Dans son discours prononcé à l’ouverture de l’Assemblée Générale 2023 du Défap, qu’il a intitulé cette année « Les Églises entre replis et ouvertures – Pour un paradigme missionnaire renouvelé », le Président du Défap, Joël Dautheville, est revenu sur les réflexions initiées par le Défap ces dernières années autour des défis qui se posent aux Églises, et de ce que le Défap peut leur apporter.

Discours du président du Défap © Défap

Les Églises entre replis et ouvertures
Pour un paradigme missionnaire renouvelé

Accueil

Je suis heureux de vous accueillir à la Maison de la Mission. C’est la première fois depuis 4 ans que notre AG se tient en présentiel et la première fois que Basile ZOUMA y assiste en tant que Secrétaire général. Nous pensons à celles et ceux qui avaient pensé venir mais qui en ont été empêchés, entre autres par les grèves de transport. Bienvenue à vous toutes et tous.

Notre Secrétaire général, à la demande du Conseil du Défap lors de son embauche, a fait une formation pour l’aider dans sa mission. A ce sujet, je suis heureux de vous informer qu’il a pleinement réussi son master 2 en management des associations. Le Conseil de janvier dernier a été très intéressé de l’entendre développer son sujet de mémoire intitulé : Quels enjeux nationaux d’une association confessionnelle de solidarité internationale ?. N’hésitez pas à l’inviter !

J’ai intitulé ce message « Les Églises entre replis et ouvertures – Pour un paradigme missionnaire renouvelé ».

Ce titre m’est venu en relisant les réflexions initiées par le Défap ou en lien avec lui ces dernières années. Je cite entre autres : le forum de Perspectives Missionnaires en novembre 2018 sur Églises et replis identitaires, le travail sur la refondation du Défap à partir de 2018 par des équipes nommées à cet effet, le colloque du Défap en octobre 2019 avec le thème Vers une nouvelle économie de la mission – Paroles aux Églises, l’exposition remarquable du cinquantenaire, la Lettre du Défap, les jeudis de la mission organisés par le Défap en visioconférence, la thématique Convictions et Actions 2021-2025 qui sera l’objet d’un débat cet après-midi. Je rappelle que tout est téléchargeable sur defap.fr. Tous ces exemples et il y en a bien d’autres sont autant d’événements qui sont des marqueurs de la volonté du Défap d’aider ses membres à être Églises témoins de l’évangile aujourd’hui.
 

Deux intervenants lors du forum de Perspectives Missionnaires en novembre 2018 : Jean-François Zorn (à gauche) et Jean-Paul Willaime (à droite) © Défap

Dans ce message, nécessairement bref, je ciblerai mon propos autour de deux situations qui impactent le Défap et ses Églises membres :

1- La crise écologique

Comme l’a dit Martin Kopp, président de la commission Écologie – Justice climatique de la FPF, notamment lors du synode de l’Epudf à Sète en 2021, il est admis que les émissions de gaz à effet de serre se font surtout au Nord, et les répercussions se font majoritairement au Sud. Conscient de ce problème et en lien avec ses partenaires, le Défap a décidé de s’engager à diminuer sinon à compenser ses dépenses de carbone. Des calculs ont été réalisés et la Commission des Projets a décidé, au titre de la compensation de carbone de soutenir un projet d’amélioration des foyers pour la cuisine au Togo. Par ailleurs, pour réduire notre empreinte carbone des devis sont en cours au niveau du chauffage des bâtiments du Défap.

2- La mondialisation

La façon dont la mondialisation des biens et des services est conduite modifie en profondeur la vie de chacun mais aussi la politique des États, et la culture d’une façon générale.

Le professeur Jean-Paul Willaime, lors du forum de Perspectives Missionnaires, a évoqué le nom d’Arjun Appadurai, un célèbre socio-anthropologue indien qui a travaillé longtemps aux USA pour lequel, je cite « aucun État moderne ne contrôle son économie nationale » (1). Il ajoute : « la perte de souveraineté économique engendre partout une posture consistant à brandir l’idée de souveraineté culturelle. La culture devient ainsi le siège même de la souveraineté nationale, une telle évolution adoptant des formes très diverses ». Pour le professeur Willaime la mondialisation économique pourrait donc entraîner des replis identitaires et culturels dont certains ont des dimensions religieuses.

Je me permets de citer cet article, car devant l’impuissance politique sur le plan économique, la recherche de souveraineté concerne la culture et par conséquent les religions et parmi elles le christianisme, y compris le protestantisme français.
 


