Voici le discours de Jean-Arnold de Clermont, Président du Défap, lors de la cérémonie des voeux du Défap, le 13 janvier 2016.

 

Jean-Arnold de Clermont, lors de son discours, le 13 janvier 2016, DR

Jean-Arnold de Clermont, lors de son discours, le 13 janvier 2016, DR

 

Il semble relativement facile de formuler des vœux en ce début d’année 2016. La formule qui revient presque systématiquement est la suivante : « Je vous  souhaite une année 2016, meilleure que l’année 2015 ». Et avec la profusion de reportage médiatique ces derniers jours en commémoration des assassinats à Charlie Hebdo, à Montrouge et à l’Hyper Cascher de la porte de Vincennes, avec en mémoire superposée les assassinats de novembre  dernier, ces vœux semblent évidents. Nous nous souhaitons les uns aux autres une meilleure année 2016, même si une petite voix nous dit ‘croise les doigts… car cela pourrait être pire !’.  

C’est du moins ainsi que j’ai interprété une partie des vœux du Président Hollande le 31 décembre, relayé depuis par de nombreux politiques.

Mais cette façon de faire – s’appuyer sur la noirceur d’hier pour souhaiter la lumière demain – me semble néfaste à un double point de vue.

Hier n’a pas été que sombre ! Je ne peux réduire 2015 aux drames qui l’ont ponctué. Nous en sommes témoins – ou plutôt devrais-je dire : « nous avons à en être témoins » – l’année 2015 a été illuminée par des traits de lumière, par des signes de la grâce de Dieu… je n’en citerai qu’un, tout encore brûlant dans ma mémoire, que d’avoir vu l’Eglise protestante du Christ-Roi fêter Noël il y a quelques jours dans une atmosphère de paix retrouvée. Et je vous invite un instant à vous remémorer tel ou tel événement qui en 2015 vous a marqué et qui appartient au règne de la lumière, cette lumière qui brille dans les ténèbres et dont nous avons à être des reflets.

Ainsi mon premier vœux pour chacun de nous est que malgré la pression médiatico-politique, nous ne passions pas en profit et pertes ce que 2015 nous a offert de beau.

Mais plus encore, sans oublier un seul instant la dureté de notre monde, je veux nous souhaiter une année 2016 que nous sachions vivre avec les moyens que nous donne l’Evangile de Jésus-Christ. Je ne nous souhaite pas de passer loin des crises ou des troubles de ce monde, mais d’y apporter l’espérance de la foi. Je ne nous souhaite pas de passer loin des discours de rejet et de haine, mais d’y répondre en paroles d’apaisement, et en gestes d’accueil et de médiation. Je ne nous souhaite pas de nous tenir à l’écart de la pauvreté, mais d’y répondre par une solidarité accrue…  

En un mot, puisque ce sont elles qui s’inscrivent dans mon propos,  je nous souhaite de savoir relire et vivre les béatitudes avec modestie et avec confiance, tout au long de cette nouvelle année.

Nous avons choisi de la commencer sous le signe du Cameroun, ou plus précisément de l’Eglise Fraternelle Luthérienne du Cameroun et cela grâce à la présence de son président, le Pasteur Robert Goyek que nous avons invité à venir passer quelques temps en France.

Pourquoi cela ? Je pourrais multiplier les réponses tant nous avons de liens avec cette Eglise depuis des décennies, notamment à travers l’action de la Commission luthérienne des relations avec les Eglises outre-mer aujourd’hui intégrée au Défap, et tant il est important d’avoir des informations directes sur la vie de nos Eglises sœurs. Mais il y a plus.

La présence de Robert Goyek donne corps et visibilité aux vœux du Défap en ce début d’année 2016.
Depuis plusieurs années, dans ce nord-Cameroun menacé par celui que l’on appelle désormais le Groupe Etat Islamique en Afrique de l’ouest, ex- Boko Haram, Robert Goyek, qui suit avec attention l’infiltration d’un Islam Salafiste à travers notamment la création de madrasas, y répond de la seule manière qui convient  à une Eglise. Il appelle chrétiens et musulmans à être ensemble  sources de paix. Ainsi à Maroua était organisée en janvier 2013 une conférence internationale sur le dialogue islamo-chrétien, faisant écho aux multiples initiatives prises au Cameroun même pour promouvoir ce dialogue, la coopération entre chrétiens et musulmans sur le plan scolaire ou dans l’action sociale. Mais d’emblée, Robert Goyek nous a demandé de nous associer à ce travail, nous Eglises de France et d’Europe. En l’invitant aujourd’hui, le Défap tient à lui dire sa ferme résolution de répondre positivement à son appel.

Comment cela ?

Tout d’abord en s’informant et en relayant régulièrement l’information sur la situation au Nord Cameroun, au Tchad, au Nigeria ou au Niger. Nous avons à organiser une véritable veille médiatique sur cette région afin qu’elle ne soit pas oubliée. Car la vie de Camerounais, de Tchadiens, de Nigérians ou de Nigériens vaut autant que la vie de Syriens, de Kurdes, de réfugiés d’où qu’ils viennent ou d’Européens.

Et puis nous voulons continuer de manifester à l’égard de cette Eglise une solidarité active. Alors que, pour des raisons évidentes de sécurité, nous avons été dans l’obligation de faire revenir les envoyés qui travaillaient dans le domaine médical à Pouss, dans l’extrême nord du Cameroun, nous continuerons de soutenir les projets de développement qui viennent conforter le témoignage de cette Eglise.

Mais, plus encore, l’appel que nous a adressé le Président Goyek portait sur l’intelligence de la situation interreligieuse de toute la région. Elle est soumise aux pressions intégristes, ici islamistes, là néo-pentecôtistes. Il est de notre devoir d’apporter notre soutien à tout effort de recherche qui permet à nos Eglises sœurs d’annoncer l’Evangile face aux idéologies qui asservissent ceux-là même qu’elles disent libérer. Or nous bénéficions en France de nombreux chercheurs que nous pouvons mettre en relation avec la recherche de nos Eglises sœurs. Nous avons des engagements dans les pays limitrophes, des relations fraternelles que Robert Goyek nous engage à activer. Avec son histoire, avec ses relations, le Défap peut ainsi aider au rassemblement des forces de paix. En recevant le président Goyek c’est cet engagement que nous prenons.

Le Défap, vous l’entendez, en ce début d’année 2016, ne cède en rien à la morosité ambiante. A ceux qui se demandent si la mission est encore d’actualité il répond : « venez la vivre avec nous ; venez répondre à des appels comme ceux du Président Goyek ; et croyez-moi, il y en a bien d’autres… ». C’est d’ailleurs ce que je dis à chacun d’entre vous, ce soir. Nous avons besoin de votre engagement à nos côtés. Merci d’avoir répondu à notre invitation.

Jean-Arnold de Clermont

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