises est particulièrement révélatrice : dès les années 1970, le COE a contribué à l’élaboration du concept de communautés durables. Depuis l’adoption, en 1992, de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, il est présent à toutes les conférences de l’ONU sur le climat – les fameuses «Conférence des parties» ou COP. L’implication d’Églises de toutes tendances dans ces rounds réguliers de négociations a commencé à recueillir un fort écho international à partir de 2013 et de la COP 19, qui se tenait à Varsovie. Au premier jour de la conférence, Yeb Saño, délégué des Philippines, annonçait qu’il ne mangerait plus durant toute la durée de la conférence, en solidarité avec son peuple victime du typhon Haiyan. Une initiative isolée qui, contre toute attente, devait se transformer en mouvement de fond : car 27 organisations religieuses, dont les délégués étaient rassemblés à Varsovie, avaient alors appelé à poursuivre le jeûne. De là était né l’appel de la Fédération Luthérienne Mondiale à une journée de jeûne par mois pour la justice climatique, jusqu’à la tenue, l’année suivante, de la COP 20 de Lima. En 2014, le nouveau round de négociations était précédé en septembre à New York par un Sommet sur le Climat voulu par Ban Ki-moon, alors secrétaire général des Nations Unies ; et parallèlement à cette réunion avait lieu dans la même ville un Sommet interreligieux sur les changements climatiques, organisé par le Conseil œcuménique des Églises et Religions pour la paix. En 2015, la COP 21, réunie au Bourget, près de Paris, voyait une multiplication d’initiatives communes entre protestants et catholiques avec notamment divers «pèlerinages climatiques» ; les initiatives catholiques étaient alors stimulées par la parution, au cours du mois de juin de la même année, de l’Encyclique du Pape François sur l’écologie humaine.

En France aussi…

Au niveau international, les initiatives sont donc nombreuses. Au niveau français aussi, les Églises s’engagent. Depuis 2015, la Fédération Protestante de France a mis en place une démarche de plaidoyer et a créé une commission Écologie et Justice climatique. Elle est aujourd’hui présidée par Martin Kopp, qui était présent à Varsovie lors de la COP 19 et a travaillé comme chargé de plaidoyer pour la Fédération luthérienne mondiale. Le Défi Michée porte quant à lui des appels très concrets liant écologie et justice sociale. On peut citer encore le mouvement Chrétiens unis pour la terre, qui a co-organisé les Assises chrétiennes de l’écologie à Saint-Étienne, ou la démarche initiée par le label «Église verte». Pour 2020, l’Église protestante unie a inscrit à son prochain synode national le thème de l’écologie. Dans cette optique, les Églises locales et paroisses ont été invitées à travailler sur le thème : «Écologie : quelle(s) conversion(s) ?», qui se retrouve désormais au centre des synodes régionaux qui vont se tenir tout au long du mois de novembre dans chacune des neuf régions de l’EPUdF. Des réunions auxquelles le Défap sera représenté, comme chaque année…

L’accueil du site egliseverte.org

 

Ce qui pose la question : et la mission dans tout ça ? On ne peut tout simplement pas imaginer l’annonce de l’Évangile déconnectée des motifs d’inquiétude et de souffrance de l’humanité. Perspectives Missionnaires, unique revue de missiologie dans l’espace protestant francophone, avait d’ailleurs consacré fin 2014 un numéro entier aux défis de l’écologie (PM n°69 : «Héritiers et témoins d’une terre promise»). Christian Bonnet, qui venait alors tout juste d’achever son mandat de secrétaire général du Défap, y écrivait dans l’éditorial : «La mission consiste à annoncer aux humains une bonne nouvelle qui les rejoint dans leurs préoccupations. À l’époque d’Esaïe, l’inquiétude porte sur la menace que font peser les grands empires colonialistes sur les États voisins. À l’époque de Paul, les fractures sociales au sein de l’Empire romain amènent les chrétiens à mettre en avant l’idée d’une humanité réconciliée par Jésus-Christ. Au 16e siècle, à la suite des grandes épidémies de peste, les gens s’interrogent avec angoisse sur une vie possible au-delà de la mort terrestre: l’annonce du salut met alors en avant l’idée de résurrection et de vie éternelle. Et pour aujourd’hui, où notre inquiétude porte sur la préservation de notre cadre de vie, où notre souci est de léguer une terre habitable à nos enfants, quelle pourrait être la bonne nouvelle qui serait pour tous les peuples le sujet d’une grande joie ?»

Au Défap aussi, la préoccupation de la sauvegarde de l’environnement est donc bien présente. Elle fait partie intégrante du programme de travail établi depuis 2015, et se retrouve à travers un certain nombre de projets : c’est le cas du soutien apporté à l’association Abel Granier, qui intervient en Tunisie sur les problématiques de désertification. C’est le cas du partenariat établi avec l’ALCESDAM, Association pour la Lutte Contre l’Érosion, la Sécheresse et la Désertification au Maroc, qui depuis trente ans intervient dans les zones de palmeraies de la province de Tata. Le Défap a aussi régulièrement des envoyés au sein du projet Beer Shéba à Fatick, au Sénégal, centré sur l’agro-foresterie durable. Il est l’un des membres fondateurs du Secaar (Service chrétien d’appui à l’animation rurale), un réseau de dix-neuf Églises et organisations chrétiennes d’Afrique et d’Europe, présent dans une douzaine de pays, qui met en avant parmi ses principaux axes de travail l’agroécologie et le respect de l’environnement, en lien avec les droits humains.

Retrouvez ci-dessous quelques témoignages en vidéo illustrant la diversité des actions et des partenariats du Secaar :

Cette préoccupation globale trouve enfin des traductions locales dans les rencontres régionales sur la mission. C’était déjà le cas lors du «mini-forum» du Défap en région CAR, organisé en octobre 2018 avec le réseau Bible et création. Pratiquement un an plus tard, les questions liées à l’environnement et à la sauvegarde de la création se sont retrouvées au centre du forum organisé à Condé-sur-Noireau pour la région Normandie, et qui tournait autour d’un thème directement inspiré d’une citation de Gandhi : «Vivre simplement pour que d’autres puissent simplement vivre».

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