Un nouveau séisme a frappé Haïti le 24 janvier, à 8h16 heure locale, dans le département de l’Ouest, non loin de Port-au-Prince. Si la secousse, d’une magnitude comprise entre 5,2 et 5,4 selon les premières données, laisse espérer que les dégâts restent limités, ce tremblement de terre n’en ravive pas moins le souvenir de celui, destructeur, de l’été dernier… et surtout celui du 12 janvier 2010, qui avait fait plus de 280.000 morts il y a tout juste 12 ans. À l’occasion de ce terrible anniversaire, retrouvez ce témoignage de Kettia Jérôme : lors de la catastrophe, elle était dans un orphelinat. « Il n’y avait plus d’espoir », raconte-t-elle. Cet espoir, si elle l’a retrouvé, c’est grâce à l’aide venue de France via La Cause et le Défap, qui lui ont permis de poursuivre et de mener à bien des études de médecine.

Suite au séisme de 2010, grâce au soutien du protestantisme français, des écoliers défavorisés ont pu bénéficier d’aides et poursuivre des études. Ici, Kettia Jérôme, photographiée en 2011 © Sophie Reille pour Défap

« Je me souviens. J’étais à l’église, en train de suivre une étude biblique, quand j’ai commencé à sentir la terre en train de se mouvoir. Au commencement, je pensais que c’étaient des bulldozers, des chars de guerre qui passaient sur la route devant l’orphelinat où je vivais, parce qu’on sentait trembler la terre à chacun de leurs passages. Des gens commençaient à courir, à sortir de l’église. Moi je suis restée assise parce que je ne comprenais pas vraiment ce qui se passait. Quelques instant après, je n’ai plus rien ressenti. Tout le monde avait été jeté par terre. Alors j’ai voulu me relever… Hélas ! J’étais coincée sous le béton. Plus personne ne pouvait sortir.

Après quelques minutes, puisque tout semblait s’être calmé, des gens sont venus nous retirer de sous les décombres. C’est alors que j’ai entendu dire qu’il y avait eu un tremblement de terre. La plupart d’entre nous n’avions que des écorchures sur tout le corps. Mais un petit garçon de quatre ans a été retrouvé mort sous les ruines. Sa mère l’avait emmené à l’orphelinat un mois après sa naissance. Je m’attendais à entendre des cris, mais il y n’y a eu qu’un silence assourdissant.

Le pasteur Luc Tondreau et sa femme, fondateurs de l’orphelinat, nous ont dit que ce n’était pas prudent de rester debout. Alors nous nous sommes tous réfugiés dans la cour de l’orphelinat.

À chaque secousse tout le monde criait : « Jésus, Jésus… »

Kettia Jérôme, photographiée en 2013 © Sylvain Cuzent pour Défap

La plupart des gens du quartier sont venus nous rejoindre. C’est là que nous avons dormi cette nuit-là. Par la suite, nous avons passé des jours et des nuits à la belle étoile… Je crois que ça n’était jamais arrivé auparavant. On était couché par terre et lors des répliques, on pouvait sentir les secousses au plus profond de soi. La nuit était froide, on avait l’impression qu’il allait pleuvoir. Cette première nuit a été la plus longue que j’aie jamais connue. Tout le monde chantait, priait Dieu pour lui demander pardon parce qu’on pensait que le séisme était la conséquence de notre mauvaise conduite et à chaque secousse tout le monde criait : « Jésus, Jésus, Jésus… ».

Ce qui m’a le plus marquée pendant cette période, ce sont ces camions que je voyais passer tous les jours, remplis de cadavres que l’on allait les jeter dans une fosse commune à Titanyen [localité située au nord de Port-au-Prince, NDLR]. La ville était détruite, couverte de débris et de morts. Il me semblait qu’il y avait plus de morts que de survivants, toutes les activités à Port-au-Prince étaient interrompues.

A l’orphelinat, il n’y avait plus d’espoir, nous vivions dans une misère totale. Mais après quelque temps, nous avons eu la chance de rencontrer des étrangers français, envoyés du Défap et de La Cause en Haïti : parmi eux, le pasteur Philippe Verseils, le Dr Jean Déaux (Mon Parrain) et Madame Fabienne Mühlemann qui de leur côté ont fait le suivi de notre cas. Le Défap et La Cause ont envoyé des aides d’urgence telles que : nourriture, eau potable, soutien aux écoliers, aux orphelinats, aux étudiants… Beaucoup de gens, dont je fais partie, ont bénéficié de leur aide dans le pays. Grâce à ce soutien, j’ai eu la chance de rentrer à l’université : lorsque j’ai terminé mes études classiques en 2009, l’orphelinat n’avait pas de moyens financiers suffisants pour me permettre de poursuivre mon cursus. Mais avec l’aide que j’ai reçue, j’ai pu entrer en faculté de médecine. »

Kettia Jérôme

Le Défap et la Plateforme Haïti
Des liens privilégiés existent de longue date entre la Fédération protestante de France (FPF) et la Fédération protestante d’Haïti (FPH). Le passage de quatre tempêtes dévastatrices sur le territoire haïtien en 2008 (Fay, Gustav, Hanna et Ike) s’était traduit par la création de la Plateforme Haïti, regroupant divers acteurs du monde protestant sous l’égide de la FPF. En 2010, au moment du tremblement de terre qui devait faire plus de 280.000 morts, les réseaux protestants étaient donc bien en place, et la solidarité avait trouvé rapidement des canaux pour s’exprimer. Le président actuel de la Plateforme Haïti est le pasteur Rodrigue Valentin, de l’Église du Nazaréen, et sa coordination administrative est assurée par le Défap. La Plateforme rassemble les acteurs suivants :

 

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