Nouveau retour sur le colloque du Défap, qui s’est tenu le 11 octobre au 102 boulevard Arago, à Paris : nous reprenons ici l’intervention de Frédéric de Coninck, professeur de sociologie et membre d’une Église mennonite de région parisienne, qui s’interroge sur la manière dont les transformations de notre société influent sur les nouveaux enjeux de la mission. Cette intervention a été diffusée par Fréquence Protestante dans l’émission «Vendredi culture».

Intervention de Frédéric de Coninck © Défap

 

«Quel défi pour la mission dans nos sociétés éclatées ?»

«Vendredi culture», sur Fréquence Protestante

 

«Si proche et si loin les uns des autres : quel défi pour la mission dans nos sociétés éclatées ?» Derrière cette question, qui donnait son titre à l’intervention de Frédéric de Coninck lors du colloque du 11 octobre du Défap, s’en profile une autre, sous-jacente : celle de la proximité géographique par rapport à la proximité sociale. Il y a aujourd’hui un brouillage complet sur ce plan dans notre société. On peut vivre côte à côte, mais sans se connaître.

Depuis les années 70, analyse Frédéric de Coninck, on assiste dans nos sociétés à un double mouvement : ce qui est loin devient proche (ce qui représente autant d’opportunités pour la mission) ; mais parallèlement, ce qui est proche géographiquement s’éloigne…

Le loin est devenu proche :

  • Les moyens de transport rapides se sont démocratisés. De 1995 à 2000, l’usage de la voiture a été multiplié par 10. On peut désormais fréquenter une Église loin de chez soi, sans aller dans celle qui est la plus proche géographiquement.
  • Les migrations dans l’UE sont devenues bien plus faciles.
  • Les moyens de télécommunication ont explosé (plus précisément à partir de 1997 : l’usage des téléphones portables et celui d’internet ont décollé la même année).
  • Les cultures se diffusent au-delà de leurs frontières d’origine. Aujourd’hui, on peut avoir des connaissances culinaires, ou de musiques, ou de publications, venues de l’autre bout de la planète.
  • Les dynamiques économiques, les problématiques écologiques, les épidémies, le terrorisme international, la circulation de l’argent noir, nous connectent les uns aux autres. Avec quelles conséquences pour la mission ? Un des aspects de la mission, c’est aussi l’interpellation du politique; mais désormais, de quel politique parle-t-on ? On est face à des problématiques communes, globales; si on veut être pertinent aujourd’hui en matière de mission, il faut pouvoir l’annoncer, littéralement, «jusqu’aux extrémités de la terre»…

Parallèlement, le proche est devenu loin : ce qui représente un point dur.

  • L’idée d’une culture dominante telle que la voyait Bourdieu est moins évidente… Pour chacun de nous, les référents se sont multipliés (nous n’avons plus une culture homogène).
  • Nos appartenances sociales se sont entrecroisées : disparition de l’appartenance à des cercles concentriques.
  • Les leaders d’opinion sont multiples : il n’y a plus de leaders capables d’entraîner une société entière.
  • Les appartenances sociales se sont émiettées : est-ce une chance, ou une difficulté pour se rendre proche de l’autre ?

Désormais, l’ailleurs est près de chez nous : nous nous sentons proches de personnes qui habitent loin (car ayant les mêmes référents, les mêmes manières de s’exprimer), mais loin de personnes qui habitent près (on dit à peine bonjour à celui qui habite en face). Ce qui pose le défi de l’incarnation dans un tel contexte. Même en Église locale : au sein d’une même paroisse, où l’on se connaît depuis longtemps, il peut y avoir des frottements…

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