L’arrivée de réfugiés syriens et irakiens à l’aéroport de Roissy, le soir du jeudi 3 octobre, était doublement symbolique : non seulement parce qu’avec ce dix-neuvième accueil organisé dans le cadre des couloirs humanitaires, on approche des 400 personnes accueillies en France grâce à ce dispositif ; mais aussi parce que cette arrivée coïncidait avec le sixième anniversaire du naufrage de Lampedusa, une catastrophe qui avait vu la mort de 366 migrants.
Arrivée à Paris de familles syriennes et irakiennes, 3 octobre 2019 © Communauté de Sant’Egidio
Le 3 octobre 2013, une embarcation provenant de Libye et transportant environ 500 migrants, principalement des Somaliens et des Érythréens, faisait naufrage près de Lampedusa, à proximité de la Sicile. La catastrophe provoquait 366 morts, faisant de ce naufrage la deuxième plus grande tragédie en Méditerranée depuis le début du XXIème siècle. Seules cent 55 personnes avaient pu être secourues. «C’est un drame européen, pas seulement italien», déclarait alors le ministre italien de l’Intérieur de l’époque, Angelino Alfano. Trois semaines plus tard, le Conseil européen se prononçait en faveur du renforcement du rôle de Frontex, l’agence de surveillance des frontières extérieures de l’Europe, et annonçait la mise en place d’une «task force pour la Méditerranée» pour éviter de nouveaux drames.
Six ans plus tard, la situation ne s’est pas améliorée, bien au contraire. Au moment du drame de Lampedusa, les organisations internationales estimaient à 20 000 le nombre de victimes de l’émigration vers l’Europe en vingt ans. Aujourd’hui, c’est plus de 34 000. Un scandale d’une telle ampleur qu’en juin 2018, l’ONG néerlandaise United for intercultural action a publié les noms des 34 361 migrants morts en Méditerranée à cette date, une liste reprise par trois grands quotidiens européens : The Guardian au Royaume-Uni, Der Tagesspiegel en Allemagne et Il Manifesto en Italie. Sans réussir à inverser la tendance : en 2018, plus de 2 260 migrants ont trouvé la mort en tentant de traverser la mer. Et pourtant, des motifs d’espérer existent.
Près de 400 personnes accueillies en France
Car le jour anniversaire du naufrage de Lampedusa, ce 3 octobre 2019, un groupe de réfugiés syriens et irakiens a été accueilli en soirée à l’aéroport de Roissy. Ils faisaient partie du 19ème voyage organisé depuis le Liban dans le cadre des couloirs humanitaires. Désormais, on approche des 400 personnes accueillies en France par le biais de ce dispositif qui engage les collectifs de la Fédération protestante de France, de la Fédération de l’Entraide protestante, de la Conférence des évêques de France et du Secours catholique – Caritas France.
Ce programme est directement inspiré d’un exemple italien associant la Fédération des Églises évangéliques italiennes et la communauté catholique de Sant’Egidio. Il a pour objectif l’accueil de personnes vulnérables se trouvant dans les camps au Liban, indépendamment de leur appartenance religieuse ou ethnique. Il est régi par un protocole d’entente signé à l’Élysée et qui associe les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères à cinq partenaires issus du milieu des Églises. Ces personnes sont accueillies légalement dans le réseau de la FEP et de ses partenaires locaux, et n’arrivent en France qu’une fois assuré leur accueil dans de bonnes conditions par un collectif d’accueil local. Des collectifs et des hébergements pour lesquels se sont mobilisés nombre de bénévoles issus de l’Église protestante unie de France (EPUdF) ou de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (UEPAL), deux des unions d’Églises constitutives du Défap. À Beyrouth même, une envoyée du Défap, Soledad André, a participé à l’organisation des couloirs humanitaires en tant que chargée de mission de la FEP.
Ci-dessous, Isabelle Yard, présidente du collectif d’accueil de Combas, témoigne de son engagement en tant qu’hébergeur :
«C’est dans ces moments où il semble le plus difficile d’accueillir, que les promoteurs des corridors humanitaires en France (…) ont vu au contraire se développer la solidarité, grâce à la générosité de nombreux Français, avec un engagement volontaire et gratuit», souligne la communauté de Sant’Egidio, qui a publié les photos de cette dix-neuvième arrivée à Roissy. Une situation qui, au-delà de l’Italie et de la France, interroge toutes les Églises européennes, dont beaucoup ont commencé à s’engager en faveur d’un accueil plus humain des réfugiés. En France, la FEP et les associations partenaires du projet ont publié récemment une première étude sur les familles arrivées en France depuis juillet 2017.