Bloqué à Goma en raison du conflit, le Dr Fiston Mumbere Ngesera, pasteur et enseignant, livre un témoignage bouleversant sur l’entrée du mouvement AFC/M23 dans la ville. Entre panique, coupures d’électricité, pénurie d’eau et combats meurtriers, il raconte la détresse d’une population prise au piège des violences. Un appel à la solidarité a été lancé le 5 février dernier par Solidarité Protestante.

« L’entrée du mouvement AFC/M23 dans la ville de Goma a fait naître une grande panique et de la psychose au sein de la population. Notons d’abord que la ville se trouvait dans un contexte très sensible à cause de l’intensité de sa population. Près de deux millions d’habitants sur une superficie d’environ 75,72 Km², logeant en plus, dans des camps en banches ; plus de 650 000 personnes déplacées de guerre à cause des combats, venant des zones périphériques. De plus, la ville était très militarisée, hébergeant le commandement général et le gouverneur militaire comme capital de la Province.
Tout a commencé le samedi 25 janvier 2025 où, au rapprochement de la guerre, toutes les institutions de formation scolaires et universitaires ont été obligées de renvoyer les apprenants à leurs domiciles, les marchés de fermer afin de permettre à chacun de rester près de sa famille. Personnellement, j’ai été appelé pour récupérer mon fils d’urgence et, étant de service à la paroisse, j’ai été obligé de libérer urgemment les fidèles afin de leur permettre de rejoindre leurs familles. Entretemps, un mouvement accru de militaires s’est ressenti dans la ville et la pression de la guerre a visiblement été manifeste. Le même jour, sous les tirs des armes lourdes et légères, le courant a été coupé et déjà, les familles ont eu du mal à suivre de près ce qui se passait. Le dimanche 26 janvier, ma famille et moi nous sommes rendus au culte et, comme je devais voyager juste après, il n’a plus été possible d’accéder à l’aéroport à cause des opérations militaires qui y étaient déjà en cours.
Pendant quatre jours, la ville a connu la réalité des détonations des armes lourdes et légères, l’électricité et la connexion internet ont totalement été coupées durant toute une semaine, ce qui a déconnecté toute la population du reste du monde, puisqu’il était impossible de communiquer ou d’utiliser des appareils électroniques. Dans ma famille, nous avons passé quatre jours sans sortir de la maison, nous abritant au rez-de-chaussée par peur de prendre une balle perdue. Pire encore, l’eau aussi a été coupée, augmentant la situation chaotique dans la ville, si bien que plusieurs personnes ont été obligées de sortir pour aller en chercher. L’eau du lac Kivu a été le secours le plus proche jusqu’à ce jour.
Pendant cette guerre qui a eu lieu en pleine ville, plusieurs personnes ont perdu la vie, environ sept cent septante trois, selon certaines sources locales. Les morgues ont été submergées et, sans électricité, certains enterrements ont été faits sans que les personnes soient correctement identifiées. Les blessés sont estimés à environ deux mille deux cent quatre-vingt dans les zones de santé de Karisimbi, Goma et Nyiragongo. Ceux qui sont morts sont des éléments de l’armée, des populations victimes de balles perdues les ayant trouvées dans leurs maisons ainsi que certaines personnes à la recherche de la vie, même en pleine guerre. Des pillages ont été signalés à plusieurs endroits, ciblant des commerces, des dépôts de vivres et médicaments prévus pour les déplacés par les organismes humanitaires. Des armes abandonnées dans les rues par certains militaires en fuite ont été récupérées par des ennemis de la paix, augmentant ainsi la psychose au sein de la population jusqu’à ce jour. Les écoles et universités restent encore fermées et la vie reprend encore lentement dans la ville.
Ayant prêché dans ma paroisse ce dimanche 2 février, j’ai lu, sur les visages de plusieurs membres, le besoin de recevoir de l’Église du réconfort : c’est une responsabilité urgente.
Fait à Goma, le 2 février 2025
Rev. Dr Fiston Mumbere Ngesera, Pasteur et enseignant à l’Université »
L’appel à la solidarité de Solidarité Protestante
Pour réagir face à cette crise humanitaire au Kivu, la Fondation du Protestantisme, via Solidarité Protestante, lance un appel urgent. Les Églises locales sont en première ligne pour aider la population et œuvrer pour la paix. Vous pouvez les soutenir en faisant un don.
Pour aller plus loin :
- RDC : l'Université Évangélique en Afrique face à la crise, un appel urgent à la solidarité
- Retour en RDC
- RDC : assister les victimes des guerres
- Kananga : soutenir une université pour changer la société
- RDC : renforcer la place de la femme dans les Églises
- RDC : des microcrédits pour sortir de la pauvreté