Bangui : «Se redresser, malgré tout»

  Défap : Vous accompagnez l’Église protestante Christ-roi de Centrafrique depuis trois ans, et vous avez effectué de nombreux séjours à Bangui. Quelle est aujourd’hui la situation dans la capitale, et dans le reste de la République centrafricaine ?

Bernard Croissant et son épouse, Catherine Croissant, lors de leur dernier séjour à Bangui © Défap-Cevaa

  Bernard Croissant : Quand nous sommes arrivés, mon épouse Catherine et moi-même, au début de notre dernier séjour, la situation était assez tendue. La population de Bangui exprimait une exaspération croissante vis-à-vis de la Minusca (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique). Il y avait eu des incidents du côté de PK5, le seul quartier de Bangui où vivent encore des musulmans : une grenade avait été jetée sur un rassemblement de réconciliation entre chrétiens et musulmans. Cet acte de violence a entraîné un nouveau cycle de vengeances de part et d’autre, et en particulier le meurtre d’un jeune chrétien de 16 ans. Comme il semble avoir été égorgé à peu de distance des positions des soldats de la Minusca, la colère monte au sein de la population de Bangui, qui ne se sent pas protégée. À l’intérieur du pays, les tensions sont encore plus vives. C’est le chaos : il y a des massacres dans certaines localités, des déplacements massifs de populations qui vont chercher une protection qui dans les églises, qui dans les mosquées. En ce qui concerne les autorités, certains préfets sont empêchés d’accéder à leur préfecture par les bandes armées.
Pendant notre séjour, nous avons assisté à divers incidents qui montrent le degré d’impopularité de la Minusca. Certains avaient été provoqués par des accidents mortels de la route, qui impliquaient des véhicules militaires : ils avaient été aussitôt suivis par des émeutes ou des tentatives d’émeutes lancées par des lycéens et des étudiants. Lors de l’un de ces incidents, notre voiture s’est retrouvée bloquée au milieu de la route, sans pouvoir avancer ni reculer : nous avons pu entendre des tirs et des explosions lorsque la Minusca et la gendarmerie ont dispersé les manifestants.

Quel bilan peut-on tirer après trois ans d’accompagnement pastoral de l’EPCRC ?

Pour aller plus loin :
Le point sur la République centrafricaine et sur les actions du Défap
Poursuivre l’accompagnement de l’Église à Bangui
Un pasteur français pour Bangui
Bangui : les images de la visite commune Défap-Cevaa

Le bilan qui a été tiré lors de notre dernier séjour a conclu que l’accompagnement pastoral tel qu’il a été fait ces trois dernières années devait prendre fin. Cette durée était celle qui avait été prévue dès l’origine dans le projet ; et par ailleurs, aujourd’hui, les effets bénéfiques de cet accompagnement sont manifestes au sein de l’Église. Il faut désormais prévoir la suite. Les résultats sont aussi très probants en ce qui concerne la cellule d’écoute, à la fois sur l’aspect de soutien psychologique, et sur l’accompagnement social : certaines des femmes aidées par cette cellule ont ainsi pu bénéficier d’un micro-crédit pour mettre en place des activités génératrices de revenus. D’autres ont pu reprendre des études, ou se lancer dans un apprentissage, avec un soutien financier du mouvement des femmes de l’Église.
En outre, les responsables de la cellule d’écoute sont allées se former à l’accompagnement psychologique au Rwanda, dans le cadre d’un échange entre Églises de la Cevaa. Ce séjour a permis de leur faire mieux prendre conscience du rôle que peuvent jouer les Églises pour créer des commissions sur le modèle «Vérité et réconciliation», comme cela a été pratiqué en Afrique du Sud après l’apartheid ou au Rwanda après le génocide de 1994. Une demande de rendez-vous a été faite au chef de l’Etat centrafricain pour développer ce type de processus.

  Où en sont les chantiers soutenus par le Défap et la Cevaa ?

Les travaux de sécurisation du Centre protestant de la Jeunesse © Défap-Cevaa

Le plus gros chantier concerne la réhabilitation du Centre Protestant pour la Jeunesse [un vaste complexe de bâtiments situé en plein Bangui, et qui a été pillé pendant les violences de 2013-2014]. La première tranche financée par la Cevaa et le Défap, qui concernait la mise en sécurité du site pour éviter de nouveaux pillages, est  en cours de finalisation. En ce qui concerne la remise en état proprement dite, les besoins de fonds sont considérables : le Premier ministre centrafricain, que nous avons rencontré, va chercher des partenaires pour aider à financer ce projet. Nous continuerons bien sûr à y être associés, mais nous ne serons plus les principaux bailleurs de fonds.
L’autre chantier, lancé à Morija, dans la banlieue de Bangui, donne des résultats encourageants en ce qui concerne l’école. Trois classes et un bureau sont sortis de terre ; 200 élèves y sont scolarisés. Toutes les salles sont équipées de mobilier scolaire et les effectifs ne dépassent pas les cinquante élèves par classe, ce qui est exceptionnel dans un pays où l’on trouve fréquemment des classes de 70 à 100 élèves, qui travaillent souvent assis par terre, sans pupitres et sans bancs. En revanche, une autre activité que nous avions commencé à accompagner, dans le domaine du maraîchage et de la pisciculture, a dû être abandonnée. La situation n’est vraiment pas propice aujourd’hui à ce genre de projet.

  Quelles suites prévoir ?

En ce qui concerne Morija, il me semble essentiel de se concentrer sur l’école : je vais essayer de solliciter des parrainages pour aider à rétribuer l’équipe enseignante. Il faudrait aussi trouver des moyens humains sur place pour encadrer les membres de cette communauté. En ce qui me concerne plus directement, j’ai reçu des appels pour faire de la formation universitaire auprès des facultés de théologie. Les thèmes pourraient concerner la Réforme, l’identité réformée et protestante, l’histoire, l’ecclésiologie protestante, l’éthique… Il y a eu des demandes précises de la part de la Fateb (la Faculté de théologie évangélique de Bangui) pour que soit organisée une semaine de colloques et de conférences. Tout ceci a été déclenché par le 500e anniversaire de la Réforme, qui a suscité un regain d’intérêt pour l’histoire du protestantisme. De telles formations sur l’identité protestante pourraient aider à apporter une plus grande cohésion au sein de ce protestantisme centrafricain qui est aujourd’hui divisé, morcelé en multiples dénominations. Avec un jour, pourquoi pas, l’idée de créer une plate-forme commune, peut-être une fédération protestante centrafricaine, qui rendrait le protestantisme plus audible et crédible dans ce pays.

  Comment les membres de l’Église protestante Christ-roi de Centrafrique ont-ils vécu ces trois ans d’accompagnement, et comment envisagent-ils l’avenir ?

