Le pasteur Jean Wendling a été envoyé par le Défap en mission pendant cinq semaines auprès de l’Église protestante de Guyane. Une Église membre de la Ceeefe, la Communauté des Églises protestantes francophones, et qui est aussi devenue en 2021 « Église associée » de l’Église protestante unie de France. Sans pasteur attitré, elle bénéficie depuis plusieurs années d’un accompagnement du Défap à travers des envoyés en « mission courte » comme Jean Wendling.

Les enfants de l’Église protestante de Guyane lors du spectacle de Noël © EPG

Qu’avez-vous découvert en Guyane ?

Jean Wendling : C’était mon premier séjour en Guyane – même si j’avais déjà voyagé dans d’autres pays, comme le Tchad par exemple. Ce qui frappe dès la descente d’avion, c’est l’humidité et la chaleur : c’est suffocant – surtout lorsqu’on débarque de l’Alsace plongée en plein hiver. En ce qui concerne la paroisse que j’ai rencontrée, j’ai découvert une Église minoritaire, mais constituée de membres qui lui sont très attachés. Ce sont des familles qui trouvent la spiritualité protestante luthéro-réformée plus équilibrée qu’un engagement dans une Église évangélique ou dans une paroisse catholique. Il faut dire qu’en Guyane, l’Église catholique est omniprésente ; et ceux qui ne sont pas catholiques sont évangéliques. Les Églises évangéliques sont une vraie force, certaines peuvent rassembler des milliers de paroissiens, quand l’EPG (l’Église protestante de Guyane) compte quelques dizaines de familles. Mais les paroissiens y sont actifs et accueillants.

La fraternité est une réalité dans cette communauté. Dès le premier jour, nous étions un bon nombre à partager le repas, après le culte. Repas qui s’est étalé sur l’après-midi entière. Nous avons eu, à cœur ouvert, un partage sur les forces et faiblesses de la petite communauté protestante de Remire-Montjoly. Ils sont authentiques, ils vivent ce qu’ils disent, ils en veulent ; il y a en particulier dans l’Église des jeunes très engagés… Ces sont ces ados qui ont monté eux-mêmes le spectacle de Noël, ils ont enregistré un culte à la radio : ces jeunes ne sont pas seulement l’Église de demain, ils sont déjà l’Église d’aujourd’hui – et elle est belle, cette Église. Mais il y a aussi chez les paroissiens une part de souffrance. Ils se font entendre dans la société, y compris à la radio, ils essaient d’être témoins à leur niveau, ils invitent des collègues, des membres de leur entourage ; mais l’Église a du mal à croître. Ils rêvent d’avoir plus de moyens. Notamment un pasteur attitré, des locaux.

Où en est l’Église protestante de Guyane sur cette question des moyens ?

La présence d’un pasteur est essentielle pour les paroissiens : ils se rendent bien compte que le nombre de membres de leur Église évolue en yoyo. Quand l’Église a un pasteur, le nombre augmente ; entre deux missions d’accompagnement, ils se retrouvent seuls et, tous, portent l’Église à bout de bras – et pourtant le nombre de membres n’augmente plus ou diminue. La faiblesse de l’Église tient au manque de paroissiens « locaux » : une grande partie ne sont en Guyane que pour quelques années. C’est le cas, par exemple, des enseignants. Ils pourront donc s’impliquer très fortement tant qu’ils seront en Guyane, mais ensuite, l’Église aura du mal à les remplacer. Et quand ils invitent des membres de leur entourage, de leur milieu socio-professionnel – des collègues ou des amis – le problème est le même : ce sont des gens qui ne sont pas destinés à rester à long terme. L’Église a besoin de pousser des racines plus profondes en terre guyanaise.

En ce qui concerne les locaux, les paroissiens sont persuadés qu’ils leur permettraient d’afficher plus facilement leur identité : à l’heure actuelle, ils se retrouvent dans un local de l’Église catholique. Ils n’envisagent pas forcément tout le poids qu’implique la gestion d’un bâtiment – j’ai vu des paroisses en métropole pour lesquelles cela représentait une charge très lourde ; mais ils pensent qu’une fois leur propre bâtiment construit, ils pourraient aussi s’impliquer davantage. Que grâce à cette meilleure visibilité, l’Église grandirait, et qu’elle aurait naturellement plus de ressources. Pour eux, il s’agit là d’un besoin pressant. La préfecture y est favorable. L’Église catholique aussi, avec laquelle les relations sont très bonnes, et qui voit ce besoin.

Membres de l’Église protestante de Guyane lors d’un repas paroissial © EPG

Quelles sont les relations avec les autres Églises ?

Les Églises évangéliques sont une multitude, mais très divisées. Il existe aussi un Pôle Protestant de Guyane, qui rassemble les Églises proches de la Fédération protestante de France, mais il était très peu actif dernièrement. L’aumônier militaire s’est donné pour mission de remettre en route cette dynamique FPF, avant son départ dans huit mois. Nous avons évoqué la célébration en commun d’un culte festif rassemblant toutes les Églises affiliés à la FPF. Côté catholique, l’évêque du diocèse de Cayenne, Mgr Alain Ransay, que j’ai rencontré lors de mon séjour en compagnie de paroissiens de l’EPG, nous a dit : « Vous aurez toujours un pied-à-terre dans un bâtiment catholique, car nous croyons que vous pourriez avoir une place centrale entre l’Église catholique et les Églises évangéliques. » Il fait une distinction très importante entre la théologie luthéro-réformée et une tendance très présente dans beaucoup d’Églises évangéliques, et qu’il ne supporte pas : l’influence de l’évangile de la prospérité.

Que garderez-vous comme impression marquante de ce séjour en Guyane au sein de l’EPG ?

Quand je les ai quittés, je leur ai lu un texte d’Apocalypse : « Sois fidèle jusqu’à la mort, et je te donnerai la couronne de vie » (Apocalypse 2:10). L’auteur s’adresse à l’Église de Smyrne, une petite Église ; mais si petite soit-elle, il ne lui en fait pas le reproche. Il l’encourage à être fidèle. J’ai trouvé dans l’EPG une Église petite mais fraternelle, et qui rayonne. Et je voudrais dire merci à ses membres pour leur accueil, et pour la confiance qu’ils ont témoignée à ce pasteur venu les accompagner pendant cinq semaines.

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