Solidarité chrétienne et appels à l’aide après les séismes en Turquie et Syrie

L’Action Chrétienne en Orient (ACO), proche partenaire du Défap, relaie les demandes d’aide des Églises de Syrie et appelle aux dons après le double séisme qui a frappé, lundi 6 février, le Sud-Est de la Turquie et une large partie du Nord de la Syrie. D’autres organismes chrétiens de solidarité internationale sont également mobilisés sur le terrain. Le nombre de victimes augmente d’heure en heure, alors que le travail des sauveteurs est considérablement gêné par les répliques qui se poursuivent et par la baisse des températures.

Image des dégâts du séisme à Alep © Presbyterian Church of Aleppo

 

« Urgence Syrie » : faites un don

 
La première secousse a eu lieu dans la nuit du dimanche 5 au lundi 6 février 2023, à 4h17 du matin : d’une magnitude de 7,8, elle a frappé le Sud-Est de la Turquie et une large partie du Nord de la Syrie – une région très exposée aux tremblements de terre. Des dizaines de répliques ont suivi, avant un nouveau séisme de magnitude 7,5 qui s’est produit neuf heures plus tard sur une faille voisine. Ce double séisme est le plus important en Turquie depuis le tremblement de terre du 17 août 1999, qui avait causé la mort de 17.000 personnes. Le tremblement de terre a aussi été ressenti au Liban et à Chypre. Selon l’institut géologique danois, la secousse a été enregistrée jusqu’au Groenland.

En dépit de la mobilisation internationale pour acheminer des secours, le bilan est terrible et s’alourdit d’heure en heure : il était de 4.300 morts et 19.000 blessés pour la Turquie et la Syrie au matin du 7 février. Un très grand nombre de victimes restent piégées sous les décombres des bâtiments effondrés. La pluie et la neige, les répliques qui se poursuivent (elles pourraient durer plusieurs jours) et la baisse des températures compliquent énormément le travail des sauveteurs. La Turquie est le pays totalisant le plus grand nombre de victimes. Mais en Syrie, ce double séisme vient s’ajouter à une situation de guerre qui gêne les opérations de secours. Les derniers bilans disponibles dans ce pays étaient les suivants mardi matin : dans la partie de la Syrie contrôlée par les forces gouvernementales, 1.431 blessés et 711 morts dans les province d’Alep, Lattaquié, Hama, Tartous ; et dans les zones sous contrôle des rebelles, au moins 733 morts et plus de 2.100 blessés, selon les Casques blancs (volontaires de la protection civile).

Syrie : tout manque après 12 ans de guerre

C’est précisément en Syrie que l’Action Chrétienne en Orient (ACO), proche partenaire du Défap, est en lien avec des communautés protestantes : le Synode Arabe (NESSL) et l’Union des Églises évangéliques arméniennes au Proche-Orient (UAECNE). Elle a lancé un appel aux dons, relayant la demande d’aide de ses deux Églises partenaires. « Les communautés et les écoles protestantes du Nord de la Syrie ont ouvert leurs locaux pour accueillir et aider des centaines de personnes en recherche de lieux sûrs et chauffés », indique le pasteur Mathieu Busch, directeur de l’ACO. « Les Églises demandent notre soutien dans les jours et les semaines à venir pour fournir de l’aide aux personnes dans le besoin : alimentation, eau potable, fuel pour produire de l’électricité et du chauffage, aide au logement. » Pour connaître les modalités de dons, en ligne ou par chèque, rendez-vous sur le site de l’ACO.

Hébergement d’urgence de familles privées de toit après le séisme © Aleppo College

« Cette nouvelle épreuve, rappelle le pasteur Mathieu Busch, survient dans un contexte économique et social désastreux lié à douze années de guerre (pénuries d’énergie, de carburant, d’eau courante, de moyens de chauffage) et en pleine saison hivernale (pluies et froid). Et tout en appelant aux dons, il souligne que « l’Action Chrétienne en Orient est en mesure de faire parvenir votre soutien rapidement à nos Églises sœurs ».

D’autres organismes chrétiens de solidarité internationale, membres notamment du collectif Asah (Association au Service de l’Action Humanitaire) dont fait partie le Défap, sont également mobilisés sur place. C’est le cas de Medair, spécialisé dans les actions d’urgence, qui intervient en Syrie, dans la région d’Alep. C’est le cas du SEL, via un partenaire local chrétien lié à l’Alliance Évangélique Libanaise. Le réseau international ADRA prépare également une aide d’urgence en Syrie, notamment de l’hébergement d’urgence.

Mathieu Bush : « Les nouvelles sont très difficiles »

« Les nouvelles de nos amis d’Alep sont très difficiles. Les répliques sismiques n’ont pas arrêté depuis la nuit dernière. Il pleut et fait très froid (et il y a peu de chauffage en raison des pénuries de fuel et d’électricité). La plupart des gens préfèrent ne pas dormir chez eux par peur d’un nouveau séisme d’ampleur et de l’effondrement possible de nouveaux immeubles. Beaucoup sont dans leurs voitures, d’autres dans des lieux publics, ou au rez-de-chaussée des habitations. Ainsi le pasteur Bchara et son épouse Houri sont réunis dans le bureau de l’Église du Christ avec une douzaine d’autres personnes qu’ils ont accueillies. Ils vont passer la nuit ensemble pour se soutenir et s’entraider, et vont peu dormir. »
« Nous les portons dans nos pensées et prières ainsi que toutes les populations et victimes de cette grande région touchée par le séisme en Turquie et en Syrie. À Alep même il y a parmi les victimes un prêtre catholique décédé sous les décombres de son logement. »
« Au Liban aussi beaucoup de personnes ont fortement ressenti le séisme et ses répliques et certains préfèrent dormir à l’extérieur, dans des stades ou autre… »

 




En communion avec l’Action Chrétienne en Orient

Les célébrations du centenaire de l’Action Chrétienne en Orient (ACO), organisme missionnaire proche du Défap et qui met en relation, depuis 1922, les communautés chrétiennes d’Occident avec celles de pays comme la Syrie, le Liban, l’Iran ou l’Égypte, vont tourner en ce début d’octobre autour de l’accueil de grands témoins internationaux, d’abord en Alsace, puis à Paris. À l’occasion du culte organisé dimanche prochain à Strasbourg, nous vous invitons à reprendre la prière d’intercession qui sera prononcée par des témoins de différents pays à l’église protestante Saint-Pierre-le-Jeune.

Mathieu Busch, pasteur et directeur de l’ACO, lors d’une animation dans une paroisse de l’UEPAL © ACO

Les célébrations du centenaire de l’Action Chrétienne en Orient (ACO) ont déjà commencé dans la région de Strasbourg, avec deux déléguées venues en avance : Houri Moubahiajian (de Syrie) et Taline Mardirossian (du Liban), de l’Union des Églises Évangéliques Arméniennes au Proche-Orient. Elles découvrent Strasbourg, l’Alsace et de nombreux lieux et acteurs de l’UEPAL. Au programme : participation à un culte missionnaire à Schillersdorf (consistoire de Pfaffenhoffen), visite du service de l’enseignement religieux et de la catéchèse, découverte de la maison protestante de la solidarité, de la Médiathèque Protestante, du musée Oberlin, de la faculté de théologie protestante, découverte de la paroisse de la Meinau, visites à Strasbourg, Colmar et autres lieux…

L’ACO reçoit à Strasbourg la Syrienne Houri Moubahiajian et la Libanaise Taline Mardirossian © ACO

Le week-end qui vient marquera le lancement officiel des célébrations, avec un premier événement organisé samedi 1er octobre au Temple Neuf qui accueillera, tout au long de l’après-midi, des tables rondes et un concert. Deux de ces tables rondes évoqueront notamment le positionnement et l’action des Églises orientales, dans des pays où se multiplient les crises : « Espérer en temps de crise » avec le pasteur libano-syrien Hadi Ghantous, et « Le travail humanitaire des Églises du Proche-Orient », avec le pasteur et théologie Wilbert van Saane de la NEST (faculté de théologie protestante de Beyrouth). Puis, le dimanche 2 octobre, débutera à 10 heures le culte du centenaire en l’église protestante Saint-Pierre-le-Jeune, en plein centre de Strasbourg.

À cette occasion, nous vous invitons à reprendre la prière d’intercession qui sera prononcée lors du culte par des témoins venus de différents pays :

Seigneur, notre Dieu, nous voulons joindre les mains pour te confier, avec espérance, les défis de notre monde et les souffrances de ceux qui luttent pour une vie digne.
Nous te prions pour l’Orient, pour tous ces pays violemment touchés par de nombreuses crises et conflits, et pour toutes ces personnes frappées par l’injustice de situations cruelles qu’elles n’ont pas choisies.
Seigneur, avec espérance nous te remettons nos frères et sœurs d’Orient.
Nous te prions pour l’Occident, pour ces pays dit développés et puissants mais qui connaissent aussi de grandes fragilités : le conflit en Ukraine, la tentation de la fermeture et du rejet de l’autre, l’inquiétude des plus défavorisés.

