Doyenne de la faculté de théologie de Ndoungué, où sont formés les pasteurs de l’Église Évangélique du Cameroun, Madeleine Mbouté était fin septembre l’invitée de Marion Rouillard pour l’émission « Courrier de mission – le Défap ». Elle y évoque des thématiques qui lui tiennent à cœur et sur lesquelles la faculté qu’elle dirige s’efforce de faire évoluer les mentalités : la place des femmes et l’éthique chrétienne.

Madeleine Mbouté © DR

« Quand on a adhéré au message du salut donné par Jésus-Christ, inévitablement, notre vie devient une bible ouverte. » C’est armée de cette conviction forte que Madeleine Mbouté dirige la faculté de théologie de Ndoungué, dont elle est doyenne et où elle enseigne depuis 13 ans la théologie systématique. Actuellement présente en France, elle était l’invitée, le 28 septembre, de Marion Rouillard lors de l’émission « Courrier de mission – le Défap », diffusée le quatrième mercredi de chaque mois sur Fréquence protestante.

 

Entretien avec Madeleine Mbouté, émission présentée par Marion Rouillard

Courrier de Mission – le Défap
Émission du 28 septembre 2022 sur Fréquence Protestante

 

La faculté de théologie de Ndoungué, autrefois appelée séminaire de Ndoungué, est avant tout l’institut de formation des pasteurs de l’Église Évangélique du Cameroun (EEC) ; mais elle accueille également des étudiants venant d’autres Églises partenaires. C’est une institution partenaire du Défap au Cameroun, avec l’Université protestante d’Afrique Centrale (UPAC), première institution universitaire protestante dans ce pays, et avec les facultés de théologie de Bibia et Foulassi. Sous l’impulsion de sa doyenne, la faculté de théologie de Ndoungué travaille sur des sujets cruciaux comme la place de la femme dans l’Église ou les questions d’éthique chrétienne. Des thématiques qui, au-delà de l’Église elle-même, concernent toute la société camerounaise, dont l’histoire et les valeurs ont été fortement marquées par l’influence protestante : les missions protestantes se sont succédé dans ce pays du XIXème au XXème siècle, venues des États-Unis, des divers pays d’Europe – ce qui inclut la SMEP, la Société des Missions Évangéliques de Paris, l’ancêtre du Défap. Les protestants ont construit les premières écoles, les premiers hôpitaux, la première université : l’UPAC, à Yaoundé. S’ils ne sont plus majoritaires, les protestants représentent encore aujourd’hui 26% de la population, le catholicisme étant à 40%, et l’islam à 20%.

Place des femmes : « 17 femmes ont été ordonnées pasteures en juillet »

Au sein de l’Église Évangélique du Cameroun, souligne Madeleine Mbouté, les femmes ont une place essentielle. Au quotidien, elles travaillent « à l’éducation des enfants, dans les œuvres sociales, dans l’encadrement des déshérités ». Elles peuvent aussi faire des études de théologie, devenir pasteures et cadres de l’Église. Comme le note Madeleine Mbouté, « Henriette Mbatchou, qui a été présidente de la Cevaa (la Communauté d’Églises en mission), est de notre Église ». Mais c’est une conquête récente et qui nécessite encore de poursuivre les efforts pour mieux reconnaître la place des femmes. Dans cette évolution, une missionnaire d’origine hollandaise de l’Église Réformée des Pays-Bas, Jansen Mechteld, qui fut la toute première pasteure à travailler, de 1989 à 1993, dans une paroisse de l’EEC à Foumban, a joué un rôle de déclencheur en bousculant les mentalités au sein de l’Église. « L’EEC a commencé à accepter des femmes en formation théologique en octobre 1992 », rappelle ainsi Madeleine Mbouté. Néanmoins, il a fallu attendre l’année 2001 pour qu’elle consacre ses premières pasteures. Depuis les années 90, « une quarantaine de femmes ont été formées dans notre école de théologie à Ndoungué, mais aussi à l’UPAC ». Mais si les pasteures de l’EEC « assument leurs responsabilités avec dévouement et efficacité », aujourd’hui encore, elles ne représentent guère plus de 10% du corps pastoral. Madeleine Mbouté se veut toutefois confiante dans l’évolution des mentalités au sein de son Église : « sur les 126 pasteurs qui ont été consacrés le 24 juillet dernier, il y avait 17 femmes ». Une évolution à laquelle elle travaille régulièrement à travers l’organisation de colloques et de séminaires.

Les questions d’éthique chrétienne sont un autre grand sujet auquel se consacre Madeleine Mbouté. Un thème difficile au sein d’une société marquée par de nombreuses dérives, qui n’épargnent pas toujours les Églises. « Tout au long de l’année académique 2021-2022, note-t-elle, nous avons tenu des séminaires en master 1 et 2 sur la thématique de la christologie de conquête et de reconquête ». Une manière de dire que les chrétiens doivent assumer de porter dans la société des valeurs inspirées de leur foi : « c’est quand on a accepté l’amour de Jésus-Christ pour nous, son sacrifice pour notre vie, que les fruits éthiques peuvent accompagner notre vécu au quotidien ». C’est d’ailleurs pour travailler sur ces questions d’éthique qu’elle est actuellement en France, ce qui lui permet d’accéder à la bibliothèque de l’Institut Protestant de Théologie et de s’entretenir avec des enseignants, notamment la doyenne Valérie Nicolet. « J’avais fait une analyse il y a 13 ans sur la crise spirituelle au sein du protestantisme camerounais », rappelle-t-elle. Après des années d’enseignement à Ndoungué, elle a repris « des recherches pour mieux comprendre les causes de cette crise, ce qui y a conduit l’Église ; et pour mieux comprendre le comportement des chrétiens dans la société ».

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