Dans un des pays les plus pauvres d’Afrique et toujours menacé par la violence, la République centrafricaine, Rodolphe Gozegba, ancien boursier du Défap, a lancé un projet pour promouvoir l’autonomie alimentaire. Dans un arrondissement de Bangui, la capitale, l’association A9 qu’il a créée forme les habitants, les équipe et les accompagne pour cultiver leur propre jardin potager. Avec des premiers résultats visibles et encourageants. Un projet soutenu par le Défap et qui figure dans le carnet de solidarité 2023 de l’UEPAL.


Les activités du Défap s’inscrivent dans un réseau de relations entre Églises. Des relations qui permettent à toutes les Églises qui y prennent part, au nord comme au sud, de mieux appréhender les défis communs auxquelles toutes sont confrontées, dans un monde marqué par l’accélération des échanges, les défis de l’interculturalité et les replis communautaires. Il s’agit de plaider et d’agir pour une Église qui reste accueillante et se montre responsable face aux enjeux du monde contemporain. Ce que le Défap a formalisé dans un document, « Convictions et actions 2021-2025 », et qu’il met en œuvre à travers les projets qu’il soutient.

Parmi ses diverses actions, le Défap veut œuvrer à un équilibre écologique et économique qui restaure les personnes, les relations et les sociétés. C’est le cas en République centrafricaine, où la guerre et les défaillances de l’État entretiennent pauvreté et famine. Depuis une quarantaine d’années, la RCA subit ainsi un cycle récurrent de violences. Une violence qui alimente la déliquescence des infrastructures : le pays, souligne la Banque mondiale, figure parmi les plus pauvres et les plus fragiles du monde malgré sa richesse en ressources naturelles. Bien que doté d’un potentiel agricole impressionnant, d’énormes ressources minières et de vastes forêts, les populations ne bénéficient pas de ces possibilités et la RCA se classe dans le bas du tableau des Indices de capital humain et de développement humain. On estime qu’environ 71% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté international (soit l’équivalent de 1,90 dollar par jour). Près de 630.834 personnes sont encore déplacées à l’intérieur du pays tandis que 632.000 réfugiés centrafricains demeurent dans les pays voisins, selon le Haut Commissariat au Réfugiés. La capitale elle-même est dans une situation de grande fragilité : elle est très dépendante de deux grandes routes pour son approvisionnement, dont l’une, menant vers le Tchad et le Cameroun, a été bloquée plusieurs semaines début 2021 par des groupes armés. Bangui a frôlé la famine.

Le rôle crucial des Églises dans un pays déliquescent

Pour maintenir le lien dans le pays, les Églises font partie des rares institutions à rester debout. C’est dans les églises que beaucoup de familles fuyant les violences vont souvent chercher refuge. Au-delà du milieu chrétien, les diverses religions présentes dans le pays ont tenté de jouer ces dernières années un rôle d’apaisement, notamment à travers la plateforme interreligieuse pour la paix (Interfaith Peace Platform), créée par l’archevêque de Bangui Dieudonné Nzapalainga, le pasteur et président de l’Alliance évangélique Nicolas Guérékoyamé-Gbangou (qui avait été reçu au Défap), ainsi que l’imam et ancien président du Conseil islamique Oumar Kobine Layama. Les Églises jouent aussi un rôle irremplaçable de soutien auprès des populations dans ce pays très majoritairement chrétien. Depuis des années, le Défap accompagne notamment l’Église protestante Christ-Roi de Centrafrique (EPCRC), membre de la Cevaa et présente dans la capitale. Mais il est aussi en lien avec d’autres Églises présentes ailleurs sur le territoire centrafricain, comme l’Église Évangélique Luthérienne de République centrafricaine (EELRCA) ; des relations ponctuelles ont pu aussi s’établir avec d’autres partenaires, également engagés dans les efforts de paix et de reconstruction. C’est le cas par exemple des communautés baptistes, et notamment de l’UFEB (Union Fraternelle des Églises baptistes). C’est aussi le cas, plus récemment, d’un projet né à la jonction entre le milieu des Églises et la société civile : celui de Rodolphe Gozegba et de son association A9.

Rodolphe Gozegba et des membres de l’association A9 cultivant un lopin de terre à Bangui © A9

Les projets naissent souvent de rencontres. Dans le cas de Rodolphe Gozegba-de-Bombémbé, ce fut celle de Jürgen Moltmann, et du Défap. Né en 1984 en République centrafricaine, il a étudié à la FATEB (la Faculté de Théologie Évangélique de Bangui), et a été pasteur de l’Église évangélique Béthanie, dans la capitale, de 2006 à 2013. Il a bénéficié d’une bourse du Défap pour étudier le dialogue des cultures et des religions à l’institut Al Mowafaqa, au Maroc. À partir de 2015, toujours avec l’aide du Défap, il a entamé des études à l’Institut Protestant de Théologie (faculté de Paris) pour y préparer un doctorat, décroché avec les félicitations du jury fin 2020. Son sujet d’étude : la théologie de Moltmann, et plus précisément la façon dont elle a été reçue par les protestants francophones. Pourquoi cet intérêt pour un théologien allemand, né dans un pays et dans un contexte historique aussi différents du sien ? Pour sa résilience. « Toute fin, écrivait Moltmann, est le début d’un recommencement ». Un thème qui avait profondément marqué Rodolphe Gozegba : l’étudiant n’avait pas tardé à faire le parallèle entre l’Allemagne détruite par la Deuxième Guerre mondiale et son propre pays ravagé par des décennies de guerre civile. Et c’est la redécouverte du message biblique par Moltmann au plus profond du désespoir qui avait poussé Rodolphe Gozegba à se plonger dans ses écrits. Il se trouve par ailleurs que Jürgen Moltmann est aussi un pionnier de la théologie écologique – un aspect mis en évidence en France à travers un recueil réalisé par Jean Bastaire et publié en 2004 : « Le rire de l’univers. Traité de christianisme écologique ».

Distribution de bêches et d’arrosoirs par l’association A9 © A9

Ces deux aspects, résilience et rapport à l’environnement, sont à la base du projet de l’association A9. Rentré à Bangui fin 2020, et après avoir obtenu son doctorat, Rodolphe Gozegba a créé cette structure avec une idée simple : rendre fertiles les nombreux lopins de terre inutilisés dans la capitale pour y créer des jardins potagers ; aider les familles à les cultiver en leur fournissant formation, soutien, suivi et matériel (ce qui va des graines aux bêches en passant par les arrosoirs), de façon à pouvoir se nourrir même en cas de nouveau blocus par des groupes rebelles, et à pouvoir obtenir de petits revenus en revendant une partie de leur production sur les marchés. Une manière très concrète de limiter la dépendance alimentaire de Bangui, d’améliorer la gestion de l’environnement et le quotidien des habitants participant au projet. Pour l’heure, l’association A9 travaille dans un des neuf arrondissements de Bangui, avec l’objectif d’apporter son soutien à 400 familles. Avec 8 euros, il est possible d’équiper l’une d’elles de manière à lui permettre de commencer à cultiver ses légumes. Le projet est soutenu par le Défap, avec l’aide de l’UEPAL qui l’a inscrit dans son carnet de solidarité 2023, à hauteur de 3200 euros.

 

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