❝ Nous te confions tous les déplacés et les exilés de notre terre

Seigneur, avec espérance nous te confions nos frères et sœurs d’Occident.
Nous te prions pour tous ceux qui dans notre monde sont forcés de quitter leurs foyers sous le coup de la guerre, de conditions de vie dégradées, du changement climatique.
Seigneur, avec espérance nous te confions tous les déplacés et les exilés de notre terre.
Nous te prions pour notre planète bouleversée par l’impact des activités humaines qui mettent en péril l’existence de nombreuses espèces végétales et animales, la régulation du climat et les conditions de vie de millions d’êtres humains.
Seigneur, avec espérance nous te confions l’immense écosystème rempli de vie que forme notre terre.
Nous te prions pour ton Église, à la fois universelle et riche de sa diversité, pour son témoignage et son engagement en ton nom, au service de la Vie. Nous te prions pour les partenaires de notre communauté ACO, pour notre coopération et communion afin qu’elle soit toujours guidée par ton amour.
Seigneur, avec espérance nous te remettons tous ceux qui œuvrent pour la paix, la justice et la vérité.

Aide scolaire au Centre d’Action Sociale de Bourj Hammoud © ACO



Centenaire de l’ACO : à la rencontre de deux grands témoins

À l’occasion des célébrations de son centenaire, l’ACO, organisme missionnaire proche du Défap, va faire venir entre fin septembre et début octobre, à Strasbourg d’abord, puis à Paris, des invités de divers pays représentatifs de la structure internationale qu’est aujourd’hui l’ACO-fellowship. Parmi eux, deux membres de l’Union des Églises Évangéliques Arméniennes du Proche-Orient : Talin Mardirossian, libanaise, assistante sociale à Bourj Hammoud, près de Beyrouth, et Houri Moubahiajian, théologienne et catéchète en Syrie, épouse du pasteur Bchara Moussa Oghli de l’Église du Christ à Alep.

Aide scolaire au Centre d’Action Sociale de Bourj Hammoud © ACO

L’histoire de l’Action Chrétienne en Orient est faite de rencontres fortes, de relations d’amitié, de solidarité vécue dans les circonstances les plus difficiles. Elle trouve son origine dans l’action du pasteur alsacien Paul Berron, témoin direct des souffrances des Arméniens survivants du génocide turc. De là, des relations étroites nouées dès le début avec l’Église Évangélique Arménienne. Née au XIXe siècle à Constantinople au sein de l’Église Apostolique Arménienne, Église orthodoxe orientale autocéphale, elle se caractérisa dès l’origine par une volonté de retour au texte biblique, avec un accent particulier sur la doctrine du salut par la grâce en Jésus-Christ, et par des efforts de traduction de la Bible de l’arménien classique en langue moderne, afin de la rendre accessible au plus grand nombre. Un mouvement qui fut combattu par les autorités religieuses, au point qu’en 1846, tous les partisans de la réforme furent excommuniés par le Patriarche de Constantinople. À la veille du génocide de 1915, l’Église Évangélique Arménienne comptait plus de 51.000 membres, de nombreuses églises, des écoles et des instituts de théologie. Quelques années après, en 1920, il n’en restait plus que 14.000, survivants du génocide. Ces réfugiés et exilés reconstituèrent alors des Églises dans leur pays d’accueil : en Syrie, au Liban, aux États-Unis… En France, l’ACO noua des liens forts avec ces communautés arméniennes protestantes expatriées et contribua à la création de l’Union des Églises Évangéliques Arméniennes de France. Et lorsque les missionnaires européens durent pour beaucoup quitter le Proche-Orient, c’est à l’Union des Églises Évangéliques Arméniennes au Proche-Orient que l’ACO remit ses bâtiments d’Alep.

Ces relations que l’ACO s’emploie à entretenir seront prochainement incarnées par deux témoins. Il s’agit de deux femmes venues, l’une du Liban, l’autre de Syrie : Talin Mardirossian et Houri Moubahiajian.

Talin Mardirossian et le Centre d’Action Sociale de Bourj Hammoud

Au Centre d’Action Sociale de Bourj Hammoud © ACO

Des adolescentes studieusement penchées sur leur table de travail, entre cartables et trousses : l’image que vous pouvez voir en ouverture de cet article pourrait évoquer une salle d’étude dans un collège en France. À ceci près qu’elle a été prise à Bourj Hammoud, dans la banlieue de Beyrouth ; et cette scène de vie ordinaire est déjà une victoire de la vie et de la solidarité.

Bourj Hammoud, avec ses 150.000 habitants, est en quelque sorte le « quartier arménien » de Beyrouth. C’est une banlieue qui s’est développée avec l’arrivée des premiers Arméniens survivants du génocide de 1915 ; c’était auparavant une zone de marécages. Les rescapés du génocide qui n’avaient pas disparu lors de la marche de la mort dans Deir ez-Zor ont d’abord obtenu le droit d’y construire des cabanes. Puis les cabanes sont devenues des maisons. Aujourd’hui, comme toute la capitale libanaise et ses banlieue, c’est devenu une zone urbaine densément construite et densément peuplée.

C’est à Bourj Hammoud que l’Union des Églises Évangéliques Arméniennes du Proche-Orient soutient un centre d’action sociale, le « SAC » (Social Action Committee). Son rôle est crucial dans un quartier qui reste largement défavorisé, avec de nombreux besoins sur les plans sociaux, éducatifs et sanitaires. Et qui a vécu depuis plus de dix ans les contrecoups successifs des crises que connaît la région : l’arrivée de réfugiés syriens en 2011 ; la crise économique qui a fait plonger une grande partie de la population libanaise sous le seuil de pauvreté à partir de 2019 ; les conséquences de la pandémie de Covid-19 ; l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020, qui a été comme le coup de grâce pour une société libanaise à bout de souffle… Aujourd’hui, les habitants de Bourj Hammoud, ce « quartier arménien » de Beyrouth, vivent pour beaucoup dans la plus grande précarité : personnes âgées sans retraite, familles sans ressources pour financer le quotidien et les soins de santé… Et le « SAC » apporte aide sociale, soutien financier pour les soins, aide au logement, aide éducative, accueil et soutien aux réfugiés syriens.
Le SAC est directement soutenu par l’ACO Fellowship pour ses actions de solidarité. Il fonctionne grâce à des bénévoles encadrés par deux assistantes sociales : Lena Danaoghlian, la directrice, et Talin Mardirossian.

C’est cette dernière qui pourra témoigner, à Strasbourg d’abord, puis à Paris, de ce qui se vit au quotidien au Centre d’Action Sociale de Bourj Hammoud. Le « SAC » a été un des bénéficiaires des collectes spéciales menées par l’ACO après l’explosion du port de Beyrouth. Son action est également reconnue par la Fondation du Protestantisme.

Houri Moubahiajian et l’Église du Christ à Alep

Un quartier détruit par la guerre à Alep © ACO

Houri Moubahiajian est syrienne, professeure de religion à Alep. Elle est l’épouse du pasteur Bchara Moussa Oghli de l’Église du Christ, paroisse protestante arménienne d’Alep, en Syrie. Il faut savoir que cette Église est en fait directement issue du centre missionnaire de l’Action Chrétienne en Orient, qui avait été créé pour apporter un soutien tout à la fois matériel et spirituel aux Arméniens rescapés du génocide de 1915 et qui venaient s’entasser par milliers dans des camps misérables aux portes d’Alep.

Malgré la guerre civile, le pasteur Bchara Moussa Oghli a poursuivi son ministère sur place. Et en pleine guerre, l’Église du Christ a choisi de continuer à assumer son rôle d’Église, en dépit des risques encourus par tous. Avec une volonté de confiance, un amour du prochain et une spontanéité qui s’opposaient aux mécaniques de la division et de la guerre qui étaient à l’œuvre à travers la Syrie. Comme l’écrivait en mai dernier le pasteur Bchara Moussa Oghli : « D’habitude, quand les choses se passent bien dans tel ou tel domaine et après qu’une analyse et une planification ont été faites en amont, le mérite en revient à ceux qui ont fait cette analyse et cette planification. C’est tout à fait vrai dans le cas du Génocide de 1915. Le Génocide a été catastrophiquement bien planifié, brutalement exécuté et douloureusement efficace.
Quant à une société missionnaire comme l’Action Chrétienne, venue en Orient pour aider les survivants de ce Génocide, qui pourrait revendiquer un quelconque crédit pour une planification préalable ? Ce n’était dans les rêves de personne de la mission, pas seulement dans ses premiers pas, mais aussi dans les étapes précédant la vie missionnaire. Au contraire, la plupart du temps, il s’agissait de réactions spontanées de personnes engagées qui, dans des circonstances exceptionnelles, avaient pour seul but de laisser : « … l’amour chrétien et la charité… intervenir pour soigner quelque peu les blessures. »
On pourrait en dire autant de l’agression de la Syrie à la mi-mars 2011, près d’un siècle après le Génocide. Car cette agression avait aussi été catastrophiquement bien planifiée, brutalement exécutée et douloureusement efficace. Quant à l’Église du Christ à Alep, elle a réagi de façon candide et a résisté au travers des gens qui la servaient lorsque cette agression écrasante s’est installée, ils ne comptaient que sur Dieu. Il était absolument vital que l’Église du Christ à Alep n’ait aucune stratégie ou programme à long terme et puisse s’engager pleinement dans ses ministères quotidiens habituels. »

Le programme des rencontres

Talin Mardirossian et Houri Moubahiajian seront reçues par l’ACO fin septembre à Strasbourg pour prendre part à diverses rencontres : participation à un culte mission à Schillersdorf (consistoire de Pfaffenhoffen), visite du service de l’enseignement religieux et de la catéchèse, découverte de la SEMIS, de la Médiathèque Protestante, visites à Strasbourg, Colmar et autres lieux… Cet échange est réalisé dans le cadre de l’ACO Fellowship, la structure internationale de l’Action Chrétienne en Orient, et fait suite à un premier voyage qui avait vu l’accueil de la pasteure Petra Magne de la Croix et de M. Éric Faure au Liban et en Syrie en 2019. Taline et Houri rejoindront ensuite les nombreux délégués qui viendront à Strasbourg, puis à Paris, pour les rencontres du Centenaire de l’ACO.




