Le numéro 82 de Perspectives Missionnaires aura été le dernier publié en édition papier : place désormais au Cahier d’études missiologiques et interculturelles de Foi & Vie, dont le premier numéro reprend le dossier du dernier « PM » sur le prosélytisme. Explication de cette évolution par Marc Frédéric Muller.

Photo illustrant le dossier « prosélytismes… au pluriel », dans le Cahier d’études missiologiques et interculturelles de Foi & Vie, reprise du n°82 de Perspectives Missionnaires © Foi & Vie

La revue Perspectives missionnaires (PM), après quarante années d’existence indépendante et quatre-vingt-deux numéros parus, vient rejoindre Foi & Vie sous la forme d’un « Cahier d’études missiologiques et interculturelles ». L’équipe de PM espère ainsi enrichir la palette des champs de recherche de la revue numérique.

Il est utile de formuler ici la raison d’être du cahier qui voit le jour en présentant sa ligne éditoriale.

Premièrement, il est toujours nécessaire de réfléchir théologiquement à la façon dont les chrétiens entendent porter leur témoignage. Les débats dans la société civile et au sein même du protestantisme, remettant en question la légitimité de la mission, ont pu discréditer le recours à toute entreprise missionnaire. Pour certains, le mot mission peut sembler au mieux désuet et au pire évoquer des entreprises conquérantes, incompatibles avec l’Évangile et avec la valeur impérieuse du respect des consciences. Dans cette perspective, « la mission » renvoie à des pages jugées sombres de l’histoire du christianisme et de la civilisation occidentale. L’évangélisation qui y est associée, de façon réductrice, souffre également d’une mauvaise image ; elle est souvent perçue comme la prétention d’obtenir à tout prix des conversions, en forçant les consciences ou en les manipulant, sans égards pour le milieu socio-culturel où elle est engagée. Or, la réflexion missiologique a régulièrement interrogé les pratiques missionnaires, depuis les écrits du Nouveau Testament jusqu’aux conférences mondiales œcuméniques des dernières décennies (par exemple, Willingen 1952 ou Busan 2013). La Conférence des Églises protestantes en Europe, en 2001, se demandait : « Comment annoncer l’Évangile de telle manière que la forme choisie corresponde au contenu ? » Autrement dit comment « évangéliser de manière évangélique » de telle sorte que les Églises ne fassent pas le contraire de ce qu’elles proclament : un message libérateur et une parole de réconciliation.

Deuxièmement, il est important de contribuer à un travail historiographique. Il consiste à garder la mémoire, à observer, à décrire et à analyser les pratiques missionnaires, dans des contextes divers et à des époques diverses, en évaluant leurs soubassements idéologiques, qu’ils soient théologiques, philosophiques ou liés à un imaginaire ancré dans une culture spécifique. Les expressions chrétiennes sont en évolution constante dans le temps et selon les lieux, partout où l’Évangile s’est propagé. Dans leur diversité confessionnelle (approche œcuménique) et culturelle (réflexion sur les enjeux de la traduction et de réception de l’Évangile), elles montrent que le témoignage chrétien est aux prises avec les transformations du monde et que les Églises s’en trouvent elles-mêmes transformées.

Troisièmement, ces dernières années, du fait d’une mondialisation accrue des échanges résultant aussi bien des vagues migratoires que de la révolution numérique, les sciences religieuses et la missiologie ont concentré leurs travaux sur la complexité des rapports entre Évangile et culture, sous-tendue par des interprétations débattues de la définition tant de l’un que l’autre. Les dynamiques sont d’une étonnante diversité : adaptation, accommodation, inculturation, contextualisation, métissage, syncrétisme, interculturation, etc. sur fond de résistance, de confrontation, de dialogue, de rejet ou d’appropriation. Elles touchent le christianisme qui est à la fois déplacé dans ses expressions et créateur de culture. Derrière le phénomène de l’interculturalité, les enjeux sont parfois très lourds puisqu’ils concernent le « vivre-ensemble », la cohésion sociale et la reconnaissance des identités, la liberté religieuse et la construction d’une société de justice, de paix.

Quatrièmement, ce cahier souhaite modestement répondre au besoin d’un espace intellectuel de langue française, ancré dans le protestantisme et œcuménique, ouvert à des personnes en recherche sur tous les continents, désireuses d’exposer convictions et réflexions prospectives sur les voies du renouvellement du témoignage chrétien. Il s’agit d’accueillir des contributions venues de contextes divers et de stimuler la rédaction de textes permettant de croiser les regards. C’est un travail qu’il faut organiser et qui requiert un effort soutenu car il implique de franchir des frontières confessionnelles, géographiques linguistiques ou culturelles.

Une équipe d’une quinzaine de personnes a jusqu’ici conçu et préparé les dossiers parus sous le titre de Perspectives missionnaires. Nous nous réjouissons que les archives soient bientôt intégralement disponibles, en ligne, sur le site de Foi et Vie.

C’est avec reconnaissance que nous rejoignons la revue Foi et Vie, saluant l’intérêt de son comité de rédaction pour le champ de réflexion que nous avons ici esquissé.

Marc Frédéric Muller

 

Le sommaire de ce Cahier d’études missiologiques et interculturelles

Pour aller plus loin :
image_pdfimage_print