Par leurs lettres de nouvelles, les pasteurs, en mission hors de France, partagent leur vécu et leurs questionnements, dans le contexte de la pandémie de Covid19. Comment faire Église ensemble tout en restant confiné ? Comment vivre et partager l’Évangile ?

 

Olivier Déaux est pasteur aux Antilles pour les Églises de Guadeloupe et Martinique ainsi qu’aumônier des prisons.

Je vous écris depuis la Guadeloupe, aux Antilles.

Quelques mots et réflexions dans ce temps si particulier de confinement, dans une région où, habituellement, on profite de la nature, des plages et des montagnes, du contact avec une population ouverte et joyeuse. Eh bien, tout cela, c’est fini !

Nous avons perdu nos repères, nous sommes déboussolés, le quotidien se trouve bousculé avec le confinement dû à l’épidémie. D’abord le silence de la ville, troublant et apaisant mais aussi inquiétant. Les rues se sont vidées de leurs voitures, le ronron de la ville s’est tu, d’autres bruits que nous ne remarquions pas auparavant, se font entendre. Les animaux sauvages pointent leur nez. Une drôle de paix, un calme fragile. Parce qu’en même temps ce silence n’est pas « normal », il est presque inquiétant; il n’y a pas de raison pour que la vie s’arrête. Un silence de mort ? Non, un silence d’attente, un silence en point d’interrogation à l’image des conséquences de cette épidémie dont l’homme n’a pas la maîtrise, submergé par la vague.

Nous sommes privés de mouvement, confinés à la maison sans contact avec autrui. Nous devons repenser notre vie dans ce contexte particulier. Cela dit, pour notre communauté chrétienne – c’est aussi vrai pour toute communauté – nous ne pouvons pas vivre sans lien, sans prier, sans chanter, sans louer Dieu. L’Église n’a d’existence qu’au travers les hommes et les femmes qui rendent témoignage à l’Évangile de Jésus Christ, Évangile incarné dans « la communauté de foi ».

Dans l’impossibilité de se rencontrer et de se rassembler, notre communion et notre foi doivent employer d’autres outils. Nous nous sommes mis à la vidéo, aux cultes et aux temps de prières filmés, à regarder ensemble à une heure que l’on se fixe… ou pas. Le CP a tenu sa réunion en vidéo-conférence dans le souci de poursuivre la marche de l’Église en partageant des nouvelles des uns et des autres. On sensibilise nos frères et sœurs aux difficultés financières…

« Rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ », c’est un peu ce que nous essayons de mettre en pratique. Il est notre Unité, notre Communion. Notre prière collective via les réseaux est ce lien qui nous unit à lui et entre nous. Cette épreuve d’isolement qui nous montre combien nous sommes des êtres sociaux, doit nous faire réfléchir aux priorités que nous nous donnons. La croissance à tout prix est remise en cause et cependant elle est la source de revenu des travailleurs. Repenser le collectif avec ses priorités : éducation, santé, accompagnement des plus faibles…  oui, mais cela prendra du temps. Une conversion profonde.

J’ai entendu ce propos dans un petit film qui m’invite à méditer « la destinée de l’homme est dans son cœur et pas dans ses mains ». Nous ne sommes pas tout-puissants, un virus infiniment petit a grippé le moteur qui fait tourner le monde. Le savoir comme le pouvoir ne ne sont pas une fin en soi mais cette vie que nous partageons sur tous les endroits du globe.

Notre plus grande force c’est le lien que nous avons entre nous. L’amour est la seule chose qui se multiplie quand on le partage. Le Christ nous a déjà donné la route à suivre : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même. »

Que cette épreuve ne laisse pas de traces trop profondes là où vous résidez.

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