Cent ans d’espérance : de l’ACO à l’ACO-Fellowship

1922-2022 : voilà un siècle que l’Action Chrétienne en Orient construit des ponts entre les Églises protestantes de France et du Proche-Orient. À l’occasion des célébrations organisées en ce mois d’octobre à Strasbourg et Paris, petit retour sur l’histoire de cette œuvre missionnaire créée par un pasteur alsacien témoin du génocide arménien, Paul Berron.

Les guerres ne détruisent pas seulement les vies et les villes ; elles ravagent les mémoires. Elles effacent les patrimoines, les cultures. Elles redessinent les contours de l’histoire des peuples. Parler de Syrie aujourd’hui, c’est évoquer un pays exsangue où la guerre est tout sauf finie ; parler du Liban, c’est évoquer la chute vertigineuse de toute une société, emportée dans une crise sans fin… Dans tous ces pays, les chrétiens, minoritaires, sont parmi les communautés les plus fragiles, les plus exposées. Que l’on regarde à l’est de la Méditerranée et les chrétiens semblent être, soit oubliés, soit confinés au rôle de victimes. On finirait par oublier que c’est précisément là que le christianisme est né ; que quittant le berceau de Jérusalem, il a atteint aussitôt la Syrie. C’est sur la route de Damas que Paul fut aveuglé par la révélation de Christ… Le christianisme s’est ainsi diffusé dans tout le Proche-Orient : en Égypte, au Liban, en Jordanie, en Irak.

Et si les chrétiens d’Orient ont été souvent victimes de discriminations et de violences, ils représentent encore aujourd’hui des communautés vivantes et dont la présence aide au vivre ensemble. Or au début du XXème siècle, au Moyen-Orient, un habitant sur quatre était chrétien ; ils ne sont plus désormais que 11 millions parmi 320 millions de musulmans (soit un sur 30), partout contraints de chercher la protection des pouvoirs en place pour continuer à exister. Et au sein de cette minorité, les Églises protestantes, avec lesquelles l’Action Chrétienne en Orient (ACO) est en lien, représentent elles-mêmes un tout petit nombre. « Pour autant, souligne l’ACO, les Églises protestantes que nous soutenons au Moyen-Orient rayonnent par leur témoignage vécu au nom de l’Évangile, par leurs œuvres éducatives et sociales, par leurs convictions pacifiques et critiques, par leur souci des relations œcuméniques entre Églises, par leur dialogue avec l’Islam et les minorités religieuses de la région. »

1922 – 2022 : d’une ère de crises à l’autre

Étrangement, c’est donc dans un contexte bien proche de celui qui existait lors de sa création, en 1922, qu’est célébré en cette année 2022 le centième anniversaire de l’ACO. Comme en 1922, le Proche-Orient est en ébullition, victime de crises conjuguant guerres civiles, bouleversements politiques et pandémie de Covid-19. Les réfugiés de Syrie, déjà indésirables en Europe, sont de plus en plus mal accueillis au Liban, en Turquie et en Jordanie.

Syrie : la renaissance de la paroisse de Kharaba © ACO

Il est vrai que depuis son origine, l’Action Chrétienne en Orient est marquée par l’aide d’urgence. À sa création, elle avait pour but de secourir les populations arméniennes victimes des exactions turques. Son fondateur, le pasteur Paul Berron, décrit dans « Souvenirs des jours sombres » (L’Harmattan) ce qu’il a vu et vécu à partir de 1916 au contact de ces réfugiés, tout en dénonçant la « politique d’extermination » alors mise en œuvre par les autorités turques. Alsacien, donc citoyen allemand avant la Première Guerre mondiale, il avait été envoyé comme aumônier en Syrie et dans la région pour établir et superviser des foyers du soldat. La guerre finie et l’Alsace réintégrée à la France, ce même pasteur Berron, devenu de fait citoyen français, put ainsi passer outre l’interdiction qui frappait les œuvres missionnaires allemandes et créa l’Action Chrétienne en Orient.

Elle vit officiellement le jour le 6 décembre 1922, lors d’une Assemblée Générale fondatrice qui réunissait 23 membres des Églises protestantes d’Alsace. L’ACO à peine née envoya aussitôt ses premières missionnaires, Hedwige Büll et Alice Humber-Droz, à Alep pour apporter une aide humanitaire, mais aussi spirituelle aux Arméniens survivants du génocide et réfugiés dans de vastes camps aux portes de la ville, dans cette Syrie que la Société des Nations avait confiée à la France pour la mener à l’indépendance. L’appel à l’aide d’un évangéliste arménien relayé par le premier bulletin de l’ACO donne une idée de l’ampleur de la crise humanitaire dans ces camps : « 300 familles viennent d’arriver. Il ne leur reste presque plus rien après leur long voyage. Alep et la campagne syrienne voient le spectacle émouvant de ces pauvres gens qui affluent. Nous sommes submergés de travail. » Rapidement, d’autres missionnaires rejoignirent les deux envoyées de l’ACO, qui embaucha aussi des collaborateurs locaux. Et en France même, l’ACO fut bientôt sollicitée pour venir en aide aux Arméniens réfugiés, particulièrement nombreux à Marseille et regroupés aussi dans des camps. D’où des relations tissées avec les communautés évangéliques arméniennes, qui devaient durer des années.

Le choc de la Deuxième Guerre mondiale et de la décolonisation

En 1939, l’ACO gérait ainsi douze missionnaires au Proche-Orient et finançait onze postes en France. Grâce aux paroisses protestantes alsaciennes, mais aussi grâce à des comités néerlandais et suisses, l’ACO a rapidement étendu son œuvre et touché aussi bien les personnes de culture arménienne que de langue arabe et assyrienne, en Syrie mais également au Liban puis plus tard en Iran. En conjuguant toujours action humanitaire et témoignage de l’Évangile.

Méconnu, mais actif : le synode d’Iran regroupe les différentes communautés issues de la mission presbytérienne, avec plusieurs paroisses à Téhéran, ainsi que dans plusieurs villes du Nord-Ouest comme Ourmia © Albert Huber pour l’ACO

La Deuxième Guerre mondiale, puis la décolonisation devaient marquer un changement d’ère et forcer l’ACO à s’adapter. De nombreux missionnaires durent quitter la région. L’ACO poursuivit le financement de son centre à Alep et des paroisses en Mésopotamie. Les bâtiments d’Alep furent remis entre les mains de l’Union des Églises Évangéliques Arméniennes au Proche-Orient. Les propriétés immobilières des Églises Assyriennes et Arabes en Mésopotamie furent inscrites au nom du Synode Arabe. Les missionnaires de l’ACO étaient désormais surtout présents au Liban.

Autant de changements qui annonçaient une mue plus profonde. Mais l’ACO y était préparée : à la différence de la plupart des organisations missionnaires de l’époque, l’ACO n’était pas une mission nationale, mais son organisation, ses fonds, ses partisans, les membres de son conseil d’administration et ses missionnaires provenaient de divers pays européens. Si elle était née en France, au sein des Églises protestantes alsaciennes, d’autres pays y étaient actifs comme la Suisse et les Pays-Bas ; et des soutiens et des missionnaires provenaient d’Estonie, d’Allemagne, du Royaume-Uni… Il fallut toutefois attendre 1995 pour que la mue se concrétise, et que l’ACO devienne une organisation internationale, s’inspirant en cela de l’exemple de la Cevaa (communauté d’Églises en mission, issue, comme le Défap, de la Société des Missions Évangéliques de Paris). L’ACO devint ainsi l’ACO-Fellowship, une Communion d’Églises et d’organismes missionnaires.

Aujourd’hui, grâce à de nombreux partenariats, l’ACO soutient des projets très variés dans les domaines de l’éducation, du social, de la santé, de la solidarité en contexte de crise, de la résolution des conflits, de la formation théologique, de la vie d’Église au sein de communautés locales. Et parmi ces partenariats, il y a le Défap. Au cours des dernières années, l’ACO a eu l’occasion de collaborer de manière quasi quotidienne avec le Service Protestant de Mission, notamment pour l’envoi de volontaires, au Liban, en Égypte…

Soutien à des migrants chrétiens aux Pays-Bas avec l’organisme GZB © ACO



Centenaire de l’ACO : le programme des célébrations

Rencontres à Strasbourg et Paris en présence d’invités de l’ACO-fellowship venus de différents pays, exposition itinérante et en ligne, publication d’un cycle de conférences : voici ce qu’a préparé pour célébrer son centenaire l’Action Chrétienne en Orient, l’un des proches partenaires du Défap spécialisé dans les relations avec les communautés chrétiennes de pays comme le Liban, l’Iran, l’Irak ou la Syrie. Ce mois d’octobre sera marqué par une série d’événements, en attendant un camp de jeunes international prévu pour l’été 2023, et une rencontre du Centenaire à Alep en octobre 2023.

