Par leurs lettres de nouvelles, les pasteurs, en mission hors de France, partagent leur vécu et leurs questionnements, dans le contexte de la pandémie de Covid19. Comment faire Église ensemble tout en restant confiné ? Comment vivre et partager l’Évangile ?

 

Pierre Thiam est VSI à Djibouti comme directeur du centre social ainsi que pasteur de l’Église protestante évangelique de ​Djibouti (EPED).

On a presque tout vu ou tout entendu avec cette pandémie de Covid19. S’il ne s’agit pas d’un virus fabriqué de toute pièce, il est un nouveau signe donné par Dieu pour appeler son peuple à revenir à lui ou une nouvelle accusation à l’encontre des animaux comme les pangolins, les chauves souris, etc. Que tout ce qui se dit soit vrai ou faux, ce qui est sûr, c’est que ce petit « machin de virus » pour emprunter l’expression d’un internaute, est entrain d’abimer le monde.

Ce virus a bloqué le monde. Par un jour de confinement, mon attention a été attirée par un bruit venant de ma toiture. Je sors pour voir ce qui se passe et je découvre que ce sont deux corbeaux qui se battent. Accrochés l’un à l’autre, ils tombent d’un coup de la toiture comme une boule noire pour reprendre leur envol dans une liberté dont rien ne fixe les limites. C’est alors que je me suis rendu compte que ma liberté à moi, homme, ne tenait qu’à un communiqué publié le 20 Mars et précisant : « Afin de renforcer le dispositif de prévention, le gouvernement a pris des mesures supplémentaires : fermeture des établissements scolaires, fermeture des mosquées, interdiction des activités sportives … Il est également conseillé par mesure de précaution d’éviter tout rassemblement. »

Jusque-là tout semblait bien aller mais l’apparition des deux premiers cas testés positifs, le 23 mars, a ouvert une longue période de confinement. Depuis ce jour, ce petit « machin de virus » s’est installé avec armes et bagages à Djibouti, défiant toutes les mesures de prévention. De l’interdiction des vols commerciaux au départ ou à l’arrivée de Djibouti à la fermeture des lieux de cultes en passant par l’interdiction des rassemblements et le confinement général, rien ne semble l’affecter ; pas même les gestes barrières répétés à longueur de journée pour sensibiliser la population.

Présents à Djibouti depuis plus de deux ans, c’est la première fois que nous vivons cette situation, dans un pays où chacun pouvait sortir à tout moment et faire ses courses dans une liberté que me rappelle celle des deux corbeaux sur le toit. Mais, maintenant, comme beaucoup d’autres, me voilà donc contraint à ne faire qu’une seule chose : « rester chez moi ». Toutes les activités étant aux arrêts dans le centre social et la paroisse, je ne puis m’empêcher de regarder chaque matin les oiseaux qui « refusent » d’être confinés. Libres de tout mouvement, les voilà qui voltigent du matin au soir sans se soucier du coronavirus comme pour dire aux humains : « c’est le temps du tout autrement : restez chez vous ». C’est ce que je fais, pour :

– repenser autrement le maintien des liens avec les paroissiens à travers les cultes en ligne

– repenser autrement l’accompagnement des enfants dans la suite des cours avec le e-learning.

– faire autrement du sport en montant et descendant les escaliers.

– m’accorder un peu plus de temps pour la lecture et m’occuper un peu du jardin.

– être davantage en relation avec ma famille, au pays, qui s’inquiète aussi malgré qu’elle vive la même situation que nous.

Et puisque ce petit « machin de virus » traine encore par ici, restons confinés comme tant d’autres à travers le monde, et vivons autrement, car il nous oblige à accepter de manière stoïque la pandémie. Pauvre de petit « machin de virus », Jésus nous demande d’aimer nos ennemis, mais toi, nous ne t’aimerons jamais.

 

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