Suite de notre dossier «Mission : refondation !» : nous publions cette semaine un texte de Thomas Wild, rédigé en mai 2018, qui fait partie des apports aux réflexions lancées actuellement au Défap sur la mission. L’auteur s’y interroge sur le sens de la mission aujourd’hui, dans un contexte qui a fortement évolué ; sur ses réalisations, ce qu’elle implique au niveau des Églises, l’état des réflexions lancées au niveau international, ainsi que sur ce que peuvent être ses fondements aujourd’hui.

Façade du Défap au 102 boulevard Arago, à Paris © Défap

«Refonder la mission»

le Président actuel du Conseil du Défap, le pasteur Joël Dautheville a ainsi intitulé l’éditorial du trimestriel diffusé auprès des Églises du Défap en ce mois d’avril de 2018. La question se pose pour tous les organismes missionnaires occidentaux, particulièrement pour ceux issus des Églises dites historiques, Églises qui peinent à se survivre et à transmettre la Bonne Nouvelle à la génération suivante. Je me suis senti provoqué par ce terme de refondation : dans ma vie de pasteur, qui pour l’essentiel se confond avec ma vie tout court, les relations missionnaires ont toujours joué un rôle important. En toute modestie, j’essaie ici de partager quelques idées sur la refondation du Défap et des organismes missionnaires du protestantisme historique en France (ce qui limite quelque peu le champ).

Comment prétendre évangéliser au loin lorsque c’est si difficile au près ? Car, quand même, l’ADN (comme on dit aujourd’hui pour parler de ce qui est essentiel) des organismes missionnaires reste la transmission et le partage de l’Évangile ! Refonder la mission, car la représentation d’un monde en noir et blanc, telle que je l’ai connue dans mon enfance, n’est plus de mise ! Il n’y a plus les chrétiens civilisés / occidentaux / blancs d’un côté et de l’autre les sauvages / barbares / païens ! en fait, c’est vrai depuis longtemps (dès 1966, le Conseil œcuménique des Églises parlait de «mission sur les six continents», dès 1970, la majorité des chrétiens sur le plan mondial vivait dans le sud de la planète), mais les clichés ont la vie dure ! Alors que souvent, ce sont les ressortissants des anciens champs de mission qui viennent donner un coup de jeune aux Églises historiques du Nord !

Quelle mission ? Sortir du contexte colonial

Pour aller plus loin :

Refonder la mission, mais quelle mission ? Celle cherchant à amener une conversion personnelle à Jésus Christ ? Celle visant à témoigner de Jésus-Christ et de son projet ici et ailleurs ? Celle mettant au centre le marginal (l’une des affirmations centrales de la théologie de libération) ? Celle consistant à chercher avant tout à assurer la survie de sa propre Église, avec le souci prioritaire de transmettre l’Évangile à la prochaine génération, à maintenir ce que l’on tient pour acquis (en bâtiments, en statut juridique dans la société, en image de marque) ?

Pourquoi faudrait-il poursuivre l’œuvre de l’ACO, du Défap et de la Cevaa ? N’ont-elles pas fait leur temps ? N’a-t-on pas perdu l’élan initial ? Qu’est-ce qui amènent ces Églises particulières du Nord et du Sud à avoir un projet missionnaire commun ? A leur origine, des membres des Églises du Nord se sont senties appelées à apporter l’Évangile à des personnes en situation de détresse absolue : la mission de Paris et les grands organismes missionnaires du Nord ont vu le jour parallèlement aux campagnes pour l’abolition de l’esclavage, au début 19e siècle, et se sont épanouies aux alentours de la conférence de Berlin (1870) qui inscrivait dans la conscience collective la supériorité de l’Occident, qui se croyait pourvu d’une mission civilisatrice sur le reste du monde, ce qui sera la colonisation de l’Afrique. L’ACO, un siècle plus tard, est issue d’un mouvement de solidarité avec les arméniens survivant du génocide dont ce peuple avait été la victime de la part de ce qui subsistait de l’empire ottoman. La situation n’est plus la même.

Durant mes études, un professeur de Tübingen avait émis l’hypothèse que l’indépendance des «jeunes» Églises était un problème pour les organismes missionnaires occidentaux. C’est bien le cas. Le Nord perd une grande partie de son pouvoir, ce qui va mal avec ses complexes de supériorité issus d’une représentation de soi discutable. Et il faut dire que s’il y a eu des missionnaires visionnaires, visant du fond de leur cœur et de leur intelligence l’émergence d’une Église autonome, bien d’autres ont pris comme évidente la supériorité occidentale, et ont fait durant des décennies, en bonne collaboration avec leurs dirigeants européens, la pluie et le beau temps dans leurs champs de mission. Cela n’est plus acceptable au 21e siècle. Et devant cette évolution, la motivation côté donateurs européens baisse.

Plutôt que de parler de problème, il vaudrait mieux parler d’une évolution inéluctable, oui souhaitable. La mission, le partage de l’Évangile, n’a pas pour but de reproduire une relation de type colonial, où celui qui bénéficie de la solidarité reste à vie dépendant ! Mais une fois que des Églises sont implantées, peut-on parler de mission accomplie ? C’est un peu la philosophie et la stratégie de bon nombre d’organismes missionnaires (surtout anglo-saxons). Une fois l’Église locale implantée, ces organismes quittent l’Église et la laissent se débrouiller.