Mathieu Busch, directeur de l’ACO, lors d’une animation missionnaire dans une paroisse de l’UEPAL © ACO

1) Octobre 2022 : les événements du Centenaire à Strasbourg et Paris

Des délégations des membres de l’ACO viendront de différents pays : Liban, Syrie, Iran, Égypte, Suisse, Pays-Bas, États-Unis.
Des Églises, institutions et organismes missionnaires protestants français seront représentés.
La rencontre est conçue comme un temps de partage avec le plus grand nombre (les interventions en anglais seront traduites).

    A) Programme à Strasbourg

Entrée libre à tous les événements.

Samedi 1er octobre en l’église du Temple Neuf (place du Temple Neuf, centre de Strasbourg) :

  • 14h-14h45 Ouverture officielle
  • 15-16h15 Choix entre deux tables rondes :
    « Espérer en temps de crise » avec Hadi Ghantous, pasteur au Liban et en Syrie
    « L’Eglise d’Iran en exil » avec Hendrik Shanazarian, pasteur exilé aux Etats-Unis
  • 16h30-17h45 Choix entre deux tables rondes :
    « Le travail humanitaire des Eglises du Proche-Orient » avec Wilbert van Saane, professeur de théologie à Beyrouth
    « L’impact des crises du Proche-Orient sur la situation des femmes » avec Mona Kiwan, médecin-épidémiologiste pour les Nations Unies
  • 20h30-21h30 Concert au Temple Neuf : « Entre Orient et Occident » (entrée libre, plateau à la sortie)

Dimanche 2 Octobre à 10h : Culte du Centenaire en l’église protestante St-Pierre-le-Jeune (place St-Pierre-le-Jeune, centre de Strasbourg)

    B) Programme à Paris

La délégation internationale rencontrera différents acteurs du protestantisme : Fédération Protestante de France, Défap, Institut Protestant de Théologie… L’ACO Fellowship tiendra également son assemblée générale. Deux moments sont proposés à tout public :

1) Une table-ronde le jeudi 6 octobre, à 19h30, à la paroisse de l’Oratoire du Louvre (EPUdF) :

Cette rencontre est organisée en collaboration avec le journal Réforme et a pour titre : « Rencontre avec deux pasteurs témoins des crises du Proche-Orient ». En présence de Salam Hanna, pasteur à Lattaquié en Syrie, et de Sebouh Terzian, directeur du CAHL (maison de retraite et de soins) à Bourj Hammoud, près de Beyrouth au Liban.

2) Dimanche 9 octobre, 11h, culte national de l’UEEAF (Union des Eglises Evangéliques Arméniennes de France) à Issy-les-Moulineaux

Culte en présence de la délégation de l’ACO, en l’église évangélique arménienne d’Issy-les-Moulineaux, 28 avenue Bourgain.

2) L’exposition du Centenaire « Mémoires d’Espérance »

L’exposition a pour objectif de faire découvrir l’histoire, l’originalité et l’actualité de l’Action Chrétienne en Orient. Elle existe sous plusieurs formats :

Un aperçu de la version en ligne de l’exposition © ACO

1) 12 panneaux « roll-up » (2 mètres de hauteur, 1 mètre de largeur). Elle est empruntable en paroisse ou dans des lieux d’Eglise et peut servir d’outil d’animation missionnaire.

L’exposition se trouve au siège de l’ACO à Strasbourg et ne peut être transportée qu’à l’aide d’un véhicule (pas d’envoi par la poste). Elle est généralement utilisée en Alsace et en Moselle. N’hésitez pas à contacter le secrétariat de l’ACO pour toute demande.

2) L’exposition est disponible également en ligne sur le site de l’ACO, en 11 chapitres : rendez-vous sur cette page. Elle existe aussi en anglais : ACO Centenary Exhibition in English here !

3) Les conférences organisées par l’Université Haigazian de Beyrouth, les 28 et 29 janvier 2021.

Un aperçu des enregistrements des conférences disponibles en ligne © ACO

Les conférences ont porté sur les missions européennes et les Eglises protestantes au Moyen-Orient au XXème siècle. Elles ont été délivrées en visioconférence et en anglais. Vous pouvez les revoir en allant sur la page suivante. La revue Transformation (Oxford Centre for Mission Studies) a publié ces contributions en 2022.

4) Un camp de jeunes international est prévu pour l’été 2023.

Ce camp pour jeunes adultes réunira des libanais, syriens, iraniens, suisses, néerlandais et français.

5) Une rencontre du Centenaire à Alep en octobre 2023 : en préparation !




Centenaire de l’ACO : «La mission de l’Église, c’est d’espérer au milieu des crises»

Jusqu’au début du mois d’octobre, qui marquera une série d’événements organisés dans le cadre du centenaire de l’Action Chrétienne en Orient, le site du Défap revient à travers une série d’articles sur l’odyssée à la fois humaine et spirituelle de cet organisme missionnaire qui fait le lien entre chrétiens d’Occident et chrétiens d’Orient. En dépit des crises, des guerres, des distances géographiques et culturelles, il y a toujours moyen de se comprendre et de poursuivre cette odyssée commune, inaugurée en 1922 par Paul Berron. Cette semaine, entretien avec Mathieu Busch, directeur de l’ACO depuis 2018 et secrétaire général de l’ACO Fellowship, la structure internationale de l’ACO qui réunit six partenaires européens et orientaux.

Mathieu Busch, directeur de l’ACO depuis 2018 et secrétaire général de l’ACO Fellowship © ACO

Guerres et déportations, éloignement géographique et culturel, tentatives d’instrumentalisation des minorités par diverses grandes puissances : les relations entre chrétiens européens et orientaux se heurtent depuis toujours à des obstacles puissants. C’était déjà le cas à la naissance de l’ACO, lorsque le pasteur Paul Berron a voulu agir face aux persécutions touchant les Arméniens de l’empire ottoman. Ça l’est encore aujourd’hui… Comment l’Action Chrétienne en Orient parvient-elle à éviter ces écueils ?

Mathieu Busch : Il est vrai que ce qui concerne les relations avec les chrétiens d’Orient s’inscrit toujours dans un contexte qui peut devenir facilement très politisé, et que ces relations courent fréquemment le risque d’être instrumentalisées. Il y a un véritable jeu politique autour du sort des chrétiens d’Orient, qui seront facilement présentés comme une minorité en butte aux persécutions. Et selon les pays, on sera tenté de choisir « ses » victimes à défendre : du côté français par exemple, il existe des liens très forts entre les missionnaires catholiques et certaines Églises orientales rattachées au catholicisme, comme les chaldéens. Ce qui explique que la France, fille aînée de l’Église (et en dépit de sa laïcité affirmée) ait toujours à cœur de défendre ces minorités. Côté russe en revanche, c’est plutôt le sort des Églises orthodoxes qui suscitera la mobilisation. Et au-delà de ces préférences culturelles en fonction des pays, il y a aussi des organismes missionnaires qui sont tentés de rester dans le discours de victimisation. Mais il faut bien être conscient que si l’on choisit d’assigner aux chrétiens d’Orient ce statut de victime, on les condamne à rester victimes : on ne pourra pas en sortir. Soyons conscients tout de même que dans les pays dont il est question – Liban, Syrie, Iran – c’est l’ensemble de la population qui subit régulièrement des catastrophes : ça ne concerne pas les seuls chrétiens. Et ce que subissent les chrétiens libanais ou syriens est plus souvent dû à leur nationalité qu’à leur religion.

L’avantage au sein de l’Action Chrétienne en Orient, c’est qu’il s’agit d’une petite organisation : nous avons la chance de nous connaître personnellement. Le fait que des protestants de France, minoritaires dans leur pays, entretiennent ainsi des relations avec des protestants d’Orient, eux-mêmes minoritaires parmi les chrétiens de Syrie ou du Liban, permet de s’affranchir quelque peu des tensions de ces jeux géopolitiques. On peut se permettre d’avoir des relations fraternelles, très proches. On connaît chaque délégué des différentes Églises du Proche-Orient. En outre, il existe une entité internationale autour de l’ACO – l’ACO-fellowship, qui regroupe une demi-douzaine de partenaires liés à l’Action Chrétienne en Orient, au sein de laquelle tous les organismes siègent sur un pied d’égalité. C’est un aspect important : ce terme de « fellowship » n’a pas été choisi au hasard, il renvoie aussi bien à la dimension communautaire qu’à la fraternité humaine (un « fellow », en anglais, c’est un ami, un compagnon).

Alors, bien sûr, on ne peut s’affranchir complètement de ce contexte politique chargé ; mais on peut facilement en faire abstraction pour mener des projets en commun. Même si l’on sait qu’un protestant français et un protestant syrien auront probablement des points de vue très différents sur la guerre en Syrie, il reste toujours possible d’en discuter, d’entendre le point de vue de l’autre et surtout, de rester unis dans une dimension communautaire, par des prières, des cultes, des projets de solidarité.

