Deux envoyés récents du Défap ainsi que son secrétaire général, le président de la Commission des ministères de l’EPUdF, un enseignant de l’Institut Protestant de Théologie : autant de témoignages, autant de regards sur l’apport du Service protestant de mission qui sont venus se croiser, le samedi 30 mars, lors de l’AG du Défap, à l’occasion d’une après-midi consacrée aux «fruits de la mission».
Image de l’après-midi de l’AG du Défap consacrée à des débats sur les «fruits de la mission»
Depuis 1971, quels sont les «fruits de la mission» visibles à travers le Défap ? L’après-midi du 30 mars, jour de l’AG 2019, était toute entière placée sous cette thématique, ouverture vers une sorte de «mini-forum» donnant déjà un avant-goût du colloque qui se prépare pour les prochains mois. Avec pour l’illustrer, deux anciens envoyés, Éline O. (Égypte) et Mahieu Ramanitra (Madagascar) ; mais aussi Vincent Nême-Peyron, président de la Commission des ministères de l’EPUdF, qui a participé à un stage CPLR au Bénin ; ainsi que Jean-Luc Blanc, secrétaire général du Défap, et Gilles Vidal (IPT Montpellier). «On réalise», a souligné Florence Taubmann en présentant ces différents invités devant les délégués de l’Assemblée Générale, «quand on regarde l’histoire de la mission, mais aussi l’actualité, et quand on rencontre les envoyés formés par le Défap chaque année, que la mission, c’est toujours une histoire de vocation personnelle. On rencontre des personnalités fortes qui, à un moment donné, reçoivent un appel à partir.»
Ces diverses vocations, ces personnalités très diverses viennent se croiser au Défap et tout particulièrement lors d’une période privilégiée : celle de la formation des envoyés. «Ce sont des rencontres riches qui ont lieu lors de ces sessions de formation, a rappelé Florence Taubmann, avec des jeunes issus des milieux évangéliques, du monde luthéro-réformé ; des jeunes venus de la société civile et sans réelle éducation religieuse… Face à un public aussi divers, nous devons nous poser des questions, en tant que formateurs : réfléchir à notre manière de présenter la mission ; les préparer à vivre dans des sociétés où la pratique religieuse est le lot commun de tous…»
Se former aux rencontres interculturelles
Une formation dont les deux envoyés présents ont pu souligner l’aspect indispensable : «Sans elle, a notamment insisté Mahieu Ramanitra, on se serait heurté dans notre mission à des incompréhensions inévitables. Sans une préparation aux débats spirituels qui attendent les envoyés, comment réagir quand on se retrouve, par exemple, comme ça m’est arrivé à Madagascar, plongé dans une discussion sur les sorcières ?» Tout comme Éline O. il a souligné aussi la richesse des rencontres permises par la mission à laquelle il a participé, la manière dont elle avait influé durablement sur sa vision du monde, ses engagements dans la société… Quant aux «fruits de la mission» récoltés sur le plan personnel, Éline et Mahieu ont évoqué tous deux une véritable «salade de fruits» : ainsi pour Mahieu, «au niveau des fruits relationnels, je suis entré dans une dynamique de non-violence dans les relations et la communication. Au niveau professionnel, cette mission m’a incité à m’intéresser de plus près aux langues ; au niveau spirituel, certaines rencontres que j’ai faites m’ont incité à approfondir mes recherches…» Éline a souligné l’ampleur des prises de conscience qu’elle a pu faire : «J’ai pu voir en Égypte la manière dont la société était travaillée par la révolution qui venait de se produire ; faire des visites en prison et mesurer l’importance d’un système politique qui respecte les droits fondamentaux, et de ce qui se produit quand ils ne sont pas respectés… J’ai pu mesurer qu’en matière de libertés, rien n’est jamais acquis – ce qui est vrai par exemple pour les droits des femmes… Je me suis rendu compte que c’est par l’éducation qu’une société peut changer… Toutes ces choses que j’ai réalisées continuent à me travailler aujourd’hui. La voie que je suis en train de prendre, sur le plan de ma vie professionnelle, c’est la médiation socio religieuse : ce que j’ai vécu en Égypte y a certainement contribué.»
Vincent Nême-Peyron (à gauche) ; Florence Taubmann (à droite)
Changement de registre avec l’invité suivant de Florence Taubmann : Vincent Nême-Peyron, président de la Commission des ministères de l’Église protestante unie de France (EPUdF). Il a eu l’occasion de participer à un stage CPLR (un stage dans le cadre de la formation permanente des pasteurs), co-organisé au Bénin avec le Défap. Un contexte très différent de celui que connaissent les volontaires qui partent sur des missions de VSI ou de Service civique avec le Défap… et pourtant, un certain nombre de thématiques communes émergent. La question, tout d’abord, de la reconnaissance des différences culturelles et de la manière de les dépasser pour communiquer : une préoccupation évidente dans le cas d’un départ en mission à l’étranger, mais qui peut concerner également des pasteurs dans leur paroisse. Tout particulièrement dans les paroisses de grandes villes, dont la sociologie évolue et qui comportent une part croissante de paroissiens nés hors de France, et ayant grandi dans un contexte culturel et ecclésial très différent. Parmi les exemples cités par Vincent Nême-Peyron au cours de son intervention, on peut retenir ce cas d’un pasteur engagé avec des paroissiens dans un débat sur la circoncision : une pratique qu’il considérait comme un héritage de l’Ancien Testament… avant de se rendre compte que dans l’expérience de certains de ses interlocuteurs, nés en Afrique et installés depuis lors en France, la circoncision était un marqueur de la différence entre animistes et chrétiens. «Pour rendre attentifs les futurs pasteurs de l’EPUdF à ces problématiques interculturelles, a souligné Vincent Nême-Peyron, on a travaillé avec des responsables du Défap et de la Cevaa. Dès l’an prochain, on prévoit des modules de sensibilisation.»
Les deux derniers intervenants invités par Florence Taubmann à évoquer les «fruits du Défap» devant les participants de l’AG étaient des familiers de la maison : Jean-Luc Blanc, secrétaire général, et Gilles Vidal, professeur de théologie mais aussi ancien envoyé, qui a découvert la Nouvelle-Calédonie et l’EPKNC grâce au Défap. Le premier a insisté sur l’importance du Défap pour aider à mieux prendre en compte les interactions croissantes entre Églises, ou membres d’Églises, par-delà les frontières, qui posent autant de questions sur les identités de chacun et rendent nécessaire un renouveau théologique ; le second, sur l’expérience irremplaçable vécue par les envoyés eux-mêmes, mais aussi leurs enfants, littéralement devenus des «enfants du Défap». Tous deux se retrouvant sur le thème de la mémoire («non seulement la mémoire des missionnaires européens, mais la mémoire des peuples et des Églises qui font partie de l’histoire et du présent du Défap») : une richesse à préserver, irremplaçable pour mieux comprendre le présent. Et pour que les paroissiens au sein d’une même Église, mais aussi les Églises elles-mêmes, puissent se comprendre et grandir ensemble, au lieu d’entrer en dissidence ou en concurrence.