L’enseignant et théologien français, envoyé par le Service protestant de mission, avait été assassiné au Cameroun le 8 juillet 2012. Un article publié par l’hebdomadaire Réforme le 13 janvier 2021

Palais de justice de Paris © Benh LIEU SONG, licence creative commons, Wikimedia Commons

L’enseignant et théologien français, envoyé par le Service protestant de mission, avait été assassiné au Cameroun le 8 juillet 2012.

Le tribunal judiciaire de Paris a rendu une ordonnance de non-lieu dans l’affaire portant sur le meurtre d’Éric de Putter, jeune théologien assassiné en juillet 2012 sur le campus de l’Université protestante d’Afrique centrale (Upac), à Yaoundé au Cameroun.

Le juge d’instruction, qui enquêtait sur cette affaire depuis 2012, avait adressé une demande d’entraide pénale aux autorités camerounaises, précisent les avocats Apolline Cagnat et William Bourdon, qui représentent la famille d’Éric de Putter. Mais après de “multiples relances” et malgré l’accord de coopération judiciaire signé entre la France et le Cameroun, cette demande est restée lettre morte.

Dénonciations de corruption

“Ce refus catégorique des autorités camerounaises d’exécuter la demande d’entraide a empêché l’autorité judiciaire française de mener les investigations utiles, et donc d’identifier les responsables de l’assassinat d’Éric de Putter, détaillent les avocats. Personne ne pouvant être poursuivi, le juge d’instruction n’a eu d’autre choix que de rendre une ordonnance de non-lieu.”

Pour les proches du jeune théologien, envoyé par le Service protestant de mission (Défap), Éric de Putter a été assassiné pour avoir dénoncé à plusieurs reprises le fonctionnement de l’université. “Nous pensons que ce refus de coopérer, en violation donc de l’accord de coopération judiciaire, trouve sa source dans les dénonciations de corruption au sein de l’Upac par Éric de Putter avant son décès, qui d’évidence sont à l’origine de son assassinat, soutiennent les avocats. La diplomatie française a été interpelée à plusieurs reprises. Nous nous interrogeons nécessairement sur le fait qu’un tel refus puisse être ainsi a priori laissé sans suite et donc sur les démarches et actions qui ont pu être celles de la France pour convaincre le Cameroun de coopérer, et tout simplement donc d’exécuter une convention dont il est signataire.”

Ne pas oublier

Au Défap, on confie toujours travailler à “garder vive” la mémoire de ce drame “pour ne pas oublier”. “Le Défap a toujours souhaité se constituer partie civile dans cette affaire, non pour se substituer à la famille, mais pour que la justice française n’abandonne pas le dossier en arguant de trop nombreuses difficultés, confie Basile Zouma, son secrétaire général depuis juillet 2019. Mais la justice française nous l’a refusé.”

Avant sa mort, Éric de Putter avait formulé des critiques virulentes contre l’Upac, et plus spécifiquement contre le climat de corruption qui y régnait. Le Défap collabore toujours avec l’université aujourd’hui, pour des raisons qu’explique son secrétaire général : “C’est une question que nous avons prise très au sérieux, car la corruption est en effet endémique au Cameroun, indique Basile Zouma. Mais si nous avions coupé les ponts, nous aurions abandonné à la vindicte les individus qui luttent de l’intérieur pour la justice et pour une société plus égalitaire. Nous avons décidé de continuer à soutenir leur combat, qui est essentiel.”

Le manque d’éléments nouveaux

Reste que pour la famille et les proches du théologien protestant, cette décision judiciaire tombe comme une nouvelle désillusion. “Ce non-lieu ne met pas un terme à la possibilité d’identifier un jour les responsables de l’assassinat d’Éric de Putter, déclarent toutefois maître Apolline Cagnat et maître William Bourdon. Mais il faudrait que des éléments nouveaux apparaissent pour conduire à la réouverture de l’enquête.”

Par Louis Fraysse

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