Justement, parlons de ces projets…

Ils sont très variés et touchent différents domaines : du social, du paroissial (il peut s’agir d’aider à construire des bâtiments paroissiaux, par exemple) ; de la formation (notamment théologique, mais pas seulement) ; de l’éducation, du sanitaire, de l’humanitaire… L’ACO permet aussi des échanges de groupes de jeunes ou d’adultes. À travers toute cette diversité, on peut voir que l’ACO s’implique à la fois dans des projets qui touchent directement à la vie des Églises, et à travers des projets destinés à aider des populations dans le besoin. Et ces deux aspects sont importants : il est bien sûr crucial de répondre aux besoins les plus criants dans des situations de conflit ou de crise humanitaire. Pour cela, l’ACO s’implique dans des projets d’aide d’urgence, ou bien dans des institutions sociales et éducatives où tout le monde sera accueilli sans distinction de religion. Mais l’Église ne doit pas se résoudre à être seulement une ONG, même si la diaconie est très importante. Il est important pour l’ACO d’aider ces Églises à survivre en tant que communautés, à rester dans l’espérance ; et il est important que la diaconie soit aussi une forme de témoignage, qui permette à l’Église de continuer à rayonner dans la société.

Ces divers projets que l’ACO accompagne viennent de nos partenaires. Ils sont nés des situations de crise que connaissent les divers pays avec lesquels nous sommes en lien, mais sont aussi le reflet de la manière d’être Église ensemble de nos divers partenaires, de leur théologie… Il y a donc des projets spécifiquement d’aide sociale ou humanitaire, mais aussi des sessions de formation théologique (portant sur des thèmes comme : comment être Église dans un contexte minoritaire, par exemple) ; des temps de retraite, des temps de formation – autant de choses qui sont aussi essentielles à la respiration et à la vie de l’Église.

A Mashta el-Helou en Syrie, en 2019 : les membres de l’ACO Fellowship visitent la diaspora protestante
syrienne évacuée dans la région pour se mettre à l’abri des zones en guerre. © ACO

Quel avenir envisager pour les chrétiens d’Orient, qui de crise en guerre, sont de moins en moins nombreux ?

C’est une question qui m’est posée très régulièrement. Aussi, plutôt que d’y répondre moi-même, je voudrais relayer ce que, eux, répondent : « si on ne se focalise que sur notre survie immédiate, et pas sur des actions porteuses d’espérance, on est déjà mort ». Dans les diverses crises qu’ils traversent, les partenaires de l’ACO ne voient pas de solution humaine. Il n’y a aucun horizon donné par les divers gouvernements, qui sont eux-mêmes soumis à la corruption, au clientélisme, voire même qui peuvent s’inscrire (c’est le cas en Iran) dans un système plus ou moins totalitaire où toutes les institutions normales se retrouvent doublées par des institutions occultes liées au régime en place. Mais quand on ne peut pas être, à vue humaine, acteur du changement global, cela n’empêche pas d’avoir des actions qui aient du sens et soient porteuses d’espérance. Leur vision, c’est de vivre leur vie d’Église, en s’appuyant sur leur espérance en Dieu, et en se disant que Dieu les appelle à agir dans les situations auxquelles ils sont confrontés. Dans cette perspective, beaucoup de grands récits bibliques sont très parlants pour eux : tous ces passages de la mort à la vie, du désespoir à l’espérance, leur parlent beaucoup. La Bible est aussi un livre qui a été écrit à travers des crises, et dont de nombreux passages répondent à des situations de crise.

La mission de l’Église, c’est d’espérer au milieu des crises ; et si nous ne voyons pas de solution qui se dessine à notre niveau, nous sommes néanmoins appelés à être dans l’action ; à « espérer contre toute espérance ». Et cette espérance, elle doit se vivre aussi dans les relations qu’on met en place, dans la vie communautaire, dans le partage de la parole.

Quel sens donner aux célébrations du centenaire de l’ACO dans ce contexte ?

C’est tout d’abord un temps de reconnaissance pour tout ce qui a été vécu et accompli pendant un siècle. C’était une demande forte exprimée par nos partenaires. On ne mesure pas toujours très bien en France l’impact qu’a eu l’action de l’ACO, par exemple, auprès de la communauté arménienne, et le souvenir chargé d’émotion qui en perdure encore aujourd’hui. Il y a une reconnaissance qui s’est transmise au fil des générations dans la communauté arménienne, et l’on peut encore aujourd’hui, à travers l’ACO, rencontrer des descendants d’Arméniens déportés qui nous tiennent des discours très touchants, en nous disant : « Nos grands-parents ont pu survivre grâce à l’ACO, vous avez contribué à ce que nous puissions reconstruire nos vie… » Aujourd’hui bien sûr, cette question de l’aide et de l’accueil des réfugiés est toujours bien présente au sein de l’ACO, mais elle a pris d’autres formes.

Ensuite, ce centenaire, c’est bien sûr une manière de faire davantage connaître l’ACO ; non seulement son histoire, mais aussi ses actions et ses projets. Les célébrations comportant ces deux volets, l’un rétrospectif (avec une série de conférences sur l’histoire de l’ACO, qui ont eu lieu début 2021 ; avec une exposition) et l’autre plus tourné vers le présent et l’avenir, avec une série de tables rondes, et un numéro de notre revue, Le Levant – Morgenland, consacré aux enjeux que connaît ou va connaître la région du Proche-Orient. Ce centenaire, c’est donc aussi l’occasion de dire ce qu’est l’ACO aujourd’hui, et ce que l’on peut espérer pour demain.

Finalement, le mot clé de ce centenaire, c’est l’espérance. C’est d’ailleurs ce qui a présidé au choix du titre de notre numéro du Levant : Un avenir d’espérance. L’espérance, c’est ce qui nous anime quand nous nous retrouvons entre chrétiens de différents pays au sein de l’ACO : les gens sont toujours heureux d’être ainsi ensemble, même s’ils viennent de régions du monde qui connaissent des situations terribles, parce qu’ils partagent des choses essentielles. Quand on ne fait que décrire les crises, on se retrouve plombé, incapable d’agir. L’espérance, c’est ce qui permet d’éviter le fatalisme.

Et quelles sont vos relations avec le Défap ?

Des relations d’une grande proximité. Une coopération transparente, fraternelle. Elle se focalise surtout sur les questions liées aux envois de personnes. D’ailleurs, je fais précisément partie de la CEP (la Commission échange de personnes) du Défap. Nous apprécions aussi beaucoup la formation au départ dispensée par le Défap, la manière dont est assuré le suivi des envoyés : le Défap est ainsi un vis-à-vis important de l’ACO pour l’envoi de personnes en Égypte. Nous travaillons aussi en ce moment à la possibilité d’accueillir en France un groupe d’Égyptiennes venues du Caire. Nous avons d’ailleurs aussi des relations très proches avec DM en Suisse, qui consacre sa campagne d’automne à l’ACO. Dans le monde missionnaire protestant francophone, nous avons tous besoin d’être dans la proximité et l’échange de bonnes pratiques.

Propos recueillis par Franck Lefebvre-Billiez




Centenaire de l’ACO : rendez-vous début octobre à Strasbourg et Paris

Rencontres et tables rondes, concert et cultes rythmeront début octobre les célébrations du centenaire de l’Action Chrétienne en Orient : tant à Strasbourg qu’à Paris, elles seront ouvertes à tous, afin de permettre au plus grand nombre de mieux connaître cette œuvre missionnaire qui, depuis 1922, construit des ponts entre les Églises protestantes de France et du Proche-Orient.

Image de l’exposition réalisée pour les 100 ans de l’Action Chrétienne en Orient © ACO

Garder le passé présent à l’esprit, tout en ayant les yeux tournés vers l’avenir : c’est le défi des célébrations du centenaire de l’ACO, l’Action Chrétienne en Orient, œuvre missionnaire née au sein des Églises protestantes de l’Est de la France et qui entretient, depuis 1922, des liens à la fois spirituels et de soutien matériel avec les chrétiens d’Orient. Cette volonté d’inscrire cet anniversaire dans le temps long est visible tout d’abord à travers sa publication annuelle, Le Levant – Morgenland, dont le numéro 110, titré Mémoires d’espérance, revenait sur l’odyssée de l’ACO depuis sa création, tandis que le numéro 111, titré Un avenir d’espérance, envisage les évolutions et les défis auxquels seront confrontés au cours des prochaines années ses partenaires orientaux. Autre particularité de cet anniversaire, il s’étale sur trois ans, avec des événements prenant place aussi bien en Europe qu’au Moyen-Orient.