Les élèves de l’école de Morija © Défap-Cevaa

Les membres de l’Église ont été très sensibles au fait qu’un pasteur vienne auprès d’eux lors de missions régulières, malgré la situation difficile. Ils ont été particulièrement touchés que nous ayons effectué la dernière visite en couple : la présence de mon épouse a été saluée. Outre l’accompagnement proprement dit, ce qui a été le plus apprécié, c’était que quelqu’un vienne au nom du protestantisme français pour marquer la sollicitude, la communion des Églises de France. J’ai reçu le même témoignage de la part des membres de la communauté des Béatitudes (qui est une communauté catholique). Nous logions dans leur monastère ; la veille de notre départ, elles nous ont donné une carte qui nous disait : « Merci de votre présence, merci d’avoir été là ».
Les relations sont d’ailleurs bonnes entre les diverses Églises, au vu de la situation : par exemple, le groupe des jeunes de l’EPCRC a réalisé au mois d’août une semaine de rencontres culturelles. Il y a eu de nombreux participants, venus de diverses Églises : des catholiques, des adventistes, des baptistes, et même des musulmans. Tous ont participé aux mêmes ateliers, aux mêmes cultes ensemble : c’était un beau signe d’espoir et de relations apaisées entre communautés. On constate d’ailleurs que parmi les jeunes, beaucoup sont très actifs sur le plan spirituel, dans les études de la Bible, qu’ils ont une importante quête de sens. Des ateliers ont été mis en place pour les 4-5 ans sur les thématiques du pardon, du renoncement à la vengeance… C’est là un travail de fond, certes modeste sur le plan numérique, mais d’une grande qualité.
Tout ceci est révélateur de l’état d’esprit qui prévaut au sein de l’EPCRC : malgré la situation, il faut se redresser. Ce qui peut se faire d’abord par des actions modestes, en petits groupes, avant de s’élargir. Je garde en tête ce qui s’est passé en 2013, lorsque les femmes se sont mobilisées et ont manifesté jusqu’au palais présidentiel, entourées par les Casques bleus, pour réclamer la paix et la réconciliation… Même au plus profond de la crise, il y a toujours cette volonté de se relever, de changer les choses. Une volonté inébranlable dans laquelle je vois, pour ma part, une manifestation de la foi des membres de cette Église.




Le Journal des envoyés est paru !

Publié traditionnellement en fin d’année, soit quelques mois après l’installation sur place de chaque envoyé, ce journal réalisé à partir des lettres de nouvelles des uns et des autres est un moyen de garder le contact, et de mesurer le chemin parcouru.

Florence Taubmann (au fond, à gauche) rendant visite aux envoyés du Défap à Madagascar © Défap

Mickaël Roux est envoyé du Défap en Haïti. Sa mission consiste à rechercher des financements pour la Fédération des écoles protestantes d’Haïti (la FEPH). Cette institution a un important parc scolaire (3000 écoles). Les activités sont diverses : reconstruction d’écoles et de bâtiments scolaires, réhabilitation, formation des enseignants, distribution de kit et de matériel scolaire, mise en place de cantines scolaires…

Pauline de Prins et Anna Strumpler sont envoyées en Tunisie. Toutes deux viennent en appui de l’équipe d’enseignement de l’école primaire Kallaline, soutenue par l’Église Réformée de Tunisie. Samy Chenuelle est pour sa part à Madagascar : il est à l’orphelinat luthérien Akany Soa d’Antsirabe pour enseigner le français et faire de l’animation auprès des enfants. Camille Carreau et Pauline Cicorelli sont au Congo-Brazzaville  : elle sont envoyées, dans le cadre du service civique, pour venir en appui aux programmes et projets de santé communautaire gérés par le département santé de l’Église évangélique (EEC). Elles doivent passer 10 mois entre Brazzaville, Pointe Noire et des villages de brousse.

Le Journal des envoyés © Défap

Après leur formation commune au 102 boulevard Arago, à Paris, tous ces envoyés se sont dispersés en Afrique, dans l’Océan Indien, dans les Caraïbes… Dans le Journal des envoyés, ils témoignent de leur découverte du pays, des relations dans les Églises qui les accueillent ; ils racontent leur quotidien, leur travail, leurs coups de coeur, les défis auxquels ils sont confrontés. Publié traditionnellement en fin d’année, au moment des fêtes, ce journal est un moyen pour tous de donner des nouvelles et d’en recevoir ; de renouer avec le groupe des autres envoyés et avec le 102 boulevard Arago. C’est aussi l’occasion de recevoir des nouvelles de la «maison Défap».

Diffusé parmi les envoyés et leurs proches, ainsi qu’au sein des instances du Défap, ce journal marque une étape importante quelques mois après la formation et l’installation de chacun sur son lieu de mission. Il permet de mesurer le chemin parcouru ; et il donne aussi des nouvelles des premières visites des secrétaires exécutifs du Défap à la rencontre des envoyés. À Madagascar, Florence Taubmann a ainsi pu voir Gaël, Samy, Fenitra, Mirjam, Coralie, Yoann et Mahieu. Laura Casorio, à Tunis, a rencontré Freddy, Sophie, Benoît, Pauline, Anna, mais aussi Hoby et Philippe… Au Congo-Brazzaville, où le Défap et l’EEC travaillent ensemble depuis plusieurs années sur plusieurs axes (santé, éducation, formation théologique, éducation à la paix…), Jean-Luc Blanc s’est entretenu avec Camille et Pauline…




Poursuivre l’accompagnement de l’Église à Bangui

L’Église protestante Christ-Roi de Centrafrique (EPCRC), avec laquelle le Défap est en lien, veut préparer l’avenir dans un pays toujours miné par les violences : elle accompagne les victimes et les aide à construire un nouveau projet de vie, s’occupe d’une école, s’efforce de réhabiliter un grand complexe destiné à la jeunesse situé en plein Bangui… La visite commune Défap-Cevaa organisée début décembre visait à faire le point sur le soutien à cette Église, et notamment sur l’accompagnement pastoral, réalisé par des pasteurs issus des Églises de France.

Les responsables de la cellule d’écoute psychologique © Défap-Cevaa

En République centrafricaine, la guerre civile aurait dû s’achever en 2014. Plus précisément le 23 juillet, date de la signature d’un accord de cessation des hostilités à Brazzaville. Depuis lors, tous les éléments d’une normalisation se sont mis en place : une nouvelle Constitution, approuvée fin décembre 2015 par référendum, et un nouveau président démocratiquement élu, l’ancien Premier ministre Faustin-Archange Touadéra. Mais ces changements n’étaient que superficiels. Le nouveau gouvernement n’a pas renoncé aux pratiques de mauvaise gouvernance de ceux qui l’avaient précédé. Son influence n’a pu s’étendre véritablement au-delà de la capitale. Dans le reste du pays, le pouvoir est aux mains des milices armées. Le souvenir de la marche des Séléka sur Bangui est encore vivace : c’était en 2013, et les partisans de Michel Djotodia avaient pris la ville sans résistance, forçant à la fuite le président François Bozizé, lui-même arrivé au pouvoir les armes à la main. Mais les exactions des membres de la Séléka («Coalition» en sango) venue du nord du pays où se trouvent la majorité des musulmans (le reste du pays étant très majoritairement chrétien), composée en partie de mercenaires tchadiens, libyens et soudanais, avaient provoqué la création de milices d’autodéfense bientôt baptisées les anti-balaka. Et des violences envers les musulmans soupçonnés de sympathies pro-Séléka…

Depuis, le spectre de l’affrontement inter-communautaire et inter-confessionnel n’a jamais vraiment disparu. Dans les portions du pays qu’elles contrôlent, les milices jouent sur la peur et sur la «protection» qu’elles prétendent offrir pour asseoir leur légitimité. L’année 2017 a ainsi vu la résurgence de la crise centrafricaine sous une forme tout aussi grave qu’en 2013-2014, lorsque la France et les États-Unis s’alarmaient d’une situation «pré-génocidaire» : si la Séléka a été officiellement dissoute, elle a donné naissance à de multiples factions qui se sont engagées dans des luttes territoriales, pendant que de nouveaux groupes anti-balaka se formaient jusque dans l’Est du pays, épargné jusqu’alors.

