Daniel Cremer était parti en mission de Service Civique avec le Défap au cours de l’année scolaire 2012-2013, comme assistant d’éducation à l’école primaire protestante Kallaline, en Tunisie. Il était alors étudiant à l’université Joseph Fourier, à Grenoble. À son retour, il était devenu lauréat de l’Institut du Service Civique (rebaptisé aujourd’hui l’Institut de l’Engagement) et avait intégré l’École normale supérieure de Lyon en licence en Sciences de la Terre. Cinq ans après, il revient sur ce que cette période a apporté dans sa vie.Témoignage.

Daniel Cremer en 2014 © Défap

Vous faisiez partie de la première génération des volontaires du Service Civique. Cinq ans après, comment voyez-vous cette expérience ?

Daniel Cremer : Je vois cette période un peu comme une parenthèse dans ma vie. Une bulle, un temps à part… En même temps, elle m’a beaucoup apporté sur le plan personnel. J’ai toujours une pensée émue pour tout ce que j’ai vécu pendant mon Service Civique ; je suis toujours en contact avec des personnes que j’ai rencontrées à cette occasion, et nous échangeons régulièrement. D’une certaine façon, cette expérience m’a aidé à me construire ; ce que j’ai vécu et appris m’accompagne encore aujourd’hui. Ça se manifeste souvent dans des détails du quotidien, une chose que je vis et qui me renvoie à telle expérience, telle rencontre faite au cours de mon Service Civique. Pour donner un exemple, en ce moment j’habite à Marseille ; il y a un quartier que j’aime beaucoup, dans la vieille ville, qui est le quartier de Noailles. Il me rappelle la médina de Tunis, avec ses petits cafés, ses petits commerces. Il m’est arrivé d’y parler quelques mots d’arabe, et tout de suite, ça suffit pour permettre un échange : on me demande d’où me vient mon accent tunisien, et la conversation s’engage…

À votre retour de Tunisie, vous avez été lauréat de l’Institut du Service Civique (rebaptisé depuis l’Institut de l’Engagement). C’était une première forme de reconnaissance de votre travail effectué à l’école Kallaline… Que vous a-t-elle apporté ?

Daniel Cremer :  À l’époque, en 2013, l’Institut du Service Civique, qui avait été créé par la volonté de Martin Hirsch, en était à sa deuxième année. Il s’agissait d’accompagner les jeunes pour valoriser les compétences dont ils avaient su faire preuve à l’occasion de leur mission de Service Civique. Et de les aider à travers leur parcours universitaire et professionnel. J’ai déposé un dossier, j’ai été sélectionné ; on était 200, à ce moment-là. J’ai pu avoir une aide financière, et surtout bénéficier de l’accompagnement d’un «parrain» issu du milieu professionnel ; et j’ai pu assister à divers séminaires proposés tout au long de l’année – c’est à cette occasion que j’ai pu rencontrer, par exemple, Erik Orsenna, ou Najat Vallaud-Belkacem, qui était encore porte-parole du gouvernement… Pouvoir établir des échanges privilégiés avec une personne géographiquement proche, et qui fait partie du milieu professionnel dans lequel on aspire à travailler, c’est quelque chose de très important. Passer par l’Institut permet aussi de se créer un réseau – et c’est toujours intéressant de pouvoir confronter son expérience avec celle d’autres jeunes qui ont pu vivre des choses très différentes…

Le Service Civique a-t-il représenté un avantage dans votre vie professionnelle ?

Daniel Cremer :  Bien entendu, c’est quelque chose que je mentionne sur mon CV. Et qui représente un avantage réel, même s’il n’est pas quantifiable. À chaque fois que j’ai été amené à passer des entretiens, soit au cours de mon cursus universitaire, soit dans le milieu professionnel, j’ai pu constater que la mention de ma période de Service Civique permettait de me faire sortir du lot, sans nécessairement avoir à en dire beaucoup. Quand j’évoquais cette expérience, je me rendais bien compte que l’interlocuteur que j’avais en face de moi se faisait très attentif. S’engager dans un Service Civique, ça témoigne de certaines convictions et d’une volonté de s’engager dans la société, d’apporter quelque chose ; ça témoigne d’une réflexion par rapport au sens que l’on veut donner à sa vie. Et comme, aujourd’hui, le nombre de volontaires a augmenté de façon considérable, le Service Civique est de plus en plus reconnu.

Est-ce que vous recommanderiez aujourd’hui à un jeune de faire un Service Civique ?

Daniel Cremer :  Bien sûr ! Même si je pense que ça ne doit pas devenir une étape obligatoire ; s’engager dans un Service Civique doit plutôt refléter une démarche personnelle. Ça doit être le fruit d’une vraie réflexion, que chaque jeune est amené à entamer en se demandant ce qu’il peut apporter à la société, aux autres, quel sens il veut donner à sa vie… Dans mon cas, le Service Civique m’a aidé à répondre à ces questionnements. Puisqu’on a la chance, en France, d’avoir ce dispositif, autant l’utiliser. Même si, c’est vrai, il est parfois difficile d’identifier les missions qui pourraient nous correspondre, ou de trouver les bons interlocuteurs… Mais je pense que ça fait partie du nécessaire travail de recherche que chacun doit entamer un jour pour savoir ce qu’il veut faire et ce qu’il veut être. Au bout du compte, on en revient avec des souvenirs, des amitiés qui peuvent nous accompagner longtemps dans la vie. À mon sens, le Service Civique fait partie de ces expériences qui construisent toute une existence.

Propos recueillis par Franck Lefebvre-Billiez

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