Pour ce mois d’octobre 2022, les célébrations auront lieu successivement à Strasbourg et à Paris. Les 1er et 2 octobre, rendez-vous le samedi à l’église du Temple Neuf à Strasbourg, pour des tables rondes et un concert. Des délégations des membres de l’ACO de différents pays (Liban, Syrie, Iran, Égypte, Suisse, Pays-Bas, États-Unis) seront présentes pour ces rencontres ouvertes à tous. Le dimanche, rendez-vous à l’église protestante St-Pierre-le-Jeune pour participer au culte du Centenaire. Puis, à partir du 4 octobre, les célébrations se déplaceront à Paris : les invités de l’ACO seront tout d’abord reçus au Défap et y rencontreront toute l’équipe. Une table-ronde est ensuite programmée le jeudi 6 octobre, à 19h30, à la paroisse de l’Oratoire du Louvre ; et le dimanche 9 octobre, à 11h, la délégation de l’ACO assistera au culte national de l’UEEAF (Union des Églises Évangéliques Arméniennes de France) à l’église évangélique arménienne d’Issy-les-Moulineaux.

Avant cela, l’ACO avait déjà organisé, début 2021, une série de conférences à distance avec l’Université Haigazian de Beyrouth, portant sur les missions européennes et les Églises protestantes au Moyen-Orient au XXème siècle. Et pour l’année 2023 sont prévus un camp international de jeunes ainsi qu’une rencontre du Centenaire à Alep. Pour en savoir plus sur ce qui a été mis en place à l’occasion de cet anniversaire, vous pouvez vous référer à l’encadré en bas de cet article. Et au cours des prochaines semaines, le site du Défap aura l’occasion de vous en dire davantage, notamment en faisant le point sur le programme des célébrations et en donnant la parole à des membres de l’ACO.

Minoritaires au sein de la minorité chrétienne

Les membres du comité exécutif de l’ACO Fellowship (réseau international constitué autour de l’ACO) en 2011 au Liban. © ACO

Les chrétiens d’Orient ont été souvent victimes de discriminations et de violences, mais ils représentent encore aujourd’hui des communautés vivantes et dont la présence aide au vivre ensemble. Or au début du XXème siècle, au Moyen-Orient, un habitant sur quatre était chrétien ; ils ne sont plus désormais que 11 millions parmi 320 millions de musulmans (soit un sur 30), partout minoritaires et contraints de chercher la protection des pouvoirs en place pour continuer à exister. Et au sein de cette minorité, les Églises protestantes, avec lesquelles l’ACO est en lien, représentent elles-mêmes un tout petit nombre. « Minoritaires au sein de la minorité chrétienne composée d’Églises traditionnelles orientales, orthodoxes et catholiques », souligne l’ACO, « leur environnement est marqué par l’Islam avec ses différents courants théologiques et ses résonances sociales et politiques. Leur contexte est celui d’une région du monde secouée par des crises géopolitiques aux enjeux divers et complexes, où les puissances régionales et occidentales confrontent leurs intérêts. Pour autant les Églises protestantes que nous soutenons au Moyen-Orient rayonnent par leur témoignage vécu au nom de l’Évangile, par leurs œuvres éducatives et sociales, par leurs convictions pacifiques et critiques, par leur souci des relations œcuméniques entre Églises, par leur dialogue avec l’Islam et les minorités religieuses de la région ».

L’école protestante du Synode Arabe à Tripoli au nord du Liban © ACO

À sa création en 1922, l’ACO avait pour but de secourir les populations arméniennes victimes des exactions turques. Son fondateur, le pasteur Paul Berron, décrit dans Souvenirs des jours sombres (L’Harmattan) ce qu’il a vu et vécu à partir de 1916 au contact de ces réfugiés, tout en dénonçant la « politique d’extermination » alors mise en œuvre par les autorités turques. Alsacien, donc citoyen allemand avant la Première Guerre mondiale, il avait été envoyé comme aumônier en Syrie et dans la région pour établir et superviser des foyers du soldat. La guerre finie et l’Alsace réintégrée à la France, ce même pasteur Berron, devenu de fait citoyen français, put ainsi passer outre l’interdiction qui frappait les œuvres missionnaires allemandes et créa l’Action Chrétienne en Orient.

De la Syrie au Liban, puis à l’Iran

Grâce aux paroisses protestantes alsaciennes, mais aussi grâce à des comités néerlandais et suisses, l’ACO a rapidement étendu son œuvre et touché aussi bien les personnes de culture arménienne que de langue arabe et assyrienne, en Syrie mais également au Liban puis plus tard en Iran. Aujourd’hui, grâce à de nombreux partenariats, l’ACO soutient des projets très variés dans les domaines de l’éducation, du social, de la santé, de la solidarité en contexte de crise, de la résolution des conflits, de la formation théologique, de la vie d’Église au sein de communautés locales.

Parmi ces partenariats, il y a le Défap. Au cours des dernières années, l’ACO a eu l’occasion de collaborer de manière quasi quotidienne avec le Service Protestant de Mission, notamment pour l’envoi de volontaires, au Liban, en Égypte… Dans ce pays par exemple, le Défap a assuré le suivi des envoyés de l’ACO en lien avec les Églises protestantes locales, dans le cadre de la plate-forme Moyen-Orient. Il s’agissait de missions d’enseignement (soutien scolaire, apprentissage de l’expression française), mais au-delà, d’une expérimentation quotidienne du « vivre ensemble » propre à faire mentir ceux qui prêchent la violence entre les communautés. Comme le racontait une ancienne envoyée, décrivant l’école où elle travaillait : « Chrétiens et musulmans se côtoient dans le corps enseignants et chez les élèves (…) Dans cette société égyptienne fragmentée c’est, d’après moi, une bénédiction ! »




Centenaire de l’ACO : un cycle de conférences à Beyrouth

1922-2022 : depuis un siècle, l’Action Chrétienne en Orient, œuvre missionnaire créée par un pasteur alsacien témoin du génocide arménien, construit des ponts entre les Églises protestantes de France et du Proche-Orient. Les célébrations de ce centenaire vont s’étaler tout au long des années 2021-2022, et commencent dès ce mois de janvier avec un cycle de rencontres à Beyrouth. Organisées sous forme de visioconférences, elles seront accessibles à toute personne intéressée : pour s’inscrire, c’est ici…

C’est à travers une série d’événements, ponctuant les années 2021 et 2022, que l’ACO – Action chrétienne en Orient – prépare les célébrations de son centenaire. Des événements qui prendront place aussi bien en Europe qu’au Moyen-Orient. Le premier s’annonce dès ce mois de janvier 2021, avec une série de conférences organisées par l’Université Haigazian de Beyrouth. Ces rencontres, qui auront lieu sous forme de visioconférences (situation sanitaire oblige) auront lieu les 28 et 29 janvier, à chaque fois de 16h à 18h30. Les conférences porteront sur les missions européennes et les Églises protestantes au Moyen-Orient au XXème siècle, et seront animées à la fois par des historiens et des acteurs engagés de l’ACO. La langue des intervenants sera l’anglais, et pour s’inscrire, il suffit d’envoyer un message à l’adresse suivante : wilbert.vansaane@haigazian.edu.lb .

Les chrétiens d’Orient ont été souvent victimes de discriminations et de violences, mais ils représentent encore aujourd’hui des communautés vivantes et dont la présence aide au vivre ensemble. Or au début du XXème siècle, au Moyen-Orient, un habitant sur quatre était chrétien ; ils ne sont plus désormais que 11 millions parmi 320 millions de musulmans (soit un sur 30), partout minoritaires et contraints de chercher la protection des pouvoirs en place pour continuer à exister. Et au sein de cette minorité, les Églises protestantes, avec lesquelles l’ACO est en lien, représentent elles-mêmes un tout petit nombre. «Minoritaires au sein de la minorité chrétienne composée d’Églises traditionnelles orientales, orthodoxes et catholiques», souligne l’ACO, «leur environnement est marqué par l’Islam avec ses différents courants théologiques et ses résonances sociales et politiques. Leur contexte est celui d’une région du monde secouée par des crises géopolitiques aux enjeux divers et complexes, où les puissances régionales et occidentales confrontent leurs intérêts. Pour autant les Églises protestantes que nous soutenons au Moyen-Orient rayonnent par leur témoignage vécu au nom de l’Evangile, par leurs œuvres éducatives et sociales, par leurs convictions pacifiques et critiques, par leur souci des relations œcuméniques entre Églises, par leur dialogue avec l’Islam et les minorités religieuses de la région.»

De la Syrie au Liban, puis à l’Iran

Syrie : la renaissance de la paroisse de Kharaba © ACO

À sa création en 1922, l’ACO avait pour but de secourir les populations arméniennes victimes des exactions turques. Son fondateur, le pasteur Paul Berron, décrit dans « Souvenirs des jours sombres » (L’Harmattan) ce qu’il a vu et vécu à partir de 1916 au contact de ces réfugiés, tout en dénonçant la « politique d’extermination » alors mise en œuvre par les autorités turques. Alsacien, donc citoyen allemand avant la Première Guerre mondiale, il avait été envoyé comme aumônier en Syrie et dans la région pour établir et superviser des foyers du soldat. La guerre finie et l’Alsace réintégrée à la France, ce même pasteur Berron, devenu de fait citoyen français, put ainsi passer outre l’interdiction qui frappait les œuvres missionnaires allemandes et créa l’Action Chrétienne en Orient.

Grâce aux paroisses protestantes alsaciennes, mais aussi grâce à des comités néerlandais et suisses, l’ACO a rapidement étendu son œuvre et touché aussi bien les personnes de culture arménienne que de langue arabe et assyrienne, en Syrie mais également au Liban puis plus tard en Iran. Aujourd’hui, grâce à de nombreux partenariats, l’ACO soutient des projets très variés dans les domaines de l’éducation, du social, de la santé, de la solidarité en contexte de crise, de la résolution des conflits, de la formation théologique, de la vie d’Église au sein de communautés locales.