D’inlassables appels à la paix

Plus que jamais, les Églises de Centrafrique ont besoin d’un accompagnement. Si un affrontement interconfessionnel généralisé a été évité durant les années 2013-2014, c’est en grande partie grâce à des responsables religieux qui ont refusé de voir la religion instrumentalisée. Grâce à des figures comme celles de Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui, Nicolas Guerekoyame-Gbangou, pasteur de l’Église évangélique Elim Bangui-M’Poko, et Omar Kobine Layama, président de la conférence islamique, dont les infatigables plaidoyers pour la paix, au mépris même de leur propre sécurité, avaient conduit à les surnommer les «trois Saints de Bangui».

La nécessité de cet accompagnement était au centre de la visite commune Défap-Cevaa qui a eu lieu début décembre à Bangui. Le Défap est en lien avec l’Église protestante Christ-Roi de Centrafrique (EPCRC), membre de la Cevaa et présente dans la capitale. Le secrétaire général du Défap, Bertrand Vergniol, qui participait à ce voyage, décrit «une ville déstructurée, sans charpente, où la violence est à fleur de peau, malgré la présence forte de la Minusca». Les troupes de cette Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique sont d’ailleurs elles-mêmes vues avec méfiance, souvent accusées de passivité face aux violences.

«Transcendons les clivages pour reconstruire notre pays»

Rencontre avec avec l’archevêque Nzapalainga © Défap-Cevaa

«À Bangui, endroit le plus sécurisé de la Centrafrique, poursuit Bertrand Vergniol, on se rend compte que les gens parlent encore avec terreur de ce qu’ils ont vécu il y a deux-trois ans. Si aujourd’hui, on ne voit plus des foules de déplacés autour de l’aéroport (on les appelle aujourd’hui les retournés), tout le monde craint que ça recommence». Les Églises poursuivent un travail inlassable pour appeler à l’apaisement et refuser la logique de l’affrontement, quelles que soient les confessions : la visite commune Défap-Cevaa à Bangui a d’ailleurs été marquée par une rencontre avec l’archevêque Nzapalainga. Depuis 2013, la teneur de ses sermons n’a pas changé. «Nous sommes tous Centrafricains comme une famille : transcendons les clivages pour reconstruire notre pays», lançait-il encore le 9 décembre dernier lors de la messe de clôture du pèlerinage sur le site du sanctuaire marial de Ngoukomba, un village situé à 24 km de Bangui sur la route de Damara. Et d’ajouter en sango sous les applaudissements de la foule : «Nous ne voulons plus écouter parler de musulmans, de protestants, de catholiques… Nous sommes tous Centrafricains».

Engagée elle aussi pour le dialogue, et dans l’aide aux victimes de violences, l’EPCRC a mis en place, avec le soutien de la Cevaa et du Défap, une cellule d’accompagnement psychologique. Elle est fréquentée surtout par des musulmanes : dès l’origine, l’Église a voulu que cette aide soit ouverte à toutes les victimes, indépendamment de leur confession. L’Église bénéficie aussi d’un accompagnement pastoral, dans le cadre d’un poste ouvert par la Cevaa ; et ce sont les Églises de France qui ont fourni les pasteurs, notamment Bernard Croissant, qui a été le plus présent à Bangui au fil d’une série de missions de plusieurs semaines à chaque fois. L’EPCRC s’efforce aussi de réhabiliter un grand complexe situé en plein Bangui qui a été très dégradé lors des années 2013-2014, le Centre Protestant de la Jeunesse, et a construit une école à Morija, dans la banlieue de la capitale.

Les élèves de l’école de Morija © Défap-Cevaa

La visite de ce début décembre avait notamment pour but d’évaluer la mission d’accompagnement pastoral, qui devra se poursuivre, même si ses modalités pourront évoluer ; d’ores et déjà, Bertrand Vergniol tient à exprimer à Bernard Croissant «la reconnaissance du protestantisme français et du Défap» pour le travail réalisé à Bangui. En ce qui concerne la cellule d’écoute, «après avoir reçu l’aide d’un psychologue, elle peut désormais fonctionner de manière autonome, souligne le secrétaire général du Défap. C’est un lieu important où des personnes qui ont été maltraitées peuvent retrouver une dignité et former de nouveaux projets de vie». En ce qui concerne le Centre Protestant pour la Jeunesse, les travaux de sécurisation progressent : une fois la clôture achevée, les bâtiments ne seront plus exposés aux pillages. Mais il faudra une aide du gouvernement centrafricain pour réhabiliter le complexe proprement dit, très endommagé : c’était l’objet d’une rencontre qui a eu lieu, au cours de ce séjour, entre la délégation Défap-Cevaa et le Premier ministre. Il faudra aussi pouvoir récupérer l’usage effectif des locaux, qui ont été en partie occupés après la période des troubles… En ce qui concerne Morija, l’école proprement dite est achevée, elle accueille déjà 200 élèves, et il reste à réaliser un forage et un dispensaire. Les paroissiens de l’EPCRC, et tout particulièrement le mouvement des femmes de l’Église, sont très impliqués dans le soutien de ce projet. Aujourd’hui, l’école forme des élèves, en dépit des troubles ; demain, ce sont ces mêmes élèves qui pourront participer à la reconstruction de leur pays.




L’histoire des Missions protestantes s’expose à La Rochelle

À l’occasion des 500 ans de la Réforme, la Bibliothèque universitaire de La Rochelle a décidé d’accompagner les festivités organisées dans la ville à travers plusieurs expositions sur le protestantisme. L’une d’entre elles, notamment, consacrée aux missionnaires protestants, a été organisée avec l’aide de la bibliothèque du Défap, qui a fourni divers livres, documents et objets venant des collections du Service protestant de Mission. Retour en images.

 

Vue de l’exposition à la BU de La Rochelle © Défap

Du XVe siècle et jusqu’à la Révolution, l’histoire de La Rochelle a été largement marquée par celle du protestantisme en France. Dès 1568, les protestants, majoritaires, y prirent le pouvoir, détruisant les lieux de culte catholique. La ville accueillit le 2 avril 1571, le 7e Synode national des Protestants sous la présidence de Théodore de Bèze, en présence de la cour de Navarre, de Jeanne d’Albret et du futur Henri IV. En 1627, la cité rochelaise était considérée comme un «État dans l’État». Assiégée par le Cardinal de Richelieu au nom du roi Louis XIII, La Rochelle fut sévèrement punie après sa reddition. À la révocation de l’Édit de Nantes, en 1685, certains protestant rochelais devinrent des «catholiques de façade», d’autres décidèrent de fuir la France. En 1787, l’édit de Tolérance redonna aux protestants la liberté de conscience et une reconnaissance juridique. En 1790, la Révolution française leur confirma l’égalité citoyenne.

