Partir à l’étranger avec le Défap, ce n’est pas seulement découvrir un autre pays, une autre culture, et y vivre de nombreux mois en immersion : c’est aussi se découvrir soi-même. Avec le Covid-19, d’autres problématiques se posent. Au travers de leurs lettres de nouvelles, les envoyés partagent leur ressenti mais aussi leurs questionnements.

 

Zoe Koch est VSI en Égypte avec l’Action chrétienne en Orient. Elle est en mission à la maison Fowler au Caire. En raison du confinement, elle a dû rentrer en France le 20 mars.

Jeudi 16 avril 2020 à Colmar, mais toujours un peu au Caire dans la tête et le cœur.

Aéroport Paris-Charles de Gaulle. 10h du matin. Ça y est, je suis en France. Mon masque est la seule chose qui soutient encore mon visage fatigué. Dehors, tout est vide. Il n’y a plus personne dans les rues de Paris. L’air frais me réchauffe curieusement le cœur, mais je n’oublie pas qu’il y a encore quelques heures, je marchais dans les rues étouffantes du Caire.

La crise que nous traversons tous en ce moment est amère, brute, difficile. Elle a radicalement transformé nos modes de vie, elle nous a fait réfléchir, repenser nos habitudes. Elle a fait émerger du beau, également. Pour moi, elle a d’abord été légère. En mission au Caire à la maison Fowler, nous nous sentions si loin de l’agitation. La crise sanitaire est rapidement devenue l’objet de nos conversations avec les collègues pendant les repas. Au début, nous ne l’abordions qu’à travers quelques blagues. En effet, nous en étions si loin qu’elle nous semblait presque irréelle. Puis nous avons pu goûter aux inquiétudes, aux peurs de nos proches restés en France tout d’abord, puis aux frissons naissants qui ont agité la population égyptienne. La nouvelle est finalement tombée : l’aéroport du Caire allait fermer, les écoles également. Les gens dans la rue étaient devenus méfiants : nous étions, bien malgré nous, les visages de ce virus. Tout est allé très vite. Nous avons été un petit peu secoués par la police locale, qui souhaitait ne plus voir d’étrangers sur les lieux de travail. Une décision devait être prise, une décision compliquée et triste, mais indispensable.

Nous avons eu un petit peu plus de 24 heures pour faire nos adieux au Caire.

On nous apprend à partir. On nous prépare au choc culturel, on s’y attend. Et parce que ça semblait loin dans nos têtes avant cette crise, on oublie le retour. Ce retour, il m’est tombé sur la tête et il m’a brisé le cœur. J’ai réalisé à quel point il était difficile de dire au revoir, qui plus est à des enfants. Ces quelques mois au Caire ont été riches, beaux, durs parfois. Et parmi toutes les richesses de ce pays, j’ai eu la chance et la joie de fréquenter la plus belle de toutes les richesses, ou plutôt « les plus belles de toutes » : les filles de la maison Fowler. Oh qu’il a été dur de prendre l’avion et de les laisser ! Nous avions commencé tant de choses, appris beaucoup aussi, j’avais plein de projets dans la tête. Le matin même, nous discutions avec les collègues d’un nouveau programme à essayer avec les filles pour compenser la fermeture des écoles. Mais le soir, nous étions dans le bureau de notre patronne, à discuter de notre départ précipité.

Ce retour m’a aussi offert un torrent de lumière. Avant de partir, les filles m’ont fait le plus beau des cadeaux, elles ont placé en moi un espoir si grand et si fort qu’il peut aller plus loin que les crises et les difficultés. Aujourd’hui, je suis triste, mais sereine, car je sais que cet espoir est en chacun de nous, il transcende nos êtres, il est universel. Que ce temps de crise nous aide à le repenser et à le saisir, à le partager aussi à ceux qui n’y croient plus.

Et puis, pour finir, j’aimerais citer une amie égyptienne qui me disait la chose suivante : للخیر كلھ « tout ira pour le mieux », comme le rappellent les chrétiens égyptiens pour se souvenir que le monde est fait d’amour et d’espérance, et qu’il y a toujours quelqu’un qui ne les laissera jamais tomber.
Prenez grand soin de vous et de vos proches.

Le grand marché

 

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