Le Défap, c’est, depuis 50 ans, une relation entretenue entre Églises au près et au loin. Une relation qui passe par des projets, montés en concertation avec les Églises bénéficiaires et à leur initiative ; et par des envois de personnes qui obéissent à la même logique. C’est précisément cette logique, et ce fonctionnement en réseau, au sein d’un écosystème d’Églises, qui a conduit le Défap à s’impliquer de longue date dans des projets en lien avec la sauvegarde de la création, bien avant que cette thématique ne donne naissance à des opérations symboliques comme le label Église verte.


De quelle manière l’action du Défap se rend-elle visible dans les Églises ? Par des projets mettant en lien des communautés par-delà les frontières ; par des échanges de personnes – envoyés, boursiers, mais aussi enseignants… La thématique de la sauvegarde de la création, de plus en plus présente dans les préoccupations exprimées par les Églises en France et en Europe, ne semble pas, au premier abord, être typique de la « marque de fabrique » du Défap. Et pourtant…

Depuis sa création en 1971, le Défap est en lien, en réseau avec de nombreuses Églises du Sud (Afrique ou Océan Indien) ; or dans ces pays, les Églises ont un rôle social qui va très au-delà de celui généralement admis pour les Églises en France. Elles ont leurs écoles, leurs hôpitaux, leurs projets… et occupent des rôles dans la société qui, dans notre pays, reviendraient plutôt au milieu associatif. Les Églises sont donc directement en prise avec les problèmes les plus criants de la société ; et dans de nombreux pays du Sud, les défis climatiques sont, non pas une source d’inquiétude pour l’avenir, mais un problème majeur aujourd’hui même. On peut penser à la manière dont la désertification progresse dans les régions sud-sahéliennes, aux problématiques de déforestation à Madagascar (aggravées par des trafics encouragés par la corruption ambiante) ou encore à des phénomènes météo extrêmes comme ceux qu’a pu connaître le Mozambique, frappé en 2019 en mars, puis en avril par deux tempêtes dont chacune avait revêtu une ampleur inédite dans l’histoire du pays. De par ces relations, le Défap a été logiquement amené à soutenir des réflexions et des projets directement en prise avec les questions environnementales.

Sauvegarde de la création : comment le Défap s’implique (en vidéo)

 

Le Défap est ainsi un des membres fondateurs du Secaar, (Service chrétien d’appui à l’animation rurale), un réseau de dix-neuf Églises et organisations chrétiennes d’Afrique et d’Europe, présent dans une douzaine de pays. Le Secaar cherche à promouvoir l’être humain dans toutes ses dimensions : spirituelle, sociale et matérielle. Ses actions se déploient selon cinq axes de travail : le développement intégral (considérer l’être humain comme une créature avec des besoins matériels mais également relationnels et spirituels), l’agroécologie (maintenir les équilibres des écosystèmes), le climat et l’environnement (système alimentaire mondial plus juste, avec respect de l’environnement), les droits humains (promotion de la dignité humaine et accès équitable aux ressources), et la gestion de projet (accompagnement et/ou suivi). Des priorités et des axes de travail qui trouvent de forts échos aujourd’hui dans toute la réflexion développée au sein des Églises sur la justice climatique. Au-delà de son soutien aux projets, aux ONG ou aux Églises membres, il cherche à apporter une réflexion théologique aux acteurs de développement et une réflexion sur le développement aux théologiens. Des actions pour lesquelles il travaille en collaboration régulière avec le Défap et son homologue suisse, DM-échange et mission.

Le bureau du Secaar

Au Défap, la préoccupation de la sauvegarde de l’environnement se retrouve aussi à travers divers projets récents : c’est le cas du soutien apporté à l’association Abel Granier, qui intervient en Tunisie sur les problématiques de désertification. L’association apporte son aide à différents acteurs de terrain : exploitations agricoles, coopératives et fermes écoles. Elle soutient aussi des étudiants en agronomie et les aide à s’installer comme agriculteurs sur des terres à réhabiliter. L’association met en œuvre une formation pratique et continue pour une agriculture respectant l’environnement, pour la préservation des sols vivants, et pour le bien être des hommes et des femmes. Cette action de formation s’exerce principalement en Tunisie, car c’est l’un des pays les plus exposés actuellement aux risques aggravants de désertification due au réchauffement climatique : une augmentation des températures de 2 degrés sur les dix dernières années a été constatée (Rapport de la FAO – 2010 et mars 2016), avec une perte de 15 000 ha/an par stérilisation progressive des sols.

C’est encore le cas du partenariat établi avec l’ALCESDAM, Association pour la Lutte Contre l’Érosion, la Sécheresse et la Désertification au Maroc, qui depuis trente ans intervient dans les zones de palmeraies de la province de Tata. Il est à noter que l’Église Évangélique du Maroc, partenaire du Défap, est membre fondateur de cet organisme. Ce qui illustre bien le rôle des Églises dans de nombreux pays du Sud en proie aux défis du réchauffement climatique : les défis sociaux concernent directement les Églises…

Le Défap a aussi régulièrement des envoyés au sein du projet Beer Shéba à Fatick, au Sénégal, centré sur l’agro-foresterie durable. Ses fondateurs sont Heesuk et Eric Toumieux, présents au Sénégal depuis une vingtaine d’années. Ils ont été envoyés du Défap en VSI de 2009 à 2015 pour Eric et à partir de 2015 pour Heesuk.

Cet aspect de réseau, d’écosystème, d’interactions, explique que le Défap ait pu inscrire les questions de sauvegarde de la création dans son programme de travail, sans avoir de manière visible élaboré une réflexion propre sur l’écologie. Le programme de travail établi en 2015, et qui a été prolongé jusqu’en 2020, énonce ainsi : «Nous invitons chaque personne, quels que soient ses origines ou son passé, à participer avec nous à la mission de Dieu qui est de travailler à la transformation et à la réconciliation de la Création tout entière, notamment en portant les préoccupations écologiques contemporaines.»

Le «mini-forum» de Condé-sur-Noireau (septembre 2019)

Cette réflexion sur les enjeux écologiques se retrouve aussi dans les forums régulièrement organisés par le Défap. Il y a en moyenne un «grand» forum organisé tous les quatre ans (le prochain, qui aura lieu en avril, tournera autour des enjeux de la mission aujourd’hui) ; et plus récemment, le Défap a initié des «mini-forums» – non pas petits par leur ambition ou leur thématique, mais simplement pour signifier qu’ils sont organisés, non au niveau national, mais au niveau régional ou consistorial. Les préoccupations environnementales y ont toute leur place. C’était déjà le cas lors du «mini-forum» du Défap en région CAR, organisé en octobre 2018 avec le réseau Bible et création. Pratiquement un an plus tard, fin septembre 2019, les questions liées à l’environnement et à la sauvegarde de la création se sont retrouvées au centre du forum organisé à Condé-sur-Noireau pour la région Normandie, et qui tournait autour d’un thème directement inspiré d’une citation de Gandhi : «Vivre simplement pour que d’autres puissent simplement vivre». L’occasion pour les participants de s’interroger sur leur engagement en faveur de la création. Et sur ses implications concrètes et quotidiennes. Comment avoir un discours qui ne cache pas la gravité des enjeux, mais qui puisse en même temps motiver au lieu de décourager ? Parmi les intervenants chargés d’introduire les débats devant la centaine de participants, on pouvait noter la présence de Martin Kopp, qui a été chargé de plaidoyer de la Fédération luthérienne mondiale pour la «justice climatique» et qui préside aujourd’hui la Commission «Écologie et justice climatique» de la Fédération Protestante de France.

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