Une nouvelle réunion des Équipes Régionales Mission (ERM) a eu lieu le 7 janvier 2016. Ce fut l’occasion de parler des questionnements qui entourent la mission et du Forum qui aura lieu du 28 au 30 octobre 2016 à Sète.
Il a d’abord été question de quelques-unes des « trajectoires missionnaires », comme les appelle Claire-Lise Lombard, bibliothécaire du Défap, et en particulier d’Idelette Allier, envoyée comme institutrice au Cameroun en 1930, et de Daniel Broussous, médecin dans le même pays en 1945.
Tour de table, DR
Deux vocations au Cameroun
A 32 ans, Idelette Allier, fille du doyen de la Faculté de théologie protestante de Paris, décide de partir seule en Afrique, et plus précisément au Cameroun. Son objectif : « instruire et éduquer ». Elle va mettre en pratique sa formation, reçue à l’École de la Maison des missions – aujourd’hui, siège du Défap – et enseigner dans un lycée de jeunes filles, à Douala. Par rapport à l’ampleur des besoins auxquels elle se trouve confrontée, ce qu’elle apporte lui semble dérisoire : « la mission est d’abord l’école de l’humilité », écrit-elle au pasteur Daniel Couve, directeur de la Société des missions évangéliques de Paris (SMEP), l’ancêtre du Défap, avec lequel elle entretiendra une correspondance suivi tout le temps de son séjour.
Elle rentre en France en 1933 mais, très attachée – un mot qu’elle emploie souvent dans ses lettres – au pays, elle y repart une seconde fois, entre 1934 et 1936, comme institutrice dans l’arrière-pays, dans la région de Ndiki-Somo.
Lorsqu’elle rentre à nouveau à Paris, et bien qu’étant toujours profondément chrétienne, elle ne renouvelle pas son contrat avec la SMEP. En revanche, sa vie va prendre un nouvel essor : elle va devenir l’une des premières femmes ethnologue spécialiste du Cameroun, s’intéressant surtout aux langues et aux migrations des peuples. Vive et curieuse, elle n’hésite pas à remettre en cause les idées reçues et, surtout, le regard occidental de l’époque sur les « païens » et les « indigènes ».
Fils de pasteur lui aussi médecin, Daniel Broussous part exercer en 1945 dans l’ouest du Cameroun, en pays Bangwa, dans un hôpital de brousse. Amateur d’images, il réalise de nombreux petits films et des photographies des chefferies bangwa et du royaume Bamoun, dont l’essentiel est conservé dans les archives du Défap. Son regard est celui d’un homme qui s’intéresse aux peuples qui l’entourent, à leurs rites et traditions. Dans ses clichés, il cherche à capter l’émotion, la grandeur ou la convivialité qui sont le propre des communautés qu’il approche.
La mission, une question personnelle ?
Florence Taubmann, la responsable du pôle France, avait choisi de placer cette rencontre de janvier des ERM sous le signe de ce « retour vers le passé », car il est en lien avec le Forum de la fin de l’année à Sète : « Ce sont des histoires personnelles, explique-t-elle, des profils particuliers qui évoluent au fil de leur mission et se posent – et nous posent – des questions existentielles, si nous transposons leur expérience dans la période que nous vivons aujourd’hui. »
Partant, les ERM ont ensuite planché sur deux thèmes principaux : « la conscience missionnaire » et « la mission s’écrit au pluriel » (diversité des actions, des talents, des idées etc.). Aujourd’hui, la mission a changé : les envoyés sont au service d’institutions locales indépendantes, qui travaillent en toute autonomie. Ils ne font qu’apporter leurs compétences. En revanche, l’esprit d’ouverture et les questions liés au sens de leur engagement les habitent toujours.
Des questions plus que des réponses…
« Comment transformer la parole en action ? » « Comment la mission citoyenne peut-elle être liée à l’entraide ? » De toute évidence, il existe une dimension de la mission qui nous échappe… mais il faut savoir la faire évoluer, comme a pu le faire Idelette Allier : l’adapter à ce que nous sommes, à l’époque que nous vivons et au terrain où nous sommes envoyés. Pourquoi ? Parce que l’échange missionnaire, de nos jours, se fait sous le signe de la réciprocité : on reçoit autant que l’on donne.
Réunion des ERM, DR
D’autres questions ont alors surgi : d’où nous vient cet appel à croire ? Comment transmettre ce que l’on a reçu ? Quelle est la part d’héritage personnel qui pousse à la vocation ? Loin d’être une « simple adhésion à un projet, la conscience missionnaire est une rencontre, une ouverture vers autrui », analyse Florence Taubmann. D’où l’importance fondamentale de l’accueil mutuel.
« La mission est aussi liée aux personnes qui s’y engagent. Lorsque quelqu’un achève le temps qui lui est imparti, le projet peut s’arrêter. Mais il est aussi possible que d’autres personnes arrivent et viennent le pérenniser. C’est ça, la vie d’une mission. Elle est nécessairement vivante et liée à une, ou des vocations. Chacun est unique et différent de l’autre, mais l’Évangile nous unit tous. »