À l’occasion de la COP 27, zoom sur un des projets soutenus par le Défap : « Nourris ta ville en 90 jours », porté par Rodolphe Gozegba à Bangui. Cet ancien boursier du Défap a créé une association, A9, qui travaille à améliorer l’autonomie alimentaire de la capitale centrafricaine. Une autonomie d’abord menacée par l’insécurité persistante dans laquelle se trouve le pays depuis la guerre civile ; mais les solutions mises en œuvre par Rodolphe Gozegba et l’association A9 rejoignent les réflexions de nombreux urbanistes qui, face aux défis des changements climatiques en cours, s’interrogent sur les moyens de rendre les villes moins dépendantes des campagnes sur le plan alimentaire, en développant une véritable agriculture urbaine. Récemment, Rodolphe Gozegba a été invité par l’UEPAL pour présenter les premiers résultats obtenus par son association à Bangui.

Participants du projet « Nourris ta ville en 90 jours » réunis lors d’une distribution de matériel © A9

Comment est né le projet « Nourris ta ville en 90 jours » ?

Rodolphe Gozegba De Bombémbé : L’Association A9 est née du constat de différents problèmes qui gangrènent la vie sociale de la population centrafricaine. Je peux mentionner l’insécurité alimentaire, les effets du réchauffement climatique avec ses répercussions sur la santé, les conséquences de la crise intercommunautaire de 2013 qui perdure, la non prise de conscience des problématiques écologiques, et j’en passe. Face à cette situation, il fallait agir urgemment. En tant que théologien ayant travaillé sur la théologie de Jürgen Moltmann qui place l’humain au centre de toute préoccupation, j’ai approché certains amis et nous avons créé A9. A9 pour les 9 Actions que nous allons entreprendre en Centrafrique.

L’action qui nous a semblé urgente était la promotion de l’agriculture urbaine et péri-urbaine autour du concept « nourris ta ville en 90 jours », car en janvier 2021, Bangui la capitale a été attaqué par des rebelles, les routes d’approvisionnement (Bangui Cameroun et Tchad) étaient coupées, à l’intérieur du pays, notamment dans le nord-est et ouest, les femmes et les hommes étaient empêchés d’aller aux champs. La situation sociale était devenue plus compliquée qu’avant, de nombreuses personnes n’arrivent même pas à prendre un repas correct par jour ; les enfants sont souvent malades car mal nourris, les familles peinent à subvenir à leurs besoins de première nécessité. Le pays a frôlé la famine. Les pauvres étaient encore plus pauvres ! Selon les données du HCR du 3 janvier 2021, 2,8 millions de Centrafricains, soit plus de la moitié de la population du pays (5 millions d’habitants), auraient besoin d’une aide humanitaire d’urgence.

Et comme A9 a remarqué que la plupart des habitants avaient à leur disposition, à côté de leur habitat, un lopin de terre inexploité, leur a proposé de le mettre en culture. La population a bien accueilli le projet et a de suite manifesté sa volonté d’y adhérer. C’est ainsi que grâce aux dons des personnes de bonne foi nous avons pu donner à plus de 700 familles des kits comprenant une bêche, une houe, un arrosoir et des semences d’une valeur de 30,00 euros. Elles sont suivies et conseillées par l’équipe de A9. Dans cette dynamique, A9 prévoit de leur proposer divers évènements tels des concours, des marchés organisés spécialement pour la vente des récoltes en surplus, ceci pour dynamiser la motivation des adhérents.

Distribution de matériel de jardinage par l’association A9 © A9

Quels sont les premiers résultats ?

Rodolphe Gozegba De Bombémbé : Les familles bénéficiaires de nos kits ne cachent pas leur satisfaction, sont fières de nous montrer leurs récoltes. Certaines d’entre elles arrivent même à vendre leur surplus, se créant ainsi un revenu complémentaire. A9 est contente de voir que tous ses bénéficiaires apprécient de pouvoir cultiver leur propre jardin, mais sont aussi séduits par l’originalité de l’action de A9.

A9 ne propose pas de l’assistanat, mais une prise de conscience et une responsabilisation des bénéficiaires. A9 donne des outils, à eux de travailler, à eux de faire fructifier. A9 donne la possibilité de retrouver sa dignité dans le travail. La RCA offre très très peu d’opportunités d’emploi, mais en cultivant leur lopin de terre, les familles peuvent vendre leur surplus et se créer une source de revenus.

Rodolphe Gozegba (à gauche sur la photo) au travail avec des membres de l’association A9 © A9

Quelles sont les suites envisagées ?

Rodolphe Gozegba De Bombémbé : Notons que le chemin est encore long et les défis sont nombreux. Au niveau national, il y a encore une longue liste d’attente de personnes prêtes à s’engager dans le jardin potager. Leur réel engagement nous poussent à continuer à nous battre pour eux. Nous avançons avec eux selon les fonds dont nous disposons. Au plan international, nous sommes sollicités par des personnes au Congo, au Burkina Faso, au Cameroun, au Tchad, au Cap-Vert pour venir implanter le projet de A9. En fait, ces personnes pensent que A9 est une grosse machine, mais malheureusement nous n’avons pas les moyens déjà pour la Centrafrique. Mais, nous sommes quand même encouragés de voir que nos actions sont appréciées dans la sous-région (pays d’Afrique centrale) et même dans certains pays d’Afrique de l’Ouest. Cela nous laisse à croire que les actions de A9 sont une des solutions aux problèmes de l’insécurité alimentaire sur le continent africain.

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