Parfois, la séparation est douloureuse ! J’ai été le témoin indirect d’un conflit entre une Église latino-américaine, ayant choisi ses propres voies, et se voyant interdire l’accès de l’église construite par l’organisme missionnaire qui l’avait fondée, en raison de ces choix ! En d’autres lieux, il y a eu des transferts de responsabilités, comme lorsque la SMEP a «récupéré» les champs de mission anglais à Tahiti, Madagascar, en Nouvelle Calédonie, et allemand au Togo et au Cameroun (entre autres).

Souvent, lorsque l’Église dispose de suffisamment de cadres formés dans ses rangs, lorsqu’elle bénéficie d’une dynamique et d’une place reconnue dans la société, les relations avec la mission «mère» s’estompent, aussi (et peut-être surtout) lorsqu’il n’y a plus de missionnaires (collaborateurs fraternels-collaboratrices, envoyés-envoyées). En discutant avec des responsables du Synode Arabe (NESSL), j’ai ainsi entendu les récits de telles relations moribondes. Certes, les cadres arabes reçoivent encore des invitations pour les AG et autres moments importants, eux-mêmes en envoient, mais personne n’y va…

Certains organismes missionnaires, notamment d’origine américaine, mais surtout de nombreux individus prenant des initiatives individuelles, poussent ce modèle jusqu’à la caricature : j’ai ainsi vu agir une «missionnaire» américaine en Turquie, qui avait appris le turc, dont le but était de convaincre des chrétiens à demander le baptême, et qui, allant de village en village, une fois les gens baptisés, considérait sa mission comme accompli, le St Esprit devant terminer le travail !

Au-delà de cette caricature, il faut reconnaître une certaine cohérence à ce modèle. Il n’est pas sans rappeler cette scène clé du film «Gandhi» : lorsque le grand artisan de l’indépendance de l’Inde demande aux Européens qui le soutiennent de le quitter. Désormais, ce sera aux indiens de se prendre en main !

Phénomène analogue à celui du passage à l’âge adulte : lorsqu’un enfant grandit, il arrive un moment pour les parents de le laisser aller pour qu’il trouve sa propre voie. En est-il de même dans notre questionnement ?

Mission et communion mondiale des Églises / des chrétiens

La Cevaa, le Défap (enfants de la Société des Missions Évangéliques de Paris), la London Missionnary Society, l’ACO et bien d’autres organismes ont choisi un autre chemin que celui de la séparation radicale : ces organisations font le pari qu’Églises mères et Églises filles assurent désormais ensemble leur tâche de témoignage. Côté orthodoxe et catholique, le processus sera similaire, avec une «indigénisation» des Églises.

En 1972 (année de la création du Défap et de la Cevaa), on n’imaginait pas qu’un jour les relations allaient connaître une évolution aussi radicale, et qu’en l’espace de deux générations, Églises mères et Églises filles allaient suivre des voies de plus en plus indépendantes. Mais aussi que les Églises mères allaient s’affaiblir et les Églises filles procéder elles-mêmes à leur extension, aussi en Europe ! Parallèlement à la recherche d’un nouveau souffle pour ces relations, les Églises elles-mêmes allaient créer des postes pour les relations internationales (en France du moins – en Allemagne, les postes s’appellent «Mission und œkumene») (1).

Lorsque l’ACO Fellowship est fondée en 1995, on reste modeste : la solidarité avec les protestants libanais (sortant à peine d’une guerre civile qui a marqué le pays), iraniens (confrontés à une persécution qui continue) et syriens (entre temps confrontés à une situation horrible) unit des protestants hollandais, suisses et français, même si leur contribution reste modeste par rapport à celle des grands organismes américains. Mais qu’en sera-t-il lorsque les grandes crises du Proche Orient se seront apaisées ? Le «mission statement» d’ACO Fellowship, rédigé en 2011, met l’accent sur la solidarité entre chrétiens en Orient et Occident, leur demandant de vivre la communion en Christ par des liens vivant et une vraie solidarité concrète.

Les théologiens (déclarations de la FLM, du COE, du groupe de Lausanne) ont apporté leur contribution, mettant en avant un certain nombre d’affirmations fortes.

À savoir :

  1. Que la mission était inscrite dès le départ dans l’être trinitaire de Dieu.
  2. Qu’une Église était missionnaire ou n’était pas.
  3. Que la mission devait avoir lieu en paroles ET en actes (prédication + diaconie)
  4. Que la mission devait continuer, et porter les préoccupations en matière de justice, d’environnement (justice climatique), d’égalité : ainsi, on verra son domaine s’étendre aux luttes de libération (théologie de la libération d’Amérique Latine, combat pour l’indépendance – Nouvelle Calédonie, lutte contre le racisme – USA, contre la drogue, lutte pour la paix, etc…
  5. Et aujourd’hui, l’un des enjeux est la place de la femme dans l’Église, et la lutte contre les discriminations harcèlements dont elles sont victimes. Si le combat ne fait pas débat en Europe / aux USA, il en est tout autrement dans des contrées où le statut inférieur de la femme est inscrit dans les mœurs et les traditions, ou partagé avec la religion majoritaire

Mais à force d’embrasser tous les combats pour un monde meilleur et plus juste, la mission «extérieure» (qui nous préoccupe pour le Défap et l’ACO) a perdu sa visibilité.

Car malheureusement, les affirmations fortes ne répondent pas à la question de la «refondation» de la mission dans l’Église. À force d’élargir les contours de la mission extérieure, ceux-ci deviennent flous. Et concernent le travail «diplomatique» des directions d’Églises, qui parfois double le travail identique des organisations missionnaires elles-mêmes. Les déclarations peuvent aussi s’appliquer au travail social réalisé par les Églises européennes localement (2) comme le travail social réalisé au loin.

Des missions accomplies

Il est frappant de constater que le document publié par la Mission de Bâle (aujourd’hui Mission 21) l’occasion de 200e anniversaire dit en couverture : «Pionniers, globe-trotters, constructeurs de ponts – en route pour un autre monde, une autre vie, les missionnaires comme voyageurs». Elle contient en 4e de couverture des hommages louant la mission de Bâle sur sa contribution au développement, au commerce équitable, à l’entreprenariat, à ses luttes pour la promotion de la femme, de la paix, à un œcuménisme horizontal. Elle dit les effets en Suisse du témoignage des missionnaires, aussi la manière dont la mission a modifié l’image de l’homme (et de la femme) du Sud. Jusqu’à l’institut de médecine tropicale de Tübingen qui loue les relations partenariales avec elle. Chaque fois, au-delà de la «mission» elle-même (et je suppose que pour les auteurs de ces éloges, c’est là la quintessence de l’annonce de l’Évangile), les témoins parlent des conséquences concrètes de l’Évangile, de concrétisations de son annonce, et non d’évangélisation directe. Même si l’Évangile ne se transmet pas de manière chimiquement pure, mais passe par des gestes d’agapè (dans le sens de 1 Corinthiens 13).

La question de la refondation devient encore plus aigüe devant un tel constat : une fois que la société devient consciente la nécessité de l’action humanitaire, prend en charge les besoins médicaux de base, accepte le principe du commerce équitable, inscrit dans ses lois l’égalité homme femme, etc…, le rôle de pionnier de la mission dans ces domaines spécifiques devient sans objet. Je me souviens d’une séance du Conseil du Défap où comme perspective à long terme de l’engagement du Défap n’apparaissait plus que la formation théologique. Est-ce vraiment la spécificité de la mission ? D’une autre manière, en Suisse, le DM a du mal à exister face à EPER, l’organisation de développement : une volonté d’être professionnel dans les secteurs du développement et de l’aide humanitaire (EPER) appauvrit considérablement le champ d’action de cet organisme missionnaire.

UEPAL 2017

Je consacre ici un paragraphe à mon Église. L’UEPAL, dans son organisation interne, a inscrit la dynamique missionnaire dans la partie «diaconie», et non dans celle «évangélisation». Il faut dire que l’organisation est complexe, et due à l’histoire compliquée de la région. L’UEPAL est culturellement marquée par sa proximité avec l’Allemagne et la Suisse. Dans la phase pionnière de la mission du début du 19e siècle, elle va soutenir aussi bien la mission de Bâle que celle de Paris, et plus tard celle de Hermannsburg, issue du réveil luthérien. Début du 20e siècle naît l’ACO. Lorsqu’en 1971-1972, l’intégration de la réalité missionnaire dans l’organisation de l’Église est décidée, l’UEPAL suivra un chemin original : elle se dotera d’un service missionnaire, chargé de coordonner l’aide aux différents partenaires, en centralisant progressivement les finances.

Dernière évolution en date : l’UEPAL est allée vers une gestion de ces relations en une relation d’aide à des projets des partenaires mission, en fondant son modèle sur celui des organisations de développement. Cela montre la difficulté de formuler de manière claire quelle est en ce 21e siècle, dans un monde globalisé comme jamais auparavant, la spécificité de la mission extérieure de petites Églises minoritaires (par rapport aux autres Églises, par rapport aux autres religions, dans des pays très fortement laïcs, a-religieux si ce n’est de manière militante anti-religieuse).

Lorsque l’UEPAL a décidé (sans grande concertation préalable) de scinder son soutien à Défap/Cevaa en deux soutiens distincts, c’était pour mieux maîtriser son soutien mission comme soutien à des projets concrets. Cela se comprend dans une logique de soutien à projets. Mais ainsi disparaissent des dimensions fondamentales de la création de ces deux organismes : l’unité du protestantisme français dans cette dimension de mission extérieure, et la vision d’une mission globale au sein de l’Église Universelle. Il apparaît qu’il y a une relève de génération, et que «l’histoire sainte» des origines de Défap/Cevaa ne fonctionne plus pour cette nouvelle génération.

Si besoin était, cette situation particulière montre qu’il y a urgence à refonder la mission dans le protestantisme français !

Quelques textes théologiques

Le COE, Édimbourg 1910 – 2010

Édimbourg 1910 représentait un tournant de la mission : les organismes missionnaires prenaient conscience de la nécessité de collaborer entre elles justement en raison de l’Évangile un annoncé, de faire une place aux Églises émergentes du Sud, pourtant pratiquement pas représentées, et allait initier la suite des rencontres internationales entre missions protestantes. Un organisme qui existait donc avant le Conseil œcuménique des Églises !

Édinbourg 2010 à mes yeux, et cela n’engage que moi, est par certains côtés très décevant. «L’appel commun» qui est issu de ce rassemblement est visiblement un texte où les attentes des uns et des autres sont compilées. Il souligne une nouvelle fois l’origine trinitaire de la mission, le côté mondial de la chrétienté, sa vocation à travailler à résoudre les conflits, à réconcilier et à se réconcilier avec la création, à faire de la place à toutes les minorités, etc…

Tout cela dans une communion missionnaire internationale et interculturelle, très riche pour ceux qui ont le privilège d’assister à des temps forts qui la réunissent, mais qui peine à se concrétiser dans la vie quotidienne de nos paroisses…

«Ensemble vers la vie – Nouvelles pistes pour la mission» – le document du COE 2013 (3)

Le Conseil œcuménique des Églises a produit un nouveau document sur la mission en 2013.
Il n’est pas facile à résumer : j’y relève un paradoxe, d’un côté, il est une fois de plus rappelé que la «missio dei» est ancrée dans l’être trinitaire de Dieu (paragraphe 1-3), ce qui est son centre, mais suit une insistance sur une mission sous la direction de l’Esprit Saint et une autre insistance sur le fait que la mission se fait souvent aux marges des structures humaines que sont les Églises établies.

Ce qui interroge toute communauté de croyant, et aussi tout croyant : qu’est qui est central et qu’est-ce qui est périphérique ? Le document prend bien acte du fait que dans un monde globalisé, il n’y a plus de centre de périphérie dans le sens géographique du terme. Ce qui est perturbant pour une vision claire ! Et pour moi, certes mettre en question le schéma centre / périphérie, le centre commandant ce qui se passe à la périphérie est juste et justifié (surtout lorsque l’on traite de plus ceux des marges avec mépris et condescendance), donner pour autant un rôle messianique aux exclus et marginaux mène également à des impasses. L’histoire (des décolonisations, des indépendances) nous a bien montré que les opprimés d’un jour peuvent devenir des oppresseurs pires que ceux qu’ils remplacent !

Un autre point fort (pour moi) est de rassembler de manière critique et bien plus exhaustive les problèmes globaux que doit affronter le monde ! Évidemment, cela perturbe quelque peu les chrétiens trop bien adaptés aux choix discutables des sociétés dont ils sont membres (4), choix qui sont à l’origine d’un certain nombre de ces problèmes. Il y a des consensus nationaux ou culturels qui demandent à être revus et corrigés à la lumière de l’Évangile … et aussi tout simplement pour permettre la survie de l’humanité dans des conditions à peu près décentes sur notre petite planète.

Ce n’est ni évident ni facile : mais où ailleurs que dans la chrétienté mondiale, est-il possible de se parler fraternellement et de s’entendre, de chercher des voies pour résoudre les énormes problèmes du monde, sachant qu’ultimement, nous avons le même père et devrions aller vers plus de fraternité, dans un premier temps entre nous, sans oublier le monde entier qui aspire à la délivrance !

Du côté évangélique (déclarations de Lausanne, de Manille, du Cap)

Le monde évangélique (dans le sens «evangelical»- anglais / evangelikal – allemand) part du constat que si la chrétienté reste la communauté religieuse la plus importante de la planète, il reste cependant de nombreuses régions peu ou pas atteintes par l’Évangile. Notamment dans une zone du Sud qui concentre mal- et sous-développement. La mission classique garde pour elle tout son sens, dans le sens gagner des chrétiens parmi les adeptes des religions «primitives» ou mieux encore, parmi les musulmans !

Théologiquement et missiologiquement, le point de départ est différent (et rejoint parfois des positions catholiques) : à savoir une vision de l’être humain assez pessimiste, pécheur, il a besoin de se convertir et de la grâce du Seigneur pour pouvoir être sauvé de la damnation éternelle. Christ est la seule voie du salut (c’est un sujet très sensible pour l’islam qui se sent menacé et contesté par ce genre de phrase), en-dehors de lui, c’est la damnation. Cette vérité est considérée comme universelle et intangible. Les injustices sociales, les discriminations en tous genres, ou même les atteintes à la création sont secondaires pour lui, elles ne sont pas négligeables, mais viennent après le salut devant Dieu.

La motivation principale est de sauver des individus, de planter des Églises (church planting – il s’agit de communautés locales, voire d’Églises de maison souvent considérées comme les seules vraies), et non de s’occuper des problèmes du monde ! Même s’il faut reconnaitre que la dimension diaconale de la foi est de plus en plus présente dans les milieux évangéliques, qui ont fait et font preuve d’inventivité et de pertinence dans leur travail. C’est leur manière de contextualiser l’Évangile, même si le mot pour eux n’aura pas beaucoup de sens. Dans ces milieux, il faut trouver des angles d’attaque pour l’Évangile dans la culture ou la religion de ceux que l’on veut convertir (ainsi, il existe des livres du monde évangélique expliquant la meilleure manière d’apporter l’Évangile à des musulmans).

Le monde évangélique du fait de sa vision simple (voire simpliste) du monde et de ses problèmes a pour lui de susciter beaucoup d’enthousiasme, un engagement sincère et coûteux sur le plan personnel de la part de très nombreuses personnes. La vision que j’en donne ici est elle aussi très simpliste ! Entre évangéliques américains, français, suisses, hollandais et allemands il y a d’infinies variantes…

Élan général pour la mission et projets particuliers

Logique d’une communion d’Églises

Face à la crise des relations, qui avec la disparition progressive des missionnaires au long cours (5), la tentation est grande de sortir d’une logique de communion, de relation fraternelle en Christ, à une logique de relation construite autour de projets, avec début, déroulement et fin, avec des dossiers techniquement complexes, mais obéissant à une logique de soutien ponctuel, et non dans la longue durée. Il est frappant de constater que la Cevaa par exemple ne prévoit plus d’envois sur le long terme, notamment pour les postes pastoraux. Chaque Église est devenue (jalousement ?) indépendante !

Il faut reconnaître que le grand projet d’une «communauté missionnaire» (Luthériens et Réformés, sur le plan mondial, ont préféré le terme de «communion») pour la Cevaa n’a pas été doté d’outils assez puissants pour pouvoir être réalisé. De grandes relations (souhaitées) entre de nombreux partenaires qui passent par des tuyaux très étroits ! Car la réalité ressemble plutôt à cela : quel vécu commun peut-il bien y avoir entre un membre de l’Église kanak, en proie à de vives tensions internes en raison de choix politiques critiques sur l’indépendance par rapport à la France et une paroisse d’une banlieue de Strasbourg (ou d’ailleurs), confrontée à la violence urbaine, les trafics de drogues, le délitement de la paroisse, quittée par ses forces vives ? Ce n’est pas tellement différent dans l’ACO : quelle communion entre des protestants égyptiens, tentés par l’exil aux USA, vivant la discrimination et la pression islamiste, et les paroisses rurales se sentant abandonnées en France ? On pourrait multiplier les exemples…

Il faudrait une volonté politique forte et permanente de la direction et de l’ensemble des cadres des Églises locales pour sensibiliser, informer, organiser des rencontres… or la réalité est que la plupart des paroisses et aussi les directions d’Église ont tant de problèmes immédiats à résoudre pour survivre et essayer de sauver ce qui peut l’être que les organismes missionnaires sont déjà contents lorsqu’une fois l’an, il y a une animation / information sur l’Église Universelle !

Et comment aller au-delà d’une communion qui ne soit réservée exclusivement aux cadres des Églises ? Car c’est une grande tentation. On ne peut maintenir des liens qu’en se rendant visite, mais il n’est pas toujours évident de distinguer ces visites d’une attitude de tourisme d’Église, qui ne va guère en profondeur. Ou de visite d’affaires, pour justement gérer les projets, sans pour autant approfondir la communion spirituelle, qui doit être l’Alpha et l’Omega, la raison d’être des projets ! Je me souviendrai toujours d’une visite rendue au responsable de la Fédération Protestante d’Égypte, avec lequel nous souhaitions organiser un échange de paroissiens, et qui proposait de venir avec son staff… (6)

ACO Fellowship a tenté de répondre par la parution d’une lettre de prière rédigée à tour de rôle par les différents membres du Fellowship (Iran, Liban, Syrie, Hollande, Suisse France). C’est peu de choses, mais c’est un début. Est-ce possible à plus de 50 partenaires ? On peut en douter. L’existence d’un site internet de la Cevaa et d’un autre du Défap permet de suivre l’actualité, mais il faut faire l’effort soi-même.

D’autres essais consistent dans les échanges de groupes de jeunes, d’échanges de pasteurs, qui sont autant de pistes intéressantes et expérimentées à une certaine échelle. Là, la mission fonctionne dans les deux sens, et jeunes (et pasteurs) venant des partenaires en mission reçoivent un message qui leur permet de questionner, d’approfondir et de revitaliser leur foi et leur théologie ! Certes, on ne convertit plus les païens, mais on convertit le croyant à une plus grande ouverture d’esprit et de cœur.

La vision d’une communion spirituelle entre chrétiens de toutes origines a besoin de projets concrets

L’envoi de personnes avec toutes sortes de qualifications – mais pas toujours très engagées dans l’Église, et ne se sentant pas des âmes de missionnaires, les rencontres entre pasteurs, entre jeunes, de paroisse à paroisse sont riches et importantes. Mais cela ne suffit pas : je pense qu’il ne faut pas opposer la logique inhérente à l’idée d’une communion spirituelle (dans laquelle s’exprime la solidarité les uns pour les autres) et la logique de projets concrets : les deux logiques se nourrissent et se corrigent l’une l’autre, à condition de ne jamais oublier la finalité.

Nous avons vu la fragilité des relations missionnaires, que l’on croyait pérennes, et qui peuvent s’effriter et mourir. Elles s’entretiennent par des projets, menés par des personnes en chair et en os. Celles-ci seront bien plus que des mercenaires, payés pour faire un job, leur vocation est d’être des témoins : boursiers, envoyés, théologiens, experts pour des projets agricoles, médicaux, humanitaires, l’ensemble de l’activité déployée par les organisations ou avec le soutien des organisations doit avoir le but de maintenir les liens fraternels. Lorsqu’un projet commence à mener une vie propre et indépendante, l’organisme financeur n’étant plus perçu que comme un banquier, il a perdu son âme, et dans le cadre de relations missionnaire, son sens et sa raison d’être.

Cela suppose dans tous les sens un gros travail d’information (ou plutôt de témoignage, de partage fraternel) : les nouveaux réseaux de communications offrent des chances pour ce type d’évangélisation (un peu comme les voies romaines ont permis l’expansion du christianisme durant les premiers siècles de son existence).

Le projet doit être utile et obéir à des critères de sérieux, mais bien plus : il doit être un outil pour une plus grande communion. Ceci n’est pas évident, il est difficile pour le donateur de renoncer à sa position de pouvoir que son statut induit, qu’il le veuille ou non, et il est difficile pour celui qui bénéficie du soutien de ne pas s’autocensurer devant celui auquel il doit des ressources !

Pourtant, même si cela va a contrario des évidences du néolibéralisme économique (qui tient pour évident que celui qui est le plus puissant doit prendre les décisions), il est aussi évident que tout l’Évangile nous invite à une telle attitude !

Les (nouveaux ?) fondements de la mission

Une mission extérieure fidèle aux solidarités héritées de l’histoire, mais pas que…

Pourquoi le Cameroun ? La Nouvelle Calédonie ? Le Liban ? Pour le paroissien de base, un peu intéressé, ces questions faussement naïves montrent la nécessité de savoir pourquoi les organismes missionnaires sont présents en certains lieux et pas en d’autres.

Quel est le critère de choix des lieux vers lesquels va se diriger l’élan de mission et de solidarité des Églises de France ? La question n’est pas du tout évidente. On peut interroger plus haut, pourquoi partager sa foi, mais je pars dans le contexte de ce texte du principe qu’il y a un vrai désir de mission et de partage dans le cœur des croyants et des stratèges d’Église auxquels je m’adresse.

Que reste-t-il comme relations entre l’Église Unie de Zambie, l’Église du Lesotho, fondées par de grandes personnalités issues du protestantisme français ? Dès ses débuts, la SMEP avait le souci de ne pas simplement se soucier d’être un auxiliaire chrétien de la colonisation, mais de transcender par l’Évangile les barrières culturelles. Il faut reconnaître qu’il est difficile sans une forte volonté et des gens engagés de maintenir ces liens. Aujourd’hui, les liens vers ces pays anglophones se font via la Cevaa. Ce n’est que rarement une réalité de prière, de discussion, de partage fraternel sur les questions qui préoccupent les uns et les autres.

Pourtant, il me semble qu’il est essentiel de ne pas jeter aux orties de «vieilles» relations. J’ai été frappé à quel point l’ACO, pourtant acteur modeste auprès des Églises d’Orient, est respectée pour sa fidélité dans le temps. Syrie et Liban ont vu passer nombre d’ONG effectuant une mission puis laissant les gens aidés se débrouiller pour la suite.

Ce passé ne doit pas enfermer dans la nostalgie de ce qui a été (notamment pour ce qui est des relations parfois peu évangéliques lorsque les relations ont été des relations de pouvoir). Le monde a changé, en bien et en mal. Les problématiques se sont déplacées.

L’un des fondements de l’action missionnaire du 21e siècle sera, par tous les moyens (dont les projets) d’être aux côtés de ceux que le Seigneur a un jour mis sur le chemin des protestants français.

Ceci ne doit pas signifier que ces relations sont coulées dans le marbre – parfois il faut reconnaître leur fin, heureuse ou non. Et surtout, cette fidélité aux relations d’autrefois ne signifie pas que le Défap doit limiter son action à ces partenaires-là, ou pérenniser automatiquement ces relations.

Ouverture aux nouveautés du siècle : le devoir de vigilance des organismes missionnaires

Le Défap (avec la FPF) avait un temps essayé de construire des relations avec le protestantisme chinois. Cela a complètement disparu de ses radars. D’autres relations ont été ouvertes avec le Nicaragua et son protestantisme, d’autres encore avec Haïti.

Pour la Chine, c’était au moment où une certaine libéralisation permettait à la chrétienté chinoise d’émerger de la clandestinité et de la persécution. Les visites et premiers contacts (années 90) n’ont pas donné de développement. Un soutien accordé à un organisme de développement chinois (Amity Foundation) par le Conseil Missionnaire UEPAL a un peu prolongé les choses, mais à ma connaissance, il n’y a plus de relations. Pourtant, la réponse aux défis que rencontrent protestants chinois et français (société très séculaire, minorité chrétienne, engagement dans la société) auraient pu créer des convergences, André Appel, alors président de l’ECAAL, en était persuadé.

Pour le Nicaragua, considéré pendant longtemps comme un exemple de théologie de libération ayant réussi, et aussi du fait de la présence sur les lieux de Georges Casalis, des liens avec la Faculté de Théologie de Managua, l’accueil d’une femme-théologienne-boursière, l’envoi régulier d’enseignants pour de courts séminaires s’est poursuivi. Cela contribue-t-il à une communion entre les Églises de France et du Nicaragua ? On peut en douter.

Haïti, dont le protestantisme connaît une forte croissance (aux dépens du catholicisme, et sous la pression de missionnaires nord-américains), a connu plusieurs phases de relations avec la France. Une première visite exploratoire avait eu lieu dans les années 1990, avec une proposition de soutien au système scolaire protestant. Philippe Mary y tiendra un vrai rôle. Le tout va un peu s’endormir, et se réveiller lorsque le tremblement de terre de janvier 2010 réveille l’intérêt pour ce pays pauvre entre tous, d’une certaine manière francophone, le créole étant la langue courante.

La question pour le Nicaragua et pour Haïti est un peu la même : dans un protestantisme marqué par une culture congrégationaliste nord-américaine (et donc une habitude de relations bilatérales), y a-t-il une mission, une responsabilité particulière pour la France ?

Il y a aussi eu des histoires qui me laissent perplexe : après le tremblement de terre qui a dévasté l’Arménie le 7 décembre 1988 et son indépendance de l’Union Soviétique en 1991, deux organisations ont vu le jour : Espoir pour l’Arménie, venu de l’Union des Églises Évangéliques Arméniennes de France, et Solidarité Protestante Française avec l’Arménie (SPFA), fondé par Samuel Sahagian, pasteur de l’ERF d’origine arménienne, ayant quitté l’UEEAF trouvée trop fondamentaliste. Jean Alexandre, alors secrétaire général du Défap, s’était rendu sur place. Mais le Défap ne s’est pas vraiment engagé en Arménie, la petite Église Protestante en Arménie, très évangélique, ne demandait rien à la FPF, elle était probablement occupée à discuter avec l’UEEAF et surtout la grande société missionnaire américaine AAMA. Et SPFA se positionnait sur le terrain culturel et humanitaire. Mais SPFA a un budget très important, provenant en partie du protestantisme français, et fonctionne sur une base de bénévolat associatif ! L’ACO, n’ayant pas de contact direct avec l’Arménie, se tiendra (et se tient encore) aux côtés des deux organisations et soutient ou co-organise des projets avec eux.

Quelle leçon tirer de ces exemples ? Le Défap et autres organisations missionnaires du protestantisme français doivent avoir dans leur cahier de charges une ligne concernant leur devoir de vigilance. De nouvelles relations peuvent surgir, de nombreuses se proposent… rarement totalement désintéressées. Le Défap du fait de son positionnement très particulier peut lui-même percevoir de nouveaux défis, de nouveaux devoirs à accomplir. Où et comment discerner la volonté de Dieu pour le protestantisme français ?

Qui décide de l’ouverture de nouvelles relations de «mission extérieure» ? Et sur quels critères ?

Voici quelques propositions de principe pouvant guider cette mission de vigilance :

  • Le Défap doit fonctionner en immersion dans le réseau protestant français, certes, les trois Églises qui le constituent, mais aussi la FPF et ses Églises membres, la CEEEFE (le réseau protestant francophone), (7)
  • Il doit donc être à l’écoute des demandes qui remontent vers lui
  • Et il peut les renvoyer sur d’autres partenaires, mieux outillés que lui pour des raisons de familiarité régionale ou culturelle, ou les prendre en compte pour lui
  • Il peut également interpeller d’autres acteurs «mission» pour leur rappeler la nécessaire solidarité dans le protestantisme français pour ces actions

Critères

  • Dans les premiers temps, bien cadrer les possibilités du protestantisme français, vérifier la faisabilité des projets, leur utilité, ce que cela change, comment cela enrichit spirituellement et humainement les acteurs locaux et le protestantisme français
  • Faire son possible pour discuter avec des Églises (pas seulement des communautés locales ou des groupes), dans l’élaboration de chartes qui précisent l’objet du projet commun
  • Vérifier avec d’autres partenaires œcuméniques (missions européennes, américaines, asiatiques) la pertinence du projet, éventuellement créer des structures (légères !) de concertation.
  • Vérifier la faisabilité financière en concertation avec les Églises constituant le Défap
  • Enfin, il faudra élaborer une chaîne de décision qui permette des décisions collégiales du protestantisme pour répondre aux nouveaux défis

La mission extérieure : une marginalité assumée

Je me souviens de l’époque où les réalités missionnaires n’étaient pas intégrées dans le budget central de l’Église, qui laissait faire les spécialistes avec plus ou moins de bienveillance. Après une dizaine d’année d’intégration, un pasteur alsacien, devant la difficulté à faire passer l’idée de «mission extérieure» dans les paroisses, et aboutir à l’inscription de sommes autres que ridicules pour cette ligne, disait lors d’une réunion : finalement, est-ce que cela ne marchait pas mieux lorsque la mission était portée par un groupe de gens «qui en voulaient» ?

Il me paraît presque normal que l’intérêt pour la mission extérieure ne soit pas automatique, y compris dans nos paroisses, qui ont souvent de vrais problèmes à gérer. Eveiller l’intérêt pour la mission demande beaucoup d’efforts, de témoignages, de constance. Et l’intérêt ne peut être commandé sur le mode administratif par une (ou des) direction d’Église !

Le rayonnement des relations missionnaires demande à grandir en une réalité spirituelle ! Le COE invite toutes les semaines à prier pour un groupe de pays. Il serait bon d’inviter (de diverses manières, en proposant des thèmes, des textes tout faits, des témoignages) à prier pour ceux qui sont notre proche famille sur le plan spirituel ! Un peu comme le fait la «Journée Mondiale de Prière».

Ceux qui se sentiront vraiment concernés et militants resteront une minorité, et ce n’est pas grave : c’est dans ses marges que l’Église se renouvelle… Souvent, ce sont les anciens coopérants, ceux qui ont participé à un échange avec le Sud (ou l’Orient) qui retrouvent leurs racines chrétiennes et renouvellent un engagement plus dynamique ! Cela échappe pour une large part à une logique de «faire», lorsqu’une telle expérience réussit, c’est de l’ordre de la grâce (qui fait partie de la promesse). La militance pour la mission, la prière, la solidarité, l’information qui l’accompagnent ne peut être remplacée par un engagement budgétaire, pourtant lui aussi important.

La mission extérieure : en France aussi

Parmi les nouveaux chantiers que la mission doit aux phénomènes migratoires, aux flux de réfugiés, à la mondialisation et aux réseaux sociaux, il y a l’accompagnement des paroisses confrontées aux problèmes et aux joies des relations nouvelles et inhabituelles auxquelles elles se trouvent confrontées.

Cela justifie amplement à mon avis la présence de Secrétaires Exécutifs chargés de l’animation France, et aussi animation jeunesse. Lectures interculturelles et communautaires de la Bible, rencontres interreligieuses permettent des rencontres qui autrement n’ont simplement pas lieu. Dans un monde où l’on communique comme jamais, et où l’on ne se comprend pas mieux pour autant, les organisations missionnaires peuvent apporter un témoignage et une expertise indispensable.

Mais là aussi, il est important que les organisations missionnaires ne se croient pas propriétaires de leur savoir-faire et de leur champ d’action : cela peut et doit fonctionner en réseau avec les autres forces vives du protestantisme !

Conclusion

Le Défap et les autres organismes missionnaires européens n’ont pas besoin de «refondation» : leur fondation, c’est la foi en Christ, c’est l’action de l’Esprit dans le monde, qui bouscule toujours à nouveau les croyants. Comment faire ? C’est là que les choses deviennent difficiles.

Lorsque je considère le monde avec les yeux de ma (petite) foi, je suis fasciné par sa diversité et les multiples manières dont l’Évangile libérateur peut changer la vie des hommes. Je reçois les interpellations qui me poussent à avoir des gestes de solidarité. Je sais aussi mes limites dans ce domaine !

Je vis sous la grâce d’avoir pu vivre des rencontres fantastiques et improbables. Cela nourrit ma réflexion, ma foi et mon action. Il ne m’appartient pas de juger et par là-même de mettre des limites à l’action de Dieu.

Ici, j’ai essayé de partager mes réflexions sur le sens que peut avoir la mission extérieure pour l’Église du 21e siècle. En toute modestie, j’ose espérer que cela aidera le Défap et les autres organismes à avancer !

Thomas Wild
Strasbourg, 15 mai 2018

 

1) Ainsi, l’EPUdF a créé un poste pour les relations extérieures – la personne siège au nom de l’EPUdF au Conseil du Défap, la FPF a ses propres relations extérieures, pour l’UEPAL, il y a un poste pour les relations européennes, sans aucune relation avec les organisations missionnaires
2) pour l’UEPAL : Semis, CASP, etc…, pour la FPF, la Fédération de l’Entraide Protestante, etc…
3) Le document final, issu d’une consultation de plusieurs années (2006-2013), destiné à remplacer une déclaration des années 80, a été approuvé lors de l’AG du Cœ de Busan en 2013. Il a été publié en 2015 en français par les éditions Olivétan, le numéro 2015/1 de «Perspectives missionnaires» lui est consacré.
4) Ainsi, lors de rencontres Orient-Occident ou Nord-Sud, les européens prennent (parfois) conscience des privilèges dont ils jouissent, qu’ils ont en grande partie hérités, et des frustrations des autres… mais souvent, devant l’apparente impossibilité de changer les choses en profondeur, on oublie ! Dans l’autre sens, les participants du Sud rendent attentifs au sort des personnes âgées dans les pays occidentaux, de la qualité de vie relationnelle et du manque de zèle à participer aux activités d’Église, qui pour eux sont évidents. Plus en profondeur : les clichés des uns sur les autres sont parfois hallucinants ! Et nos partenaires orientaux ont du mal à saisir la non-discrimination des musulmans par les nations européennes, parfois encore considérées comme chrétiennes, alors qu’eux vivent dans des nations musulmanes et supportent nombre de discriminations !
5) J’ai découvert en Turquie à quel point les ordres missionnaires catholiques poursuivaient à leur manière la présence de missionnaires à vie. Des personnes, prêtres et sœurs surtout, consacrent leur vie à une mission au loin. J’ai vu de tels exemples au Gabon (Foyer de Charité), au Caire (Centre des dominicains) et à Alexandrie (centre jésuite). Cette présence au long cours, impressionnante localement est un vrai témoignage. Mais là aussi, la relève a du mal à se faire.
6) Il faut dire que son point de vue se comprend. À mes débuts à l’ACO, personne n’avait vraiment compris l’organisation du protestantisme égyptien, et la Fédération n’était pas le bon endroit pour des contacts avec la base. S’ajoute à cela la vraie difficulté linguistique pour un échange, les protestants égyptiens se tournent plus volontiers vers l’anglais-américain que vers le français.
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