A un an presque jour pour jour du référendum d’autodétermination prévu en Nouvelle-Calédonie en novembre 2018, la réunion du Comité des signataires qui s’est tenue à Matignon a permis de trouver un accord sur les listes électorales, un point de vives divergences entre les parties prenantes qui risquait de miner la légitimité même du scrutin. Interrogé par la radio RCF, le secrétaire général du Défap a souligné cette «très belle avancée» et la confiance qui a pu être établie par le Premier ministre avec les interlocuteurs. Mais les tensions restent fortes dans l’archipel et pour les désamorcer, «le rôle des Églises est essentiel» ; dans ce contexte, Bertrand Vergniol s’est félicité de la position adoptée par l’EPKNC vis-à-vis du scrutin qui devra, quel que soit le résultat du vote, être «un choix d’espérance pour le destin commun.»
Août 2017 : lors du synode de l’EPKNC en Nouvelle-Calédonie © Défap
S’il est une question révélatrice des tensions qu’éveille en Nouvelle-Calédonie l’approche du référendum d’autodétermination, c’est celle des listes électorales. Elle figurait en tête des sujets abordés lors de la seizième réunion du Comité des signataires qui s’est tenu jeudi et vendredi à Matignon. L’accord obtenu sur ce point au bout de plus de 9 heures de discussions marque une avancée cruciale. Non seulement parce qu’il a permis de lever les divergences portant sur l’inscription automatique de 11.000 personnes supplémentaires sur ces listes – 7000 de statut civil coutumier (kanak) et 4000 de statut civil de droit commun – mais aussi et surtout parce que le Premier ministre Édouard Philippe a su prendre le temps d’établir un dialogue dans la confiance.
Créé par l’accord de Nouméa signé le 5 mai 1998, le Comité des signataires se réunit sur convocation du gouvernement, à la demande des différents partenaires engagés dans l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, pour faire le point sur l’application de l’accord. Que ce soit à l’occasion des élections locales ou, comme c’est le cas aujourd’hui, pour préparer le référendum prévu d’ici novembre 2018, la question des listes électorales y était devenue récurrente. L’enjeu étant la représentation des Kanak lors des scrutins. Il existe ainsi en Nouvelle-Calédonie plusieurs corps électoraux, avec des listes électorales de droit commun et d’autres spéciales. Les listes de droit commun sont destinées aux élections à dimension nationale (présidentielle, législatives, européennes…) ; les listes spéciales permettent une restriction du corps électoral dans l’optique de l’organisation du référendum d’autodétermination prévu d’ici novembre 2018, et le principe en a été étendu aux scrutins locaux. Cette restriction a pour but de permettre une sorte de rééquilibrage en faveur des Kanak – principe à valeur constitutionnelle inscrit dans l’accord de Nouméa signé en 1988 – sachant que la population kanak est aujourd’hui minoritaire en Nouvelle-Calédonie. Cette évolution démographique s’explique par l’immigration encouragée par la métropole, qui s’est encore accélérée avec le «boom du nickel» de la fin des années 1960. Résultat : alors que la population kanak représentait 51,1% de la population totale en 1956, cette part était descendue à 46% en 1969 ; elle est de 39% aujourd’hui. Mais si le rééquilibrage électoral était clairement inscrit dans l’accord de Nouméa, ses modalités ont été depuis lors l’enjeu de farouches oppositions entre indépendantistes et non-indépendantistes.
L’EPKNC dans la société : un rôle stabilisateur
Pour aller plus loin :– Écoutez ci-dessous l’interview de Bertrand Vergniol sur RCF : – Nouvelle-Calédonie : aider au dialogue (conférence du Défap) – Nouvelle-Calédonie et protestantisme français : tisser des relations proches – ABS : Un programme de soutien aux étudiants de Nouvelle-Calédonie |
C’est dire l’enjeu, à la fois politique et symbolique, de ces listes électorales, et l’avancée représentée par l’accord obtenu à Matignon. Interrogé vendredi matin à l’antenne de la radio RCF, le secrétaire général du Défap, Bertrand Vergniol, a souligné cette «très belle avancée» en pointant l’importance de la relation que le Premier ministre a su établir avec ses interlocuteurs : «dans nos milieux d’Églises, on sait que la confiance est essentielle». Essentielle aussi «pour que le référendum soit le reflet de la volonté des Néo-Calédoniens». Il a rappelé que jusqu’alors, la situation avait tendance à patiner depuis les accords de Matignon en 1988, puis ceux de Nouméa dix ans plus tard : «Un des risques de la Nouvelle-Calédonie est de tourner sur elle-même», a-t-il souligné. «Le fait qu’une confiance ait pu être établie pour préparer ce référendum que tout le monde attend depuis trente ans, c’est essentiel». Mais il reste beaucoup à faire avant le référendum et les tensions sont fortes : «La violence est à fleur de peau, nous sommes dans une situation très fragile.» Il y a aujourd’hui «huit communautés différentes qui composent la Nouvelle-Calédonie, qui est donc toujours en quête d’un équilibre. Il faut se parler, il faut s’écouter ; c’est simple, c’est presque évangélique.» C’est pourtant le plus difficile «quand les armes ont parlé, que tout le monde se regarde en chien de faïence.»
Dans un tel contexte, «le rôle des Églises est essentiel», a souligné le secrétaire général du Défap. «D’abord parce que les Églises ont une place structurante dans la société. Ensuite, quand on entend des mots comme ceux de destin commun, pardonner… ce sont des thèmes chrétiens.» Et de rappeler ce propos d’Alain Christnacht, qui fut l’un des artisans du dialogue entre partisans et opposants à l’indépendance avant de devenir Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, de 1991 à 1994 : «selon lui, les valeurs calédoniennes sont un tissu des valeurs de la République, des valeurs chrétiennes et des valeurs kanak.»
Bertrand Vergniol a notamment souligné la position de l’Église Protestante de Kanaky Nouvelle-Calédonie (EPKNC) : «Elle vient de se prononcer, j’ai reçu le texte hier, je suis heureux de vous le dire : quel que soit le résultat du référendum, il faudra que ça aille dans le sens de l’émancipation des hommes. Elle ne prend donc pas parti dans le référendum de manière binaire pour ou contre l’indépendance, mais elle dit que ce choix démocratique doit être un choix d’espérance pour le destin commun. Cette perspective de l’EPKNC, avec les autres Églises protestantes, va jouer un rôle stabilisateur, et non pas jeter de l’huile sur le feu ; ça me semble de très bon augure pour toute la Nouvelle-Calédonie. L’EPKNC, c’est à peu près la moitié du peuple kanak ; ce qu’elle dit est écouté, il y a des mouvements de jeunes, et elle a un rôle d’éducation populaire, d’attention à l’autre qui est essentiel.»
Les rendez-vous du Défap de 2017 – 2018 :
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