«C’est toute l’humanité qui se joue là»

Parmi ces partenariats, il y a le Défap. Au cours des dernières années, l’ACO a eu l’occasion de collaborer de manière quasi quotidienne avec le Service Protestant de Mission, notamment pour l’envoi de volontaires, au Liban, en Égypte… Dans ce pays par exemple, le Défap a assuré le suivi des envoyés de l’ACO en lien avec les Églises protestantes locales, dans le cadre de la plate-forme Moyen-Orient. Il s’agissait de missions d’enseignement (soutien scolaire, apprentissage de l’expression française), mais au-delà, d’une expérimentation quotidienne du « vivre ensemble » propre à faire mentir ceux qui prêchent la violence entre les communautés. Comme le racontait une ancienne envoyée, décrivant l’école où elle travaillait : «Chrétiens et musulmans se côtoient dans le corps enseignants et chez les élèves (…) Dans cette société égyptienne fragmentée c’est, d’après moi, une bénédiction !»

Comme le soulignait il y a quelques années le pasteur Thomas Wilde, alors directeur de l’Action chrétienne en Orient : «L’ACO travaille pour qu’on se souvienne. Elle a le souci des minorités opprimées : c’est toute l’humanité qui se joue là. L’humanité de l’homme est perdue si on laisse l’oubli s’installer. C’est le devoir des chrétiens et des citoyens du monde de ne pas se résigner.»




Journée de la Règle d’Or : un temps pour mieux connaître l’ACO

En 2022, l’Action Chrétienne en Orient fêtera ses cent ans. En attendant ces célébrations – qui commenceront, dès ce mois de janvier 2021, par une série de conférences organisées par l’Université Haigazian de Beyrouth – ce deuxième dimanche de l’Avent offre une occasion d’être en communion avec les chrétiens d’Orient, à travers la Journée de la Règle d’Or.

Photo d’ouverture : cette fillette fait partie d’une famille chrétienne qui a dû fuir la Syrie vers le Liban – octobre 2015 © Albert Huber, ancien président d’ACO

Longtemps, ils ont fait figure d’oubliés du monde chrétien – alors même que leur histoire remonte aux origines mêmes du christianisme. C’est le conflit syrien et, plus encore, l’apparition de Daech qui ont poussé beaucoup de Français, chrétiens ou non, à une prise de conscience à partir de l’année 2014 du sort des chrétiens d’Orient. En témoigne le succès qu’a connu, en 2017-2018, l’exposition Chrétiens d’Orient : deux mille ans d’histoire organisée à Paris par l’Institut du monde arabe, avec près de deux cent mille visiteurs. Mais bien avant, il existait déjà des liens entre communautés chrétiennes entre l’Europe et le Moyen-Orient : la plus importante étant, côté catholique, l’Œuvre d’Orient, qui était d’ailleurs partenaire de l’exposition à l’Institut du monde arabe. Il existe aussi des relations côté protestant : l’ACO (Action Chrétienne en Orient), partenaire direct du Défap, en est le meilleur exemple.

En 2022, l’ACO fêtera son centenaire. Elle a en effet été créée en 1922 par le pasteur Paul Berron. Témoin direct du génocide arménien au XXème siècle et du calvaire des survivants, il a vécu au Moyen-Orient entre 1915 et 1918. Aujourd’hui, en Égypte, en Syrie, au Liban mais aussi en Europe, l’ACO travaille au développement et au renforcement des communautés chrétiennes, ainsi qu’au défi que représente la cohabitation entre chrétiens et musulmans. L’ACO apporte un soutien financier, parfois en envoyant des personnes, organise des rencontres, fait un travail d’information. Depuis l’origine, l’Action Chrétienne en Orient a pour directeurs des pasteurs de l’UEPAL, Église membre du Défap qui lui apporte un soutien déterminant. L’EPUdF reconnaît aussi l’action de l’ACO, et la Fédération Protestante la considère comme son «expert» pour le Moyen Orient. L’ACO collabore de manière quasi quotidienne avec le Défap, notamment pour l’envoi des volontaires en Égypte, au Liban…

Enseignantes égyptiennes en visite à Paris, dans les locaux du Défap, dans le cadre d’un projet monté conjointement avec l’ACO © Défap

Au cours des mois à venir, le Défap aura l’occasion de vous donner de plus amples nouvelles du centenaire de l’ACO. D’ici là, le dimanche qui vient va fournir une occasion privilégiée pour faire connaître l’ACO et pour être en communion avec les chrétiens d’Orient. Chaque année, lors du deuxième dimanche de l’Avent, chaque paroisse qui le souhaite est invitée à vivre un temps de culte, une prière, un partage d’information ou une action de soutien dédiée aux chrétiens d’Orient ; cette Journée de la Règle d’Or s’appuie sur cette parole du Christ dans l’Évangile de Matthieu, verset qui nourrit l’engagement de l’ACO :

« Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, vous aussi, faites-le de même pour eux, car c’est la loi et les prophètes. »
Évangile de Matthieu, chapitre 7, verset 12

Le pasteur Paul Berron s’était précisément appuyé sur cette parole du Christ pour développer son œuvre. Voici plusieurs documents préparés par l’ACO pour cette journée :

Un texte explicatif sur la Règle d’Or et sur les possibilités d’animation et de soutien.

* une présentation générale de l’ACO qui peut être lue en un peu plus de deux minutes lors d’un culte ou d’une animation missionnaire.

* une prière d’intercession qui s’appuie le verset du jour « Redressez-vous et relevez la tête, car votre délivrance approche. » (Luc 21, 28)

* une prière pour des personnes et des institutions au Liban

* une vidéo Journée de la Règle d’Or à partager avec un temps de méditation sur le verset de la Règle d’Or :

* le temps de partage et de prière en vidéo, vécu avec la paroisse de Gunsbach sur le Liban, peut vous inspirer :

* vous trouvez sur le site de l’ACO les différents appels relatifs à l’aide aux réfugiés du Haut-Karabagh en Arménie suite au conflit. Ces appels peuvent être relayés lors du culte du 6 décembre ainsi que dans les publications des paroisses :

  a) L’appel d’Espoir pour l’Arménie lié aux Eglises Evangéliques Arméniennes de France, appel soutenu notamment par le Conseil d’Eglises Chrétiennes en France : ici.
   b) L’appel de Solidarité Protestante France Arménie pour Noël : ici. 



N’oublions pas les chrétiens d’Orient !

L’audition ce mercredi au Sénat du ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, sur la situation des chrétiens d’Orient et des minorités au Moyen-Orient, intervient deux mois après la remise, le 3 janvier à l’Élysée, d’un rapport commandé par Emmanuel Macron sur ce même thème. Un signe de plus d’une volonté de s’engager en faveur des chrétiens d’Orient. Depuis longtemps, des organismes entretiennent des liens entre communautés chrétiennes en France et en Égypte, en Syrie, au Liban… C’est notamment le cas de l’Action Chrétienne en Orient, proche partenaire du Défap.

Photo d’ouverture : cette fillette fait partie d’une famille chrétienne qui a dû fuir la Syrie vers le Liban – octobre 2015 © Albert Huber, président d’ACO

 

Ce mercredi 6 mars 2019, à partir de 17h30, les sénateurs de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées entendent Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, sur la situation des chrétiens d’Orient et des minorités au Moyen-Orient, en commun avec le groupe de liaison, de réflexion, de vigilance et de solidarité avec les chrétiens, les minorités au Moyen-Orient et les Kurdes. Un signe de plus d’une volonté politique affichée de venir en aide aux chrétiens d’Orient… Cette audition intervient deux mois après la remise, le 3 janvier à l’Élysée, d’un rapport commandé par Emmanuel Macron. L’objectif assigné par le chef de l’État était clair : «Renforcer l’action de la France dans la protection du patrimoine du Moyen-Orient et le soutien au réseau éducatif des communautés chrétiennes de la région.» L’auteur de ce rapport, Charles Personnaz, magistrat à la Cour des comptes, indiquait alors au cours d’un entretien sa conviction que si les populations chrétiennes devaient disparaître de ces régions du monde, «le Moyen-Orient se retrouverait sans doute dans des situations de conflit pires qu’aujourd’hui.»

À plusieurs reprises avant cela, le chef de l’État avait déjà insisté sur la vocation protectrice de la France à l’égard des chrétiens d’Orient. À l’Institut du monde arabe, il déclarait ainsi le 25 septembre 2017 : «Je veux dire aux chrétiens d’Orient que la France est à leurs côtés, que notre priorité sera bien la défense de leur histoire.» Et aux Bernardins, le 9 avril 2018 : «Nous avons hérité historiquement du devoir de les protéger.»

