L’association Abel Granier intervient en Tunisie sur les problématiques de désertification. La fertilisation réalisée à l’aide de procédés écologiques est un de ses engagements majeurs. Le Défap soutient cette association à l’aide de bourses.
L’association apporte son aide à différents acteurs de terrain : exploitations agricoles, coopératives et fermes écoles. Elle soutient aussi des étudiants en agronomie et les aide à s’installer comme agriculteurs sur des terres à réhabiliter. Ces actions sont menées en concertation, entre chrétiens et musulmans, par le biais d’une réflexion théologique sur la Création et sur la place du monde végétal dans la société.
Le Défap est engagé dans ce projet depuis quelques années déjà et avec le soutien de l’Union des Eglises Protestantes d’Alsace et Lorraine (UEPAL) ainsi que de quelques paroisses en région PACA.
Mme May Granier, en charge de l’association, a répondu à nos questions.
Quel est le but de l’association ?
L’association met en œuvre une formation pratique et continue pour une agriculture respectant l’environnement, pour la préservation des sols vivants, et pour le bien être des hommes et des femmes. Cette action de formation s’exerce principalement en Tunisie, car c’est l’un des pays les plus exposés actuellement aux risques aggravants de désertification due au réchauffement climatique : une augmentation des températures de 2 degrés sur les dix dernières années a été constatée (Rapport de la FAO – 2010 et mars 2016), avec une perte de 15 000 ha/an par stérilisation progressive des sols.
Quelles sont ses origines ?
L’origine de l’association est une expérience du pasteur Abel Granier qui, de 1953 à 1969, avec le soutien de sa femme Jane Olivès, botaniste formée à la connaissance des plantes méditerranéennes, a réhabilité entièrement une ferme en zone semi-aride en Tunisie. L’association est née en 2001 grâce à des personnes qui voulaient participer à une véritable transmission de ces savoirs et savoir-faire.
Logo de l’association, DR
Quels projets sont en cours de développement ?
Trois projets sont en cours ou en préparation actuellement :
1) un projet « Ensemble pour une agriculture durable et environnementale » consiste en la création de groupes d’agriculteurs volontaires autour d’une culture principale commune. Il s’agit de développer les échanges d’expérience et de compétences entre agriculteurs et surtout de créer la mutualisation des besoins et services ainsi que l’organisation des commercialisations. L’association joue le rôle de coach et de facilitateur.
2) Un projet « Plantes et terroirs » concernant l’identification et la multiplication des plantes alimentaires ou fourragères spontanées des zones arides est en cours de préparation. Il permettrait de résoudre en partie le problème du manque de pâturages pour les petits et moyens élevages. Il assurerait surtout la pérennité d’espèces précieuses capables de survivre et produire même dans des terrains fortement salés. Ce projet a été demandé par de petits agriculteurs qui souhaitent s’assurer une certaine autonomie de ressources.
3) Un projet « cultures associées, plantes partenaires » est également en cours de montage. Il s’agit de sensibiliser les agriculteurs aux diverses formes de l’agroforesterie*. Une stratégie de culture à la fois antique et moderne pour une meilleure utilisation des sols en copiant la nature et en assurant une couverture végétale maximale contre la chaleur estivale durant 4 à 6 mois et les faits d’érosion.
* « Culture associant la production forestière à une production agricole temporaire ou non », source : Larousse.
Pouvez-vous nous parler du projet de boursiers développé avec le soutien du Défap ? Quelles sont les perspectives pour l’avenir à ce sujet ?
Les jeunes qui s’orientent vers la profession d’agronomes reçoivent une formation accélérée théorique mais ne disposent que d’une expérience agricole limitée à quelques semaines de stage thématique. Il en résulte un chômage important de ces diplômés car leur employabilité est faible par rapport aux demandes des institutions et des exploitants.
Un agronome en formation explique les travaux menés, DR Association Abel Granier
Malheureusement, aucun système de bourses satisfaisant ne permet actuellement aux étudiants issus de familles rurales démunies d’accepter la charge supplémentaire de la spécialisation en agronomie. Or, il est évident que fermiers et éleveurs demandent un accompagnement technique de qualité pour adapter leurs pratiques au changement climatique : l’association a donc souhaité assurer par le projet « Agri-Avenir » la formation pratique de jeunes filles, surtout, et de jeunes hommes qui s’engagent dans les spécialisations et les recherches agronomiques utiles au développement de cultures environnementales. Il s’agissait aussi de permettre aux jeunes de comprendre que la recherche doit descendre directement dans le champ pour être comprise et utilisée par l’agriculteur.
Grâce au soutien du Défap en 2014 et 2015, trois jeunes agronomes ont pu aller jusqu’au bout de leur formation universitaire, d’une part, tout en recevant une formation professionnelle pratique sur le terrain, d’autre part : Soumaya (12 mois de formation), Bilel (18 mois), Zied (10 mois) ont été ainsi portés jusqu’à l’aboutissement de leur projet personnel.
Ils bénéficient ainsi d’une expérience utile pour la suite : Soumaya et Bilel ont ainsi trouvé du travail, et Zied devrait se lancer dans la recherche sur les milieux lagunaires ou arides et salés du sud de la Tunisie, après la fin de sa thèse, au printemps 2016.
Une autre boursière, Mariem, passionnée par les modes cultures biologiques, va être formée sur douze mois.
D’autres étudiant(e)s s’adressent également à nous pour pouvoir procéder à la recherche et à la multiplication de certaines plantes médicinales et fourragères capables de vivre dans des sols secs et salins.
Il est très encourageant de voir des jeunes portés par une véritable vocation pour une agriculture d’avenir, mais si triste de constater le peu de chances pour eux de trouver les moyens de financer leur formation et leur insertion professionnelle dans le secteur qui leur tient à cœur. Je dois dire que la solidarité et la fraternité témoignées à travers le projet Défap les touchent énormément.
Quelles sont les perspectives de l’association dans son ensemble ?
L’association Abel Granier est devenue une référence pour un certain nombre d’établissements d’enseignement supérieur agricole et pour certaines organisations professionnelles qui se structurent progressivement après 2011.
Ses compétences sont également fréquemment requises, à titre de consultant bénévole, lors des forums et séminaires de décideurs ou de bailleurs de fonds pour les projets gouvernementaux.
Une association fille, l’Association Tunisienne d’Agriculture Environnementale, rassemble déjà une quarantaine de membres et commence à mettre en œuvre de petits projets ponctuels avec des agriculteurs en difficultés dans deux gouvernorats du centre du pays.
Plus prometteur encore, l’association est sollicitée pour participer à des projets initiés par les deux principales organisations professionnelles d’agriculteurs en Tunisie, par d’autres associations locales, par des offices nationaux.
Enfin, nous avons été récemment contactés à nouveau pour une extension de l’association en Algérie, au Maroc… A suivre !