Eloïse Deuker est revenue en juin 2015 du Caire où elle a passé dix mois dans le cadre d’une mission du Défap et de l’ACO.
« Au terme de cinq années de théologie protestante, entre les facultés de Montpellier et de Strasbourg, je ressentais le besoin de faire une pause dans mon parcours universitaire et de répondre à l’appel et au désir de me mettre au service d’une mission à l’international. »
Eloïse est devenue une habituée de la mission à l’étranger : en 2008, elle est partie au Cameroun pour un mois et en 2011, au Togo pour deux semaines.
Eloïse, envoyée du Défap au Caire ©
Mission
« Je fais confiance au Défap et à ses actions », explique-t-elle. Elle aurait dû partir comme enseignante en Tunisie, mais un poste s’est libéré au Caire. Elle n’a pas résisté aux quarante siècles d’histoire de ce pays, elle s’y est rendue, avec une autre envoyée qui s’était engagée dans un orphelinat.
Pourquoi cette mission ?
Éloïse Deuker a de l’expérience dans le domaine de l’éducation : elle est diplômée en animation et a déjà enseigné le français. Mais « travailler en tant qu’enseignante [fut] une grande première ».
Eloïse et ses collègues du New Ramses College ©
Elle a donc pris son poste de professeur de français au New Ramses College, un établissement qui « dépend du Synode du Nil, principale Église protestante égyptienne ». Sa mission consistait « à prendre en charge l’apprentissage de l’expression orale en français, pour les classes équivalentes au CM1, CM2 et à la 6ème ».
Sans pour autant oublier sa « co-équipière » en poste à l’orphelinat : deux fois par semaine au minimum, elle s’y rendait pour assurer un soutien scolaire et/ou de l’aide à la vie quotidienne.
« La mixité est omniprésente »
Éloïse a beaucoup aimé le New Ramses College.
« Cette école a une particularité : la mixité est omniprésente. On y trouve de la mixité religieuse, car chrétiens et musulmans se côtoient dans le corps enseignants et chez les élèves. La mixité fille-garçon est aussi une caractéristique de cette école : contrairement à une grande majorité des établissements, tous apprennent ici à grandir ensemble. Enfin, dans certaines classes, on trouve une mixité entre les enfants ayant un handicap et ceux qui n’en ont pas. Dans cette société égyptienne fragmentée c’est, d’après moi, une bénédiction ! », écrit-elle.
Les élèves du New Ramses College © Albert Huber
Situation sécuritaire
Les premiers jours, Éloïse et sa collègue se sont retrouvées « sous le choc de la ville : immense, surpeuplée, sur-polluée, bruyante ».
Puis elles ont commencé s’y habituer, elles sont parties à la découverte de la métropole.
Bien sûr, Éloïse ne peut nier qu’il existe une « certaine instabilité politique ». Dans la presse, à la radio, au détour des conversations on apprend de temps à autre que des attentats ont eu lieu. Souvent, ils se produisent loin de la ville, près des frontières du Sinaï, notamment. Il faut avouer que ce genre de nouvelles crée une ambiance parfois tendue.
Mais la douceur de vivre orientale reprend vite le dessus et les deux envoyées se sont mises au rythme local. Elles ont rencontré des Égyptiens, avec qui elles ont sympathisé. Nombre d’entre eux avaient déjà voyagé en Occident. Elles se sont fait des amis européens au cours d’arabe.
Même si, bien souvent, elles étaient considérées comme des touristes et sollicitées par les mille et un petits vendeurs ambulants, elles ont su profiter de la vie de leur quartier, toujours très animée. « Nous étions comme des « extra-terrestres » car les gens ne sont pas vraiment habitués à avoir des résidentes étrangères à demeure, mais nous sommes parvenues à nouer des relations de voisinage, ce qui est très agréable », commente Éloïse.
Le New Ramses College © Albert Huber
« Vivre dans un pays musulman »
Par ailleurs, Éloïse a apprécié de vivre, pour la première fois de sa jeune existence, dans un pays musulman. Son regard sur les habitudes liées à l’islam a changé, y compris depuis son retour, « notamment sur les femmes voilées en France », explique-t-elle.
Bien sûr, elle a besoin de méditer sur son expérience de vie, mais déjà, elle sait que lorsqu’elle est arrivée avec son regard neutre sur ce pays qu’elle ne connaissait pas, elle y a « aspiré ce qu’[elle] a pu » et s’est mise « à l’écoute » des autres, la meilleure manière de s’imprégner de la vie locale et des coutumes d’autrui.
« Quand les gens pensent à l’Égypte, dit-elle, ils pensent au pays des pharaons. Ce qui m’a intéressée, c’est plutôt l’histoire contemporaine », comme « la situation de la communauté copte » ou « la manière de vivre l’islam au quotidien ».
Elle a également été touchée d’entendre discuter les jeunes, qui ont tous « des rêves pour leur pays ».
« Certains veulent partir, d’autres veulent rester et agir pour leur pays, c’est ce qui m’a touché le plus ».
« Au terme de cette année, qui a le plus appris ? Qui aura le plus enseigné à l’autre ? L’enseignante française ou les élèves égyptiens ? Si mes élèves sont aussi instruits que moi à la fin de cette année, je crois qu’il serait de bon ton de s’écrier « Al-Hamdoulillah » ! » N’est-ce pas la plus belle conclusion à laquelle puisse parvenir une envoyée ?