Les pasteurs venus d’autres Églises, d’autres pays, et donc d’autres contextes culturels, sont de plus en plus nombreux au sein des Églises européennes. Comment aider les nouveaux arrivants à « prendre leurs marques » ? Comment éviter malentendus, incompréhensions, voire tensions ? C’est tout l’enjeu des sessions organisées au Défap à la demande de trois Églises – l’EPUdF, l’UEPAL et l’EPUB – pour accueillir les ministres ou suffragants venant de l’étranger. La première s’est tenue du 10 au 12 octobre et réunissait une quinzaine de participants.
Le secrétaire général du Défap, Basile Zouma, s’exprimant devant les participants de cette session de formation le 10 octobre 2012 © DéfapLongtemps considérée avec méfiance en France, patrie de l’universalisme, l’importance de la dimension interculturelle est de plus en plus reconnue. En témoigne l’émergence de formations professionnelles consacrées à la sensibilisation à la communication interculturelle, au management interculturel, à l’acclimatation au contexte culturel étranger… Les Églises n’y échappent pas. Comme le soulignait fin 2018 Marc-Frédéric Muller, directeur de la revue Perspectives missionnaires, lors d’un forum organisé en partenariat avec le Défap et la Fédération Protestante de France : « Nous vivons dans un monde pluriculturel, et les Églises en sont parties prenantes. C’est une réalité qui a toujours été là, mais elle a pris dernièrement plus d’ampleur. Comment fait-on société dans un monde de plus en plus pluriculturel ? Comment fait-on société à l’époque d’un individualisme croissant ? (…) La mondialisation a bien changé le visage de pays comme la France, la Suisse… Mais ce n’est ni un drame, ni un échec. Est-ce la vocation des Églises de montrer les opportunités, les promesses de ces changements ? Ont-elles une expertise, un savoir-être ? »
Qu’elles aient ou non une telle expertise, les Églises vivent déjà au quotidien cette dimension interculturelle. C’est le cas à travers leurs paroissiens, d’origines de plus en plus diverses, à l’image de l’ensemble de la société ; et à travers leurs pasteurs. Prenons l’exemple de l’Église Protestante Unie de France (EPUdF), l’une des trois Églises fondatrices du Défap : les pasteurs d’origine étrangère y représentent une proportion croissante : ils étaient ainsi 22,6% selon les chiffres de 2015, les pasteurs originaires d’Afrique étant le deuxième contingent le plus important. Et parmi ces pasteurs venus d’Afrique, bon nombre étaient passés par le Défap. Ce qu’illustrent des parcours comme ceux de Jean-Serge Kinouani, Aymar Nkangou, Patrice Fondja et bien d’autres… Quand on fait le bilan de ce que le Défap apporte à ses Églises membres, une bonne partie de ses activités peuvent rester mal connues, car elles se développent à travers de multiples réseaux et partenariats. Et voici précisément l’un de ces apports qui restent parmi les moins visibles : à travers le Défap, les Églises de France trouvent aussi de nouveaux pasteurs. Avec une vision différente de la vie d’Église, susceptible d’aider aux nécessaires adaptations face aux changements de notre société, ou de revivifier certaines paroisses.
Une co-constructions entre les Églises et le Défap
Méditation à l’ouverture de la deuxième journée de formation, le 11 octobre 2012 © DéfapCes évolutions que connaît l’EPUdF concernent les autres Églises membres du Défap ; et au-delà de la France, des pays voisins francophones comme la Suisse ou la Belgique y sont aussi directement confrontés. Au sein de l’EPUdF, la Commission des ministères, « commission d’embauche » des futurs ministres de l’Église, a pris depuis plusieurs années toute la mesure des changements induits par les évolutions de la société sur le profil des pasteurs. Cas similaires au sein de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (UEPAL), autre Église membre du Défap ; et également, plus au nord, au sein de l’Église protestante unie de Belgique (EPUB). C’est de cette préoccupation commune qu’est née la demande, exprimée au Défap par ces trois Églises, d’une série de sessions permettant d’accueillir des ministres ou suffragants venant de l’étranger. Avec l’idée d’en faire des temps d’échange et de rencontre, mais aussi de donner à ces futurs pasteurs des clés de lecture, des repères et des ressources. Il s’agit donc là, pour le Défap, d’un nouveau mandat ; et ces sessions sont le fruit d’une co-constructions entre les Églises et le Défap.
La première de ces sessions s’est tenue au Défap du 10 au 12 octobre 2022. Elle a réuni une quinzaine de participants. Elle combinait des modules généraux présentant les diverses Églises dans lesquelles les nouveaux arrivants seront amenés à devenir pasteurs, ou destinés à leur donner des repères sociétaux, culturels et sur les styles de vie ou sur des questions clés comme celle de la laïcité, avec des témoignages de pasteurs étrangers déjà présents depuis plusieurs années en France. Un autre module s’attachait à questionner les stéréotypes sur les pays d’origine ou d’accueil des nouveaux arrivants. Avec, pour cette session, quatre objectifs affichés : donner des repères légaux et sociétaux ; améliorer la connaissance des Églises ; donner des informations déontologiques et financières ; mais aussi mettre en réseau les ministres nouvellement arrivés, leur proposer des personnes ressources.
Une deuxième rencontre du 23 au 25 janvier réunira les 15 participants de cette première session, toujours au Défap, autour des questions interculturelles : il s’agira alors de favoriser la prise de recul par le partage, de donner des éléments d’interculturalité, et de renforcer les acquis de la première session.
Pour aller plus loin :
- Jean-Serge Kinouani-Mizingou, du Congo-Brazzaville à l'Ardèche
- Aymar Nkangou, du Congo-Brazzaville à Montbéliard
- Patrice Fondja, pasteur-missionnaire
- La question interculturelle
- Retour sur le forum de PM organisé en 2018 avec le Défap et la FPF
- Le difficile remplacement des pasteurs partis à la retraite (article de Réforme)