Élie Olivier était parti avec le Défap en tant que service civique en 2019, pour une mission d’animateur linguistique – échanges interculturels à Antsirabe (Madagascar). La pandémie de Covid-19 et les restrictions sanitaires l’avaient contraint à écourter sa mission. Mais cette période n’en a pas moins représenté un moment charnière dans sa vie. De retour au Défap trois ans après, il témoigne.

Élie Olivier de retour au 102 boulevard Arago, dans le jardin du Défap © Défap

Que dirais-tu aujourd’hui de ta mission, entre ce que tu as découvert sur place et les conditions dans lesquelles tu es rentré en France ?

Élie Olivier : Je travaillais au centre Akanysoa, à Antsirabé, une ville qui se situe dans le centre de Madagascar : c’est à la fois un orphelinat et une école primaire. Du coup, mon activité aussi était double : à l’école, pendant les journées de la semaine, j’étais assistant de français ; les soirs et les week-ends, je faisais de l’animation pour les enfants de l’orphelinat. Avec des activités qui pouvaient aller de l’atelier de jeu d’échecs au football, en passant par la musique, le solfège… Je m’étais aussi procuré du matériel scolaire pour le centre. Mais en pleine mission, tout a été interrompu par la crise sanitaire. J’ai dû rentrer en France au bout de six mois, alors que la mission aurait dû en durer dix. J’en ai gardé un certain goût d’inachevé. Et néanmoins, cette mission m’a, sinon transformé, du moins aiguillé dans mes choix de vie et professionnels. Je ne suis pas le seul à avoir fait ce genre d’expérience : je crois vraiment que lorsqu’on va dans la Grande Île, on en tombe facilement amoureux. Amoureux à la fois du pays lui-même, de la culture, et des gens. Je reviendrai un jour à Madagascar, c’est une certitude ; et j’irai probablement vivre sur le continent africain d’ici quelques années. Cette mission, bien qu’écourtée, m’a confirmé que c’est là que je veux vivre. Il y a tellement de choses à y faire, à construire ; par opposition à ce que l’on vit dans nos pays où l’on a plutôt tendance à déconstruire… Je pense que notre société a énormément à apprendre et que les relations avec des pays comme Madagascar, avec des continents comme l’Afrique, sont nécessaires. Nous avons beaucoup à nous inspirer de la résilience de ces sociétés ; les coopérations Nord-Sud peuvent être très fructueuses. Et il est essentiel de toujours garder en tête les aspects humain, spirituel… Pour cela, des organismes comme le Défap ont un rôle fondamental.

Le retour a-t-il été difficile, en pleine pandémie de Covid-19 ?

Paradoxalement, non. On nous avait beaucoup parlé du choc du retour lors de la formation au Défap ; de la difficulté qu’il peut y avoir à reprendre pied dans une société qui a continué à avancer sans vous, alors même que vous avez pu vivre des choses en cours de mission qui ont provoqué chez vous des prises de conscience, des manières différentes de percevoir le monde et votre propre vie… Mais en fait, j’ai retrouvé une société française aux prises avec une crise tellement inédite que toutes les habitudes y étaient bouleversées : finalement, c’est le pays que j’ai retrouvé à mon retour de mission qui était en train de vivre un choc ! Et curieusement, j’ai l’impression que cette période a aussi entraîné des prises de conscience au sein de la société, qui n’ont fait que me conforter.

Quelle orientation a pris ta vie après ce retour ?

Je faisais auparavant des études très théoriques, dans le domaine de l’astrophysique. J’ai éprouvé le besoin de me réorienter vers un cursus beaucoup plus concret. C’était quelque chose qui se dessinait déjà en amont de ma mission, mais disons que mon passage à Madagascar a été la confirmation que j’avais besoin de quelque chose de moins éloigné des enjeux humains. J’ai donc préparé, en alternance, le MBA du Collège des Ingénieurs, dont la formation couvre les domaines suivants : finance, production et organisation, ressources humaines et communication, stratégie et marketing, et leadership. Et dès l’an prochain, je serai en poste en tant que « business developer » (ou « responsable du développement ») au sein du groupe Total Eren (anciennement Eren Renewable Energy), spécialisé dans le développement de projets tournant autour des énergies renouvelables. Au sein d’une telle entreprise, on peut intervenir sur tout le cycle de vie d’un projet, depuis sa conception jusqu’à sa mise en place. Je travaillerai à promouvoir des projets liés au solaire ou à l’éolien sur le continent africain – et plus particulièrement en Afrique australe, comme en Zambie. Et je serai plutôt en amont : il s’agira pour moi de sélectionner les projets, de trouver des partenaires, des financements (banques, Agence Française de Développement…), de les promouvoir auprès des décideurs politiques…

Et ta mission a vraiment influé sur ce changement de cap ?

Oui : je me suis rendu compte que j’ai besoin d’une activité qui me permet d’agir pour les autres de manière concrète. Voir l’impact de mes actions, c’est ce qui me donne de la motivation. J’ai besoin de sens pour être épanoui et heureux dans mon travail. Et je peux ainsi m’inscrire également dans quelque chose qui a du sens au niveau global. Par exemple, sur le plan professionnel, j’avais une autre proposition : travailler au développement de l’éolien en Europe du Nord. Mais ce poste de « business developer » pour l’Afrique est plus satisfaisant : il me permettra de participer au développement des énergies renouvelables sur le sol africain. Et je pourrai me dire que chacun des projets que je porterai aura un véritable impact économique, social et environnemental dans les pays concernés. À terme, j’aimerais que ça participe au développement de l’économie de ces pays, qui ont bien souvent d’importantes ressources minérales, mais dont l’exploitation se fait ailleurs.

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