Simon Assogba, de l’Église Protestante Méthodiste de France-John Wesley (EPMF-JW), Église issue de l’Église Protestante Méthodiste du Bénin et implantée en France, présentant le Bénin et l’Église méthodiste béninoise de Paris à de jeunes visiteurs du Défap © Défap

En créant la Cevaa et le Défap en 1971, les Églises membres ont affirmé que la mission est désormais de partout vers partout. Elles ont décidé que leur souveraineté s’exercerait dans un esprit d’écoute mutuelle et de partage avec les autres Églises et les partenaires. Elles ont décidé qu’elles avaient besoin les unes des autres pour approfondir le contenu de l’évangile, pour mieux rendre compte de sa richesse et de sa pertinence, aujourd’hui, dans ce monde. Pour mettre en forme cette nouvelle vision de la mission, les Églises de France ont demandé au Défap de développer les échanges de personnes, ce qui se fait notamment par le Volontariat – et le Défap a les agréments de l’État pour ce faire – avec les Volontaires du Service Civique International (et maintenant de réciprocité) et les Volontaires de la Solidarité Internationale, avec les échanges théologiques grâce à l’accueil des boursiers, les échanges de professeurs de théologie, les échanges de pasteurs, etc… En lien avec les partenaires, par le Défap, les Églises soutiennent des projets liés à l’éducation, à la santé, au développement agricole durable etc.

Or cette vision de la mission doit prendre en compte quelques réalités parmi lesquelles le pluralisme religieux, la sécularisation croissante avec comme corollaire la diminution des membres et des ressources des Églises, la présence de pasteurs et de membres d’Église venant de l’étranger. Être en mission aujourd’hui, proclamer la Bonne nouvelle de Jésus-Christ dans un contexte très laïc et de pluralisme religieux est une équation difficile à résoudre pour les Églises. Bernard Coyault dans sa conférence donnée à l’AG de la Fédération Protestante de France de janvier 2023 sur le thème « La théologie au défi de l’espace public » a forgé un concept très intéressant. Il a parlé de la nécessité qu’existe, je cite, une théologie d’utilité publique. Une façon pour les Églises d’être à la fois le plus fidèles à leur mission tout en respectant la pluralité des opinions religieuses ou agnostiques. À réfléchir !
 

 
Pour ne rien vous cacher, le Défap apparaît nettement comme l’un des lieux où se forge une telle théologie au service des Églises ! Une théologie qui construit des ponts entre les personnes, les Églises et les partenaires, une théologie qui prône la réconciliation en Jésus-Christ, une théologie qui se souvient de la réalité biblique du croyant comme étranger et voyageur sur la terre, une théologie partagée avec ce que vivent les Églises et associations partenaires.

Lors des premiers travaux sur la refondation du Défap en 2018, Jean-Luc Blanc a mis l’accent sur une situation relativement nouvelle pour cette institution en parlant des relations triangulaires. En effet le Défap est en lien avec les Églises d’Afrique, les Églises en France et les communautés satellites d’Églises d’Afrique en France. Pour le Défap et les Églises membres, cette nouvelle situation est une occasion en or pour renouveler et réaffirmer le paradigme missionnaire de la mission de partout vers partout. Elle est une occasion unique pour permettre aux Églises d’évoluer ensemble et de travailler sur les ponts à mettre en œuvre entre elles par-delà les fractures économiques et historiques, par-delà les distances géographiques et culturelles. Elle est une occasion remarquable pour tisser sans cesse des liens de réconciliation et favoriser le vivre-ensemble en travaillant notamment sur l’interculturalité. Avec la Cimade, la CEAF – Communauté des Églises d’Expression africaine –l’ACO – Action Chrétienne en Orient –, la Ceeefe – Communauté des Églises protestantes francophones –, la Cevaa et la Fédération Protestante de France présents au Conseil, grâce aux nombreux liens tissés depuis des années avec ses partenaires, le Défap est un service d’Église bien outillé pour stimuler les Églises membres dans leur mission aujourd’hui et rendre plus concrète leur vocation d’Église universelle.

Dans l’optique de la refondation du Défap – les Églises membres nous informeront du processus en cours – je crois utile qu’un forum du Défap ait lieu en automne 2024 avec les partenaires d’ici et de là-bas pour échanger et faire de nouvelles propositions d’actions dans ce monde qui évolue constamment.

Avec un paradigme missionnaire renouvelé, la refondation du Défap doit pouvoir stimuler les Églises dans leur action et dans leur vocation à l’universel tout en se rappelant que la mission n’est pas la nôtre, mais qu’elle fait partie de la plus grande Mission de Dieu (Missio Dei) qui a commencé avec la mission (l’envoi) de Jésus-Christ et qui continue jusqu’à ce jour (2).

Merci de votre écoute.

Joël Dautheville, président du Défap
25 mars 2023

(1) Perspectives Missionnaires 2019 n° 77, p. 5
(2) Citation faite à partir de l’extrait d’une intervention de Kaï Funkschmidt présentée au colloque ‘La mission protestante aujourd’hui au Département Français d’Action Apostolique/DEFAP, Paris 24-26 mai 2002) sur la Conversion. On ne prend au sérieux la liberté de Dieu que si l’on accepte que son pouvoir se manifeste par différentes formes de « conversion », dont seulement quelques unes mèneront au baptême. Seule une missiologie qui reconnaît ce fait fondamental, accepte vraiment que la mission n’est pas la nôtre, et qu’elle fait partie de la plus grande Mission de Dieu (Missio Dei), qui a commencé avec la mission (l’envoi) de Jésus Christ et qui continue jusqu’à ce jour. L’Église participe à cette Missio Dei mais ne la contrôle pas.

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