«Les chrétiens d’Orient, facteurs de dialogue et de paix»

Pour aller plus loin :

Chaque année, l’ACO publie un magazine, Le Levant, dont vous pouvez découvrir les derniers numéros ici :

Le conflit syrien et, plus encore, l’apparition de Daech ont poussé beaucoup de Français, chrétiens ou non, à une prise de conscience à partir de l’année 2014 du sort des chrétiens d’Orient. En témoigne le succès de l’exposition Chrétiens d’Orient : deux mille ans d’histoire organisée à Paris par l’Institut du monde arabe, avec près de deux cent mille visiteurs. Bien sûr, il existe déjà des liens entre communautés chrétiennes entre l’Europe et le Moyen-Orient : la plus importante étant, côté catholique, l’Œuvre d’Orient, qui était d’ailleurs partenaire de l’exposition à l’Institut du monde arabe. Il existe aussi des relations côté protestant : l’ACO (Action Chrétienne en Orient), partenaire direct du Défap, en est le meilleur exemple.

L’ACO a été créée en 1922 par le pasteur Paul Berron. Témoin direct du génocide arménien au XXème siècle et du calvaire des survivants, il a vécu au Moyen-Orient entre 1915 et 1918. Aujourd’hui, en Égypte, en Syrie, au Liban mais aussi en Europe, l’ACO travaille au développement et au renforcement des communautés chrétiennes, ainsi qu’au défi que représente la cohabitation entre chrétiens et musulmans. L’ACO apporte un soutien financier, parfois en envoyant des personnes, organise des rencontres, fait un travail d’information. L’ACO collabore de manière quasi quotidienne avec le Défap, notamment pour l’envoi des volontaires en Égypte, au Liban… Depuis l’origine, elle a popur directeurs des pasteurs de l’UEPAL, Église membre du Défap qui lui apporte un soutien déterminant. L’EPUdF reconnaît aussi l’action de l’ACO, et la Fédération Protestante la considère comme son «expert» pour le Moyen Orient.

Présents depuis l’origine du christianisme, les chrétiens d’Orient ont été souvent victimes de discriminations et de violences, mais ils représentent encore aujourd’hui des communautés vivantes et dont la présence aide au vivre ensemble. Comme le soulignait le 13 mars 2018, dans une question au gouvernement, Gwendal Rouillard, deputé LREM du Morbihan et co-président à l’Assemblée du groupe d’études sur les chrétiens d’Orient, ces derniers «représentent hier comme aujourd’hui un facteur de dialogue et de paix. Par exemple, je rappelle qu’au Liban, il existe des villages chrétiens/sunnites et chrétiens/chiites mais qu’il n’existe aucun village sunnites/chiites. Pour nous, les chrétiens doivent continuer à jouer ce rôle de médiateur au nom de la diversité culturelle.» Or au début du XXème siècle, au Moyen-Orient, un habitant sur quatre était chrétien ; ils ne sont plus désormais que 11 millions parmi 320 millions de musulmans (soit un sur 30), partout minoritaires et contraints de chercher la protection des pouvoirs en place pour continuer à exister.




Attentat en Égypte : communiqué commun des institutions protestantes françaises

En Égypte, la communauté copte a été de nouveau visée par un attentat. Sept fidèles ont été tués et de nombreux autres blessés sur la route du monastère de Saint-Samuel, le vendredi 2 novembre, quand des hommes armés ont ouvert le feu sur leur bus. L’attaque a été revendiquée par le groupe État islamique (EI). Dans un communiqué commun, le Défap, l’Action Chrétienne en Orient, la Fédération protestante de France, l’Église protestante unie de France, l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine, dénoncent «le fanatisme et l’extrémisme meurtrier» à l’origine d’un tel acte, qui «nous engage à soutenir toutes les initiatives visant à la paix et à l’égalité entre les communautés religieuses d’Égypte».

Le lieu de l’attaque, dans la province d’al-Minya (DR)

 

« Nous voulons adresser toute notre compassion, notre solidarité et nos prières aux familles et aux chrétiens égyptiens touchés par le nouvel attentat qui a fait vendredi dernier sept victimes et de nombreux blessés au sein de la communauté copte.

Pour aller plus loin :

Le fanatisme et l’extrémisme meurtrier du soit disant État islamique ont encore une fois visé des chrétiens de la province d’al-Minya alors qu’ils se rendaient en pèlerinage au monastère d’Anba Samuel.

Cet acte horrible nous révolte et nous engage à soutenir toutes les initiatives visant à la paix et à l’égalité entre les communautés religieuses d’Égypte. Ainsi nous nous réjouissons de la conférence pour la paix qui s’est tenue au Mont Sinaï les 18 et 19 octobre derniers et qui a réuni les différentes autorités civiles et religieuses du pays autour du thème Ici nous prions ensemble.

C’est dans cette lutte pour la tolérance et dans l’espérance de la victoire de la vie sur les forces de mort que nous encourageons nos frères et nos sœurs d’Égypte à garder courage et confiance. »

Le 7 novembre 2018

 

M. François Clavairoly, président de la Fédération Protestante de France

Mme Emmanuelle Seyboldt, présidente du Conseil national de l’Église protestante unie de France

M. Christian Albecker, président de l’Union des Eglises Protestantes d’Alsace et de Lorraine

M. Joël Dautheville, président du DEFAP, service protestant de Mission

M. Albert Huber, président de l’Action Chrétienne en Orient

 

 

Pour l’État islamique, toutes les croyances autres sont des cibles
Le groupe jihadiste État islamique prône une version extrême du salafisme, courant fondamentaliste de l’islam sunnite prônant un retour aux pratiques de l’époque du prophète Mahomet et de ses premiers disciples, qui l’amène à s’attaquer non seulement aux fidèles des autres religions, mais aussi à ceux d’autres branches de l’islam considérées comme hérétiques. L’État islamique a ainsi revendiqué une série d’attentats contre la communauté copte d’Égypte. Le soufisme, courant ésotérique de l’islam, est accusé pour sa part d’hérésie et de polythéisme, de fait de son recours à l’intercession des saints morts. L’État islamique condamne aussi ce qu’il qualifie d' »innovations » : rites et prières des soufis non prescrits à l’origine par le prophète Mahomet.

 




Être envoyé ou comment rencontrer l’Autre ?

Thomas Wild, pasteur de l’UEPAL et directeur de l’Action Chrétienne en Orient, intervient dans le cadre de la formation des envoyés du Défap, du 3 au 13 juillet 2017. Il anime un atelier sur le volet interreligieux et notamment la présence chrétienne en terre d’Islam.

En quoi ce volet de la formation est indispensable au futur envoyé ?
Depuis la révolution communiste, on s’est rendu compte que la religion jouait un rôle dans la vie quotidienne et que faire l’impasse sur ce sujet, comme le prétend la laïcité à la française, était impossible. Travailler avec des instances chrétiennes dans un pays musulman implique que l’on soit sensibilisé à la manière dont cette présence est perçue par les habitants du pays.
Cela s’exprime concrètement à plusieurs niveaux, dans la relation au bâtiment religieux par exemple, ou encore dans la relation homme-femme. De même, alors que l’attitude courante en France et en Europe est d’être dans la bienveillance vis-à-vis des religions, une telle attitude de neutralité positive est souvent peu compréhensible dans d’autres contextes. Nous sommes dans une famille religieuse qui par principe accueille la croyance autre car pour nous, si Jésus est la seule voie du Salut, nous ne mettons pas de limite à l’amour de Dieu pour les hommes.
Etre chrétien, être d’une religion, ce n’est pas seulement une opinion. C’est plus que cela : un comportement, une attitude éthique, une manière d’interagir avec le monde.

 

Quelle sera la plus grande difficulté que rencontreront nos envoyés ?
Sans hésitation, c’est la position du donneur de leçon, très tentante, qu’il faut combattre encore et toujours. Il faut éviter à tout pris de tomber dans ce travers facile et mettre tout en œuvre pour trouver un équilibre.
Il leur faudra apprendre à discerner ce qu’on peut faire positivement, cela implique une bonne compréhension de ses propres limites, et ce qui est acceptable par ceux qui les  entourent et les accueillent. Etre envoyé, c’est apporter son identité, ses croyances, sa manière d’être mais c’est aussi et surtout se laisser bousculer et admettre que l’occident n’a pas le monopole du développement.  Nous ne sommes pas propriétaire de la justesse des choses. Les envoyés devront admettre que nous avons aussi des leçons à recevoir : notre conception de la dignité humaine n’est pas partagée partout mais cela ne signifie pas qu’elle n’existe pas aussi là-bas, sous d’autres formes.

En fin de compte, de quoi sont porteurs ces envoyés ?
Peut-être que ce qui compte, c’est autant ce qu’ils apportent que ce qu’ils reçoivent.
Leurs présences, là-bas, dit notre volonté de vivre en paix, d’être acteur de la réconciliation. C’est un message d’amitié adressé aux peuples chrétiens du monde entier.
Et les envoyés reçoivent là-bas un formidable témoignage de la chaleur de l’accueil chrétien, un message d’espérance.
Lorsque tout semble aller mal et que nous partageons des moments spirituels, je sais alors que ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous désunit.

 

Si nos envoyés ne devaient retenir qu’une chose de votre intervention ?
Toujours se souvenir que ce qui est évident pour moi ne l’est pas pour l’autre. Avant de juger, il faut toujours essayer de comprendre.
Notre histoire, notre lecture de l’histoire, est souvent éloignée de l’histoire telle qu’elle peut être lue par les autres peuples.