En cette année 2017 marquée par les festivités des 500 ans de la Réforme, il était logique que la ville fasse un retour sur son histoire protestante. C’est ce qui a été fait notamment par la Bibliothèque universitaire de La Rochelle qui a organisé plusieurs expositions. L’une concernait le patrimoine protestant rochelais, à travers une vingtaine de lieux : lieux de culte ou de pouvoir, lieux de vie et lieux publics. Une autre concernait plus spécifiquement les missionnaires protestants, et les livres de mission à travers le monde au XIXe siècle ; elle a été organisée en partenariat avec le Musée d’histoire protestante de La Rochelle, et avec l’aide de la bibliothèque du Défap, qui a fourni divers livres, documents et objets venant de ses collections (pour avoir un aperçu de cette exposition, rendez-vous sur le diaporama au bas de cet article).

Cartes et photographies, Bibles en chinois, en tahitien…

Cette exposition, qui a été visible dans le hall d’entrée de la Bibliothèque universitaire de La Rochelle durant tout le mois de novembre, permettait ainsi de découvrir à l’aide de sept panneaux informatifs comment s’organisait le travail des missionnaires, et l’influence qu’ont eue les missions protestantes dans l’histoire culturelle et politique de divers États. L’accent avait été mis sur la manière dont les livres, les journaux, les atlas et les cartes postales jouaient un rôle, dans les missions elles-mêmes mais aussi pour promouvoir l’œuvre missionnaire auprès des protestants français et pour transmettre des connaissances d’ordre ethnographique et anthropologique sur les cultures de ces populations lointaines. Parmi les documents historiques prêtés par la bibliothèque du Défap pour illustrer cette présentation des missions protestantes, on trouvait notamment des photographies, des Bibles imprimées en chinois ou en tahitien, des almanachs, des livres pour enfants, et même un jeu de cartes.

L’exposition sur l’histoire de la Société des Missions Évangéliques de Paris (SMEP, l’ancêtre du Défap) qui avait été réalisée en 2012, à l’initiative du Musée rochelais d’histoire du protestantisme et de Janick Pilot, se trouvait également présentée à cette occasion. Elle n’est désormais plus visible à la Bibliothèque universitaire de La Rochelle, qui a achevé le samedi 1er décembre son cycle consacré à l’histoire du protestantisme ; mais un exemplaire se trouve toujours exposé dans la chapelle du Défap. Les visiteurs du 102 boulevard Arago pourront continuer à l’y voir. Pourquoi pas à l’occasion d’un prochain séjour Voir et revoir Paris (cf encadré ci-dessous) ?

Rencontrez la maison, découvrez la mission

Visiter la maison du service protestant de mission ? Et pourquoi pas ! C’est l’occasion d’un périple culturel qui met en lumière l’histoire des missionnaires protestants et permet d’éveiller la curiosité des jeunes visiteurs.
Pour préparer la visite, certains lanceront des discussions sur le sens des mots « mission » et « vocation » ou sur les raisons d’un départ en mission. A travers cette visite, vous pourrez ainsi suivre l’histoire des missions …et celles des missionnaires.
Histoires d’autrefois, cartes du monde, portraits, chapelle, salon rouge, bibliothèque, bureaux, salle de cours, musée… la visite est riche et toujours orientée autour des missionnaires, des lieux de mission et des objets rapportés par les envoyés.
Cliquez sur l’image ci-contre pour avoir toutes les informations sur les week-ends et mini-séjours «découverte» proposés par le Défap sur le thème «Voir ou revoir Paris».

 




Cameroun : un voyage pour renouer trente ans de liens solidaires

Derrière le séjour «seniors solidaires» organisé au Cameroun du 11 janvier au 1er février, avec le soutien du Défap, c’est une aventure commencée avant les années 90 qui se poursuit : celle des camps de jeunes Français et Camerounais organisés par le pasteur Richard Dahan. Ils avaient permis, entre autres, la création d’un centre médical à Douala. Certains des anciens «campeurs» se retrouvent aujourd’hui pour soutenir ce centre, toujours actif et désormais bien reconnu, mais dont les bâtiments doivent être reconstruits et agrandis. Le séjour sera aussi l’occasion de partages et de rencontres, avec également une réflexion sur l’écologie et un aspect pratique à travers la mise en place d’ateliers pour fabriquer des cuiseurs économiseurs de bois.

 

Des « campeurs » lors d’un voyage au Cameroun © Espérance Nord-Sud

Ils sont seize, tous d’une même tranche d’âge comprise entre 65 et 80 ans, à s’engager dans l’aventure : un séjour «seniors solidaires» de trois semaines au Cameroun. Départ prévu le 11 janvier pour ce voyage organisé avec le soutien du Défap ; Jean-Luc Blanc, responsable du service Relations et Solidarités Internationales, s’est chargé de la préparation du groupe auquel il a dispensé un condensé de la formation destinée aux envoyés. Pour tous les participants, il s’agira en fait de reprendre contact avec un pays qu’ils connaissent bien, dans lequel ils ont séjourné ; de renouer, aussi, les fils de relations établies à Douala, Matomb, Mbouda, Foumban ; et à l’occasion de ce voyage, d’apporter une aide financière à des projets auxquels ils ont déjà pris part il y a des années. Il y a là quatre couples des Cévennes, d’anciens membres des paroisses de l’Église protestante unie de France de Nice, de Thonon-les-Bains et d’Aulnay-sous-Bois, un pasteur venu du Chambon-sur-Lignon ; tous réunis par une relation passionnelle avec le Cameroun que résume le parcours de leur accompagnateur, lui-même pasteur à la retraite : Richard Dahan.

Tout au long de sa vie de pasteur, Richard Dahan a vu se transformer les paroisses où il exerçait son ministère, et leur environnement. Il a été un témoin privilégié des effets de la mondialisation sur le protestantisme français ; un protestantisme autrefois sociologiquement plus homogène et qui est désormais plus multicolore, plus marqué par les questions liées à l’interculturel. Avec, également, des relations qui s’établissent par-delà les frontières… Né en 1944, aujourd’hui installé dans le Gard, Richard Dahan se souvient de la manière dont il a peu à peu tissé des relations avec le Cameroun. «J’ai été pasteur à Aulnay-sous-Bois de 1973 à 1983. J’y ai vu les champs de blé devenir des forêts de béton. C’est pendant cette période que la paroisse a vu arriver des étudiants qui venaient d’Afrique. On s’est dit alors qu’ils allaient se retrouver dans un désert spirituel ; et le conseil de la paroisse a décidé de se mobiliser pour les accueillir. Les choses se sont faites petit à petit, on organisait des repas chez les uns et chez les autres ; ils ont pris des responsabilités ; un jeune qui avait un peu plus de vingt ans et son épouse sont devenus diacres, et c’est comme ça que tout a commencé.»

Des camps à l’aventure «La Solidarité – SOS-Santé»

Entrée du centre médical «La Solidarité – SOS-Santé» © Espérance Nord-Sud

A travers ce couple de jeunes diacres, Jérôme et Sara Minlend, se sont nouées les premières relations avec le Cameroun. Et lorsque Richard Dahan est parti exercer son ministère à Marseille, puis à Nice, il a emmené dans ses nouvelles paroisses les liens tissés à Aulnay-sous-Bois, qui se sont enrichis d’autres rencontres : «A Marseille, la paroisse s’est mobilisée pour faire un camp de jeunes français et camerounais.» Il a été organisé en 1987 à Matomb, au Sud du Cameroun, sous l’impulsion de Jérôme et Sara Minlend, avant un séjour-retour deux ans plus tard à Marseille. Dès lors ont suivi une série de camps organisés tantôt en France, tantôt au Cameroun, dans le cadre des Églises protestantes, et avec le soutien du Défap et de la Cevaa.

Le but premier était de mieux connaître l’Afrique et le Cameroun. Puis, à travers ces rencontres de jeunes, de déconstruire les idées préconçues, les préjugés, et en s’appuyant sur une réflexion basée sur les textes bibliques, d’y puiser les forces de l’amour pour construire une «Terre Nouvelle». L’implication auprès de la population camerounaise est venue naturellement, et les séjours successifs de jeunes Français et Camerounais ont permis de rénover une chapelle à Matomb, d’édifier un hôpital à Mbouda… De riches aventures humaines sont parties de là, comme celle de ce groupe de jeunes Camerounais qui, lors d’un camp organisé en 1996, ont décidé de créer un centre médical dans un quartier pauvre de Douala, «La Solidarité – SOS-Santé». Dans des conditions difficiles, sans salaire pendant un an, l’équipe emmenée par Isaac Mouansie a réussi à assurer la pérennité du projet, qui existe encore aujourd’hui. Il a construit sa légitimité auprès des autorités et de la population, a renforcé au fil des années son offre de soins, a ouvert une annexe hors de Douala, à Foumban, avec l’aide des «campeurs» venus de France et du Cameroun ; et surtout, depuis des années, il a apporté des services inestimables au sein d’un quartier déshérité de la capitale camerounaise.

14 séjours au Cameroun

Cuisine traditionnelle : un gaspillage des ressources en bois © Espérance Nord-Sud

Richard Dahan le reconnaît volontiers aujourd’hui : cette relation particulière avec le Cameroun «a été un des fils conducteurs de mon ministère». Il y a fait déjà 14 séjours, soit à titre personnel, soit en accompagnant un groupe. Ce qui avait commencé sous la forme de relations personnelles au sein d’une paroisse d’Île-de-France a ainsi pris de plus en plus d’ampleur, s’est doté d’un cadre sous la forme d’une association, «Espérance Nord-Sud». C’est cette association qui a contribué à conserver le lien entre tous les participants des camps organisés au Cameroun, dispersés par la vie entre diverses paroisses ; c’est à travers elle que s’est organisé le soutien au centre médical de Douala, à la chapelle et aux divers projets qui accompagnaient les camps, sous la forme d’une aide financière, de l’envoi de conteneurs, de visites. Un soutien qui se poursuit depuis une vingtaine d’années…

Mais à Douala, les locaux du centre de santé ont mal vieilli. Construit sur un terrain autrefois marécageux, le bâtiment voit ses murs se fissurer. Il n’est plus adapté aux activités du centre et pose des problèmes de sécurité. Les membres de l’association «Espérance Nord-Sud» ont décidé de soutenir sa reconstruction. D’où l’idée d’organiser un nouveau camp. Non plus un camp de jeunes comme dans les années 90, mais un séjour «seniors solidaires». Les anciens «campeurs» ont été contactés ; certains ont répondu avec enthousiasme. Le petit groupe s’est ainsi formé. Le but premier étant d’apporter une aide financière, les subventions perçues sont entièrement affectées au projet, les participants finançant eux-mêmes le coût de leur voyage (soit 1500 euros par personne, entre les billets d’avion, les déplacements au Cameroun, l’hébergement…). Au-delà, le voyage permettra aussi des partages et des rencontres (dans une chefferie, dans des familles, à la faculté de théologie de Ndoungue, au monastère de Koutaba), d’initier une réflexion sur l’écologie avec un professeur de l’université de Dschang ; et les participants doivent aussi prendre part à un autre projet porté par le trésorier de l’association, Jérôme Bamberger, visant à améliorer les conditions de vie au quotidien tout en préservant les ressources en bois. Ils aideront ainsi à créer des ateliers pour fabriquer des cuiseurs à bois économes, qui permettent de cuisiner en utilisant de 3 à 5 fois moins de bois que sur un foyer traditionnel.

Désormais, les anciens «campeurs» espèrent que de plus jeunes sauront prendre la relève, entreront dans le conseil d’administration de l’association «Espérance Nord-Sud», et initieront de nouveaux projets. Ce voyage est aussi pour les y encourager…




Haïti : des nouvelles du collège Maranatha

A Port-au-Prince, les cours ont repris au collège évangélique Maranatha après l’opération de police du 13 novembre au cours de laquelle plusieurs personnes avaient été abattues dans l’enceinte même de l’établissement. Mais les élèves et les enseignants restent profondément choqués, ce qu’a pu constater le ministre haïtien de l’Éducation nationale, venu apporter son soutien. Le directeur du collège remercie pour sa part la mobilisation de la communauté protestante (ce qui inclut les protestants de France), qui a permis sa remise en liberté. Mais il s’agit toujours d’une liberté conditionnelle.

 

Le collège évangélique Maranatha © Mission Biblique

Le ministre haïtien de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP), Pierre Josué Agénor Cadet, s’est rendu au cours de la dernière semaine de novembre au collège évangélique Maranatha, où plusieurs personnes avaient été tuées deux semaines auparavant. Cette école membre de la Fédération des Écoles Protestantes d’Haïti, partenaire de la Plateforme Haïti, dont fait partie le Défap, entretient un témoignage essentiel dans une partie très défavorisée de Port-au-Prince : le collège Maranatha surplombe le quartier de Grand Ravine, lieu gangréné par la grande criminalité. C’est au cours d’une opération visant les gangs de ce quartier que des policiers avaient, le 13 novembre dernier, abattu plusieurs personnes dans l’enceinte même du collège, dont le gardien, un élève et un enseignant (lire : Haïti : solidarité avec le collège Maranatha).

Au cours de sa visite, le ministre de l’Éducation nationale était accompagné d’une délégation dont faisaient notamment partie le pasteur Sylvain Exantus, président de la Fédération protestante d’Haïti, ainsi que le pasteur Jean Bilda Robert, vice-président de l’Union Évangélique Baptiste d’Haïti (UEBH). Tous ont pu constater que les élèves restent gravement affectés par les violences du 13 novembre. Certains ne sont toujours pas revenus en classe ; d’autres refusent d’aller en cours sans la présence permanente d’un de leurs proches. Le ministre a promis un soutien psychosocial aux enseignants et aux élèves afin de les aider à évacuer le stress post-traumatique. Il a déploré une fois de plus qu’une école, sanctuaire pour la formation des jeunes, soit le théâtre de tels événements et s’est dit prêt à accompagner financièrement la remise en état du collège, vandalisé à la suite de l’opération de police.

Il y aura beaucoup à reconstruire

Pour aller plus loin :
Le point sur les événements du 13 novembre au collège évangélique Maranatha
Présentation de la Plateforme Haïti sur le site de la Fédération Protestante de France
Les événements au collège Maranatha suivis sur le site de la Mission Biblique

Il y aura beaucoup à reconstruire car c’est un véritable pillage que l’école a subi après le drame du 13 novembre. Ce dont témoigne son directeur, Armand Louis, dans une lettre datée du 1er décembre : «Pour ce qui a trait au Collège Maranatha, Lekol pou yo tou, l’École technique : on a tout pillé, on a mis l’École à sac au cours des jours qui ont suivi le massacre. Pas une chaise, pas un ordinateur de bureau, pas un livre, pas un instrument de musique, pas un frigo, pas un ventilateur, même pas une lampe électrique n’est restée.»

Quant au directeur lui-même, il est toujours en liberté conditionnelle. Gravement molesté par les policiers à la suite de l’échec de l’opération antigang, arrêté et incarcéré, il a été libéré après plusieurs jours de mobilisation de tout le protestantisme haïtien, qui a multiplié les sit-ins et marches de protestations. Mais il doit toujours attendre une décision judiciaire à la suite des accusations portées contre lui par les policiers, qui le rendaient responsable du fiasco de l’opération. Il remercie néanmoins, dans cette même lettre, tous ceux qui ont contribué à sa remise en liberté ; s’exprimant en son nom propre et au nom de ses proches, il veut «transmettre l’expression même de notre reconnaissance à toute la Mission Biblique, à toute la communauté protestante de France et à tous les frères et sœurs de la Côte d’Ivoire. Car, je suivais vos prises de position, vos protestations, vos témoignages, vos interventions dans la presse et sur les réseaux sociaux ; je suivais vos démarches. Le juste juge est descendu et a fait le miracle. Mille mercis !»

Armand Louis témoigne également de la solidité de son implication en faveur de l’éducation des plus fragiles, en dépit des événements. «Depuis plus d’une trentaine d’année», souligne-t-il, «je me suis engagé dans une bataille pour l’amélioration des conditions de vie de mes concitoyens et concitoyennes, des couches les plus défavorisées de mon pays.» Aussi, en dépit du drame qui l’atteint personnellement et qui frappe «l’institution que je dirige depuis plusieurs décennies, dans laquelle j’ai lutté de toutes mes forces pour forger un destin ou changer les conditions d’existence des enfants et des jeunes les plus vulnérables du pays», il se dit «décidé de continuer cette lutte en faveur des plus faibles, chaque jour de ma vie, tous les jours de ma vie. Nous prions notre Dieu pour notre libération complète et pour cette nouvelle phase dans ce combat pour la justice et le droit.»




Voyage dans la maison… et dans le temps

Treize catéchumènes lyonnais âgés de 12 à 14 ans sont venus fin novembre découvrir le Défap, dans le cadre du programme «Voir et revoir Paris». Accueillis et guidés par la responsable Jeunesse Tünde Lamboley, et Claire-Lise Lombard, responsable de la bibliothèque, ils ont pu explorer la Maison des missions et prendre conscience des évolutions qui ont marqué la Mission… et ses envoyés, entre le XIXème et le XXIème siècle.

 

Le groupe de jeunes catéchumènes lyonnais en visite à la bibliothèque du Défap © Défap

 

Dans le cadre du programme «Voir et revoir Paris» (cf. encadré ci-dessous), le Défap a accueilli fin novembre un premier groupe de jeunes visiteurs, treize catéchumènes lyonnais âgés de 12 à 14 ans, accompagnés par les pasteurs Bernard Millet et Franck Nespoulet. Ils ne sont restés qu’une seule journée, à leur grand regret car tous sont repartis enchantés, en ayant encore des milliers de choses à voir. Pour une prochaine fois, espérons-le.

Le thème qu’ils avaient choisi était : «Naissance et mission de l’Église». Accueillis par Tünde Lamboley, responsable Jeunesse, et Claire-Lise Lombard, notre bibliothécaire, ils ont parcouru de haut en bas la Maison des missions, passionnés par tous ces objets que l’équipe côtoie tous les jours et qui sont si étonnants pour ceux qui ne les ont jamais vus : la croix kanak dans la chapelle, les gargouilles, les grands portraits … Comparant les anciens missionnaires et les nouveaux, les adolescents ont pris conscience de la différence des époques : entre le vade-mecum remis aujourd’hui à Coralie et Yohann, deux de leurs concitoyens actuellement en poste à Madagascar, et la liste de ce qu’il fallait emporter au Gabon en 1924, quel changement ! Plus besoin d’hésiter entre deux chapeaux, l’un moche et l’autre inutile… Besoin d’un peigne ? Pas en crin, conseillait le Dr Albert Schweitzer. Et coupez-vous les cheveux, mais pas trop !

D’autres groupes attendus en avril et mai 2018

Une préparation différente, mais également une connaissance du terrain bien plus parcellaire, comme en témoignent les archives montrées par Claire-Lise, et en particulier cette carte dessinée par un missionnaire ayant remonté le fleuve Zambèze qui a beaucoup intéressé ces jeunes qui vivent à l’heure d’internet et de «Google Maps».

Ils ont achevé leur court séjour par une visite à l’Institut du Monde arabe, où une magnifique exposition intitulée «Chrétiens d’Orient, 2000 ans d’histoire» donne à voir de rarissimes Bibles illustrées, de toute beauté, ainsi que divers objets et vestiges venus de Mésopotamie et du Proche-Orient.

Le Défap accueillera d’autres groupes en avril et mai 2018, mais si le cœur vous en dit, il y a encore de la place au premier trimestre. La Maison des missions est votre maison, bienvenue !

Valérie Thorin

Rencontrez la maison, découvrez la mission

Visiter la maison du service protestant de mission ? Et pourquoi pas ! C’est l’occasion d’un périple culturel qui met en lumière l’histoire des missionnaires protestants et permet d’éveiller la curiosité des jeunes visiteurs.
Pour préparer la visite, certains lanceront des discussions sur le sens des mots « mission » et « vocation » ou sur les raisons d’un départ en mission. A travers cette visite, vous pourrez ainsi suivre l’histoire des missions …et celles des missionnaires.
Histoires d’autrefois, cartes du monde, portraits, chapelle, salon rouge, bibliothèque, bureaux, salle de cours, musée… la visite est riche et toujours orientée autour des missionnaires, des lieux de mission et des objets rapportés par les envoyés.
Cliquez sur l’image ci-contre pour avoir toutes les informations sur les week-ends et mini-séjours «découverte» proposés par le Défap sur le thème «Voir ou revoir Paris».

 




Al Mowafaqa : une aventure à la croisée des cultures et des religions

L’Institut Al Mowafaqa entre dans sa cinquième année d’existence, et même sixième en comptant «l’année zéro» (2012-2013), consacrée à sa mise en place. Projet soutenu par le Défap, à la fois par un financement direct et par l’envoi de boursiers, il a formé à ce jour 300 étudiants à une «culture du dialogue» interreligieux. Cette formation unique, répondant à une problématique contemporaine cruciale, reste pourtant trop peu connue en France. Bernard Coyault, son directeur, nous envoie des nouvelles de l’Institut.

 

Vue de l’Institut Al Mowafaqa © Institut Al Mowafaqa

La montée des tensions sur fond de radicalisations religieuses illustre chaque jour la nécessité d’entretenir le dialogue interreligieux. Le phénomène traverse les frontières et aucune région du monde ne peut prétendre être épargnée. Mais comment dialoguer sans connaître l’autre, ce qui fonde sa foi – comment même un dialogue est-il possible si la parole de l’autre semble attaquer les bases de ma propre foi ? Les questions fondamentales sont les mêmes de l’Afrique à l’Europe, même si les enjeux géopolitiques diffèrent. Un organisme unique, l’institut œcuménique de théologie Al Mowafaqa (mot qui signifie «l’accord»), centre de formation religieuse installé à Rabat, au Maroc, se consacre entièrement à cette problématique du dialogue interculturel et interreligieux. Il est soutenu par le Défap, à la fois par un financement direct et par l’envoi de boursiers.

Bernard Coyault, directeur de l’Institut, a été sollicité dès 2011 pour réfléchir avec un petit groupe rassemblant protestants et catholiques à la mise en place de ce lieu de formation des cadres laïques. Il témoignait en février dernier : «L’intuition originelle du projet était de créer un lieu où l’on peut rencontrer l’autre avec une certaine exigence intellectuelle, en s’appuyant notamment sur l’expérience des cours «à deux voix» (catholique/protestant, Européen/Africain, chrétien/musulman, etc.) où le meilleur de chaque tradition est présenté et mis en dialogue.» L’appui académique est venu de Strasbourg et de l’Institut Catholique de Paris. Le conseil scientifique a été composé à parité avec une douzaine de professeurs africains et européens, catholiques et protestants, hommes et femmes. Aujourd’hui, l’institut propose une formation par alternance composée de sessions intensives de cours. Destinée initialement aux assistants de paroisses et aux pasteurs stagiaires, elle alterne cours et présence dans les communautés.

Une formation unique, trop peu connue en France

Pour aller plus loin :
Le site de l’Institut œcuménique de théologie Al Mowafaqa
Al Mowafaqa : une formation pour s’initier au dialogue interreligieux au Maroc
Présentation en vidéo de l’institut Al Mowafaqa (avril 2014)

Mais cette formation unique, qui permet d’être outillé face à ce qui représente l’un des grands enjeux du monde contemporain, reste trop peu connue au sein de la communauté protestante de France, où les demandes de bourses sont peu nombreuses. Si les promotions d’étudiants reflètent la diversité de leurs origines, les Français y sont peu représentés.

Aujourd’hui, Bernard Coyault nous envoie des nouvelles de l’Institut. «Le rapport d’activités est l’occasion de mesurer le chemin parcouru. J’en extrais quelques chiffres : environ 300 étudiants réguliers formés depuis la création, auxquels s’ajoutent les participants de programmes ponctuels (session d’islamologie, formation des pasteurs des «Églises de Maison » issues de la migration), les groupes extérieurs, le public des conférences, etc.  81 professeurs visiteurs, dont plusieurs universitaires marocains, ont servi ces diverses audiences. Pour l’année académique écoulée, ils étaient 36 enseignants dont 8 femmes, d’Europe (15), du Maroc (5) et d’autres pays d’Afrique (14), du Liban (2) – et quant à leur appartenance confessionnelle, protestants (15), catholiques (14), musulmans (5) et juifs (2).

Notre 3e promotion, accueillie en juillet, reflète la même diversité. Les 18 nouveaux étudiants représentent pas moins de 14 pays (Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Centrafrique, Congo Brazza, RD Congo, Côte d’Ivoire, Gambie, Guinée Bissau, Niger, Sénégal, Soudan du Sud, Tchad). Ils se répartissent en trois groupes distincts : 1° les candidats boursiers des Églises au Maroc, alternant études et service des paroisses locales (4 catholiques et 3 protestants) ; 2° les candidats indépendants résidant au Maroc (5) ; 3° les candidats boursiers venus d’autres pays envoyés par leur Église (6). S’ajoutent encore quelques auditeurs libres.»

Des promotions marquées par la diversité

Étudiants de l’Institut Al Mowafaqa © Institut Al Mowafaqa

«L’effectif croissant, y compris d’étudiants venus spécialement d’autre pays, la diversification des origines ecclésiales (catholiques, protestants traditionnels ou pentecôtistes/ charismatiques), sont autant d’éléments qui confirment le rayonnement croissant d’Al Mowafaqa et la pertinence de son modèle de formation théologique «en dialogue», en particulier pour les pays où le christianisme est minoritaire et l’islam majoritaire. Une autre étape à venir, sans que l’on sache à quel horizon sera la possibilité d’accueillir des étudiants marocains – en religion ou en sciences sociales – souhaitant découvrir ou approfondir leur connaissance du christianisme et du judaïsme et de leurs héritages intellectuels, théologiques, spirituels.

Le Maroc de par les évolutions internes de sa société, du fait aussi de l’ouverture croissante sur le continent africain et l’accueil de nouvelles populations, est exposé de façon inédite à la pluralité religieuse. D’autres pays du continent expérimentent quant à eux des tensions où les identités ethnico-religieuses sont dangereusement manipulées. Nos étudiants, et ceux qui les rejoindront en janvier prochain pour le Certificat, sont formés dans une «culture du dialogue», articulant l’approfondissement de sa propre tradition religieuse (y compris la manière d’en rendre compte à autrui) avec une connaissance des autres traditions et l’opportunité de les mettre en débat. Un point commun aux artisans du dialogue, c’est qu’ils sont souvent mal compris dans leur « camp» respectif, soupçonnés de confusion sinon de trahison. Nos étudiants retournent, ou retourneront un jour dans leur pays d’origine. Ils seront croyons-nous plus aptes à se poster sur les brèches pour promouvoir tant à l’échelle individuelle que collective, ce grand passage, indispensable pour assurer le bien commun « d’une culture du rejet à une culture de la rencontre et de l’accueil, d’une culture du soupçon à une culture de la confiance » (Cardinal Tauran, message aux évêques de l’ASSERAC, Yaoundé, 8/7/2017).»




Deux «marraines» d’enfants syriens témoignent

Ils viennent d’Alep, d’Homs, de Damas… et ont abouti dans des squats de Beyrouth : sans l’aide de l’association Amel, qui leur offre un soutien scolaire, ces enfants syriens ayant fui la guerre avec leur famille auraient été entièrement déscolarisés. Deux Françaises engagées dans les précédentes opérations de parrainage lancées par Amel et l’Église Protestante Française de Beyrouth ont pu visiter le centre de Haret Hreik, au sud de Beyrouth, où les enfants sont accueillis. Elles racontent.

«Chez les enfants, une furieuse envie de vivre»

Enfants syriens à Beyrouth bénéficiant du soutien scolaire © Amel

«Les embouteillages beyrouthins de ce vendredi fin d’après-midi auguraient mal de la possibilité de faire enfin connaissance concrètement avec le travail de l’ONG par laquelle je parraine deux enfants depuis trois ans ! Et pourtant…, d’une part, ce trajet laborieux fut l’occasion de faire connaissance avec une des volontaires coordinatrice de projets chez AMEL (qui nous servait de chauffeur) – une jeune femme remarquable, qui offre généreusement son temps, ses compétences, sa détermination et son intelligence acérée au travail d’accueil et d’accompagnement qu’AMEL opère en faveur des réfugiés syriens. Et d’autre part, la visite du centre et la rencontre des enfants et jeunes qui y suivaient ce soir-là des cours d’anglais à divers niveaux fut une expérience inoubliable.

Une fois passé le contrôle d’entrée dans le quartier, tenu par le Hezbollah, nous avons découvert un immeuble de trois étages entièrement dédié à AMEL. Sur plusieurs niveaux, des salles de classe, ou de jeu à d’autres moments, ou encore de formation pour adultes à d’autres horaires. Et sur le toit, une tentative de végétalisation, avec l’espoir de produire tomates, aubergines, etc… un jour ! C’est dire l’enthousiasme et la foi des volontaires, venus d’Europe ou d’outre-Atlantique, qui travaillent avec du personnel libanais ! Toute l’équipe m’a paru très soudée et pleine d’énergie et de volonté pour passer outre aux obstacles. Entre l’anglais et le français, la communication était facile. Et la complexité des relations inter-communautaires si tangible partout au Liban s’effaçait complètement en ce lieu où seules comptaient la force d’engagement et la bienveillance à l’égard des personnes secourues.

Comment parrainer ?
  • 1 parrainage = 300 euros (285 euros + 15 euros de frais de dossier FPF) ;
  • Durée : un an renouvelable (septembre 2017 à septembre 2018)
  • Adresser sa demande à christinelacoste064@gmail.com
  • Envoyer votre don à : La Fondation du Protestantisme, 47 rue de Clichy, 75311 PARIS – cedex 09 (don donnant droit à une réduction fiscale)
  • Chèque à l’ordre de : « Fondation du protestantisme » (inscrire au dos : « Parrainage AMEL »)

Les assistantes sociales repèrent, dans les squats et logements surpeuplés de ce quartier très déshérité, les familles les plus nécessiteuses et vulnérables, et invitent les enfants à bénéficier d’un soutien scolaire ou d’un accompagnement psychologique, mais aussi les plus âgés à suivre des formations courtes professionnalisantes qui leur permettront assez rapidement d’accéder à une relative autonomie financière, début de l’insertion dans ce pays d’accueil temporaire qui pourrait bien devenir définitif !

Les enfants étaient nombreux, et avaient l’air très heureux d’être là, ainsi que de recevoir de la visite. Nos échanges avec eux ont été un peu limités, mais ont suffi à apprendre qu’ils venaient d’Alep, d’Homs, de Damas… et qu’une furieuse envie de vivre les poussait à accroître leurs connaissances pour préparer un avenir qu’ils voulaient beau et ambitieux.

Que faire d’autre que leur souhaiter de pouvoir réaliser leurs rêves, et… donner un coup de pouce pour permettre que le beau travail qu’accomplit AMEL pour eux puisse se poursuivre ?»

«Un climat sain et serein qui aide les enfants à grandir»

Enfants syriens à Beyrouth bénéficiant du soutien scolaire © Amel

«Lors de notre séjour à Beyrouth, la visite de l’ONG Amel était programmée et nous étions très impatients d’y aller ! Nous recevons régulièrement des nouvelles et des photos de ces enfants syriens réfugiés au Liban et pris en charge par l’association, mais aller à leur rencontre et visiter le centre, c’était quelque chose que nous attendions ! Ce fut un moment très fort.

L’accueil fut vraiment chaleureux. C’était l’heure du soutien scolaire et ce soir-là cours d’anglais. Les enfants étaient tous là, en classe de différents niveaux. Ambiance très studieuse. Nous avons rencontré des enseignants pour la plupart bénévoles, enthousiastes et motivés. Et des enfants qui avaient l’air heureux d’être en classe et de nous recevoir !

Rencontre avec une petite syrienne, sérieuse et réservée. Elle était très fière de me montrer son cahier bien tenu, avec une longue liste de verbes irréguliers d’anglais. Nous les avons lus ensemble et en avons mimé le sens. Eclats de rire !! Rencontre avec un très jeune garçon aux yeux pétillants et fier de me montrer ses tables de multiplication qu’il apprenait en anglais. Tous ces enfants qui ont souffert du déracinement, de l’exil, de la peur et de la violence de la guerre, trouvent à Amel un climat sain et serein qui les aide à grandir, se construire et se projeter dans l’avenir.

Une goutte d’eau dans l’océan ? Oui, mais chaque goutte compte.»




Le Défap solidaire de l’Égypte endeuillée

Alors que l’Égypte a été frappée, vendredi, par le plus terrible attentat de son histoire, le Défap exprime son soutien et sa solidarité aux familles endeuillées et au peuple égyptien dans son ensemble. L’attaque a eu lieu de la prière dans la mosquée al-Rawda de Bir al-Abed, non loin de la capitale de la province du Nord-Sinaï ; elle a fait 305 morts et une centaine de blessés.

 

La mosquée al-Rawda de Bir al-Abed © DR

Un deuil national de trois jours a débuté le samedi 25 novembre en Égypte, meurtrie par un attentat d’une violence sans précédent. L’attaque a eu lieu la veille au moment de la prière dans la mosquée al-Rawda de Bir al-Abed, que fréquentent notamment des adeptes du soufisme ; elle se situe à 40 km d’Al-Arich, la capitale de la province du Nord-Sinaï. Selon les témoignages de rescapés, un petit groupe d’hommes armés a encerclé la mosquée, fait exploser une bombe, puis a tiré à l’arme automatique sur les 700 fidèles réunis pour la prière et qui tentaient de fuir, faisant 305 morts et une centaine de blessés. Les assaillants ont également incendié des véhicules pour empêcher les fidèles d’échapper à la tuerie, et ralentir l’arrivée des forces de sécurité. Cet attentat n’a pas été revendiqué, mais selon le procureur de la zone, les terroristes portaient le drapeau noir qu’arbore la branche égyptienne du groupe jihadiste État islamique (EI).

Convaincu que les religions peuvent être facteurs de paix et non de violences, le Défap adresse ses sentiments de fraternité et de solidarité aux familles endeuillées, à tous ceux qu’il connaît en Égypte et au peuple égyptien.

«Une attaque contraire à toutes les lois, toutes les valeurs et toutes les traditions»

Nous reproduisons également ce message transmis par l’ACO (Action Chrétienne en Orient), proche partenaire du Défap. Il émane du pasteur Andrea Zaki, président de «Protestant Churches in Egypt», l’équivalent d’une Fédération Protestante d’Égypte. Il condamne l’attaque terroriste et souligne que cet acte, qui vise des personnes innocentes en train de prier, et dont le but est de déstabiliser la sécurité et la stabilité de l’Égypte, est contraire à toutes les lois, toutes les valeurs et toutes les traditions ; et toutes les parties de la société rejettent le terrorisme dans toutes ses formes. Le pasteur Zaki appelle tous les Égyptiens à rester unis face au terrorisme.

Il ajoute : « de tels actes criminels s’attaquant à des lieux de culte – mosquées et églises – sont la tentative désespérée d’interrompre la progression de la nation ». Il a adressé un appel à l’ensemble du pays à s’unir pour construire de manière solidaire un bel avenir pour le peuple égyptien resté loyal. La conclusion de la déclaration est un appel à prier pour les martyrs, qu’ils reposent en paix, et pour les blessés, qu’ils puissent guérir, dans l’espoir que Dieu préserve les dirigeants et le peuple égyptiens.

 

Pour l’État islamique, toutes les croyances autres sont des cibles
Le groupe jihadiste État islamique prône une version extrême du salafisme, courