À l’occasion des célébrations de son centenaire, l’ACO, organisme missionnaire proche du Défap, va faire venir entre fin septembre et début octobre, à Strasbourg d’abord, puis à Paris, des invités de divers pays représentatifs de la structure internationale qu’est aujourd’hui l’ACO-fellowship. Parmi eux, deux membres de l’Union des Églises Évangéliques Arméniennes du Proche-Orient : Talin Mardirossian, libanaise, assistante sociale à Bourj Hammoud, près de Beyrouth, et Houri Moubahiajian, théologienne et catéchète en Syrie, épouse du pasteur Bchara Moussa Oghli de l’Église du Christ à Alep.

Aide scolaire au Centre d’Action Sociale de Bourj Hammoud © ACO

L’histoire de l’Action Chrétienne en Orient est faite de rencontres fortes, de relations d’amitié, de solidarité vécue dans les circonstances les plus difficiles. Elle trouve son origine dans l’action du pasteur alsacien Paul Berron, témoin direct des souffrances des Arméniens survivants du génocide turc. De là, des relations étroites nouées dès le début avec l’Église Évangélique Arménienne. Née au XIXe siècle à Constantinople au sein de l’Église Apostolique Arménienne, Église orthodoxe orientale autocéphale, elle se caractérisa dès l’origine par une volonté de retour au texte biblique, avec un accent particulier sur la doctrine du salut par la grâce en Jésus-Christ, et par des efforts de traduction de la Bible de l’arménien classique en langue moderne, afin de la rendre accessible au plus grand nombre. Un mouvement qui fut combattu par les autorités religieuses, au point qu’en 1846, tous les partisans de la réforme furent excommuniés par le Patriarche de Constantinople. À la veille du génocide de 1915, l’Église Évangélique Arménienne comptait plus de 51.000 membres, de nombreuses églises, des écoles et des instituts de théologie. Quelques années après, en 1920, il n’en restait plus que 14.000, survivants du génocide. Ces réfugiés et exilés reconstituèrent alors des Églises dans leur pays d’accueil : en Syrie, au Liban, aux États-Unis… En France, l’ACO noua des liens forts avec ces communautés arméniennes protestantes expatriées et contribua à la création de l’Union des Églises Évangéliques Arméniennes de France. Et lorsque les missionnaires européens durent pour beaucoup quitter le Proche-Orient, c’est à l’Union des Églises Évangéliques Arméniennes au Proche-Orient que l’ACO remit ses bâtiments d’Alep.

Ces relations que l’ACO s’emploie à entretenir seront prochainement incarnées par deux témoins. Il s’agit de deux femmes venues, l’une du Liban, l’autre de Syrie : Talin Mardirossian et Houri Moubahiajian.

Talin Mardirossian et le Centre d’Action Sociale de Bourj Hammoud

Au Centre d’Action Sociale de Bourj Hammoud © ACO

Des adolescentes studieusement penchées sur leur table de travail, entre cartables et trousses : l’image que vous pouvez voir en ouverture de cet article pourrait évoquer une salle d’étude dans un collège en France. À ceci près qu’elle a été prise à Bourj Hammoud, dans la banlieue de Beyrouth ; et cette scène de vie ordinaire est déjà une victoire de la vie et de la solidarité.

Bourj Hammoud, avec ses 150.000 habitants, est en quelque sorte le « quartier arménien » de Beyrouth. C’est une banlieue qui s’est développée avec l’arrivée des premiers Arméniens survivants du génocide de 1915 ; c’était auparavant une zone de marécages. Les rescapés du génocide qui n’avaient pas disparu lors de la marche de la mort dans Deir ez-Zor ont d’abord obtenu le droit d’y construire des cabanes. Puis les cabanes sont devenues des maisons. Aujourd’hui, comme toute la capitale libanaise et ses banlieue, c’est devenu une zone urbaine densément construite et densément peuplée.

C’est à Bourj Hammoud que l’Union des Églises Évangéliques Arméniennes du Proche-Orient soutient un centre d’action sociale, le « SAC » (Social Action Committee). Son rôle est crucial dans un quartier qui reste largement défavorisé, avec de nombreux besoins sur les plans sociaux, éducatifs et sanitaires. Et qui a vécu depuis plus de dix ans les contrecoups successifs des crises que connaît la région : l’arrivée de réfugiés syriens en 2011 ; la crise économique qui a fait plonger une grande partie de la population libanaise sous le seuil de pauvreté à partir de 2019 ; les conséquences de la pandémie de Covid-19 ; l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020, qui a été comme le coup de grâce pour une société libanaise à bout de souffle… Aujourd’hui, les habitants de Bourj Hammoud, ce « quartier arménien » de Beyrouth, vivent pour beaucoup dans la plus grande précarité : personnes âgées sans retraite, familles sans ressources pour financer le quotidien et les soins de santé… Et le « SAC » apporte aide sociale, soutien financier pour les soins, aide au logement, aide éducative, accueil et soutien aux réfugiés syriens.
Le SAC est directement soutenu par l’ACO Fellowship pour ses actions de solidarité. Il fonctionne grâce à des bénévoles encadrés par deux assistantes sociales : Lena Danaoghlian, la directrice, et Talin Mardirossian.

C’est cette dernière qui pourra témoigner, à Strasbourg d’abord, puis à Paris, de ce qui se vit au quotidien au Centre d’Action Sociale de Bourj Hammoud. Le « SAC » a été un des bénéficiaires des collectes spéciales menées par l’ACO après l’explosion du port de Beyrouth. Son action est également reconnue par la Fondation du Protestantisme.

Houri Moubahiajian et l’Église du Christ à Alep

Un quartier détruit par la guerre à Alep © ACO

Houri Moubahiajian est syrienne, professeure de religion à Alep. Elle est l’épouse du pasteur Bchara Moussa Oghli de l’Église du Christ, paroisse protestante arménienne d’Alep, en Syrie. Il faut savoir que cette Église est en fait directement issue du centre missionnaire de l’Action Chrétienne en Orient, qui avait été créé pour apporter un soutien tout à la fois matériel et spirituel aux Arméniens rescapés du génocide de 1915 et qui venaient s’entasser par milliers dans des camps misérables aux portes d’Alep.

Malgré la guerre civile, le pasteur Bchara Moussa Oghli a poursuivi son ministère sur place. Et en pleine guerre, l’Église du Christ a choisi de continuer à assumer son rôle d’Église, en dépit des risques encourus par tous. Avec une volonté de confiance, un amour du prochain et une spontanéité qui s’opposaient aux mécaniques de la division et de la guerre qui étaient à l’œuvre à travers la Syrie. Comme l’écrivait en mai dernier le pasteur Bchara Moussa Oghli : « D’habitude, quand les choses se passent bien dans tel ou tel domaine et après qu’une analyse et une planification ont été faites en amont, le mérite en revient à ceux qui ont fait cette analyse et cette planification. C’est tout à fait vrai dans le cas du Génocide de 1915. Le Génocide a été catastrophiquement bien planifié, brutalement exécuté et douloureusement efficace.
Quant à une société missionnaire comme l’Action Chrétienne, venue en Orient pour aider les survivants de ce Génocide, qui pourrait revendiquer un quelconque crédit pour une planification préalable ? Ce n’était dans les rêves de personne de la mission, pas seulement dans ses premiers pas, mais aussi dans les étapes précédant la vie missionnaire. Au contraire, la plupart du temps, il s’agissait de réactions spontanées de personnes engagées qui, dans des circonstances exceptionnelles, avaient pour seul but de laisser : « … l’amour chrétien et la charité… intervenir pour soigner quelque peu les blessures. »
On pourrait en dire autant de l’agression de la Syrie à la mi-mars 2011, près d’un siècle après le Génocide. Car cette agression avait aussi été catastrophiquement bien planifiée, brutalement exécutée et douloureusement efficace. Quant à l’Église du Christ à Alep, elle a réagi de façon candide et a résisté au travers des gens qui la servaient lorsque cette agression écrasante s’est installée, ils ne comptaient que sur Dieu. Il était absolument vital que l’Église du Christ à Alep n’ait aucune stratégie ou programme à long terme et puisse s’engager pleinement dans ses ministères quotidiens habituels. »

Le programme des rencontres

Talin Mardirossian et Houri Moubahiajian seront reçues par l’ACO fin septembre à Strasbourg pour prendre part à diverses rencontres : participation à un culte mission à Schillersdorf (consistoire de Pfaffenhoffen), visite du service de l’enseignement religieux et de la catéchèse, découverte de la SEMIS, de la Médiathèque Protestante, visites à Strasbourg, Colmar et autres lieux… Cet échange est réalisé dans le cadre de l’ACO Fellowship, la structure internationale de l’Action Chrétienne en Orient, et fait suite à un premier voyage qui avait vu l’accueil de la pasteure Petra Magne de la Croix et de M. Éric Faure au Liban et en Syrie en 2019. Taline et Houri rejoindront ensuite les nombreux délégués qui viendront à Strasbourg, puis à Paris, pour les rencontres du Centenaire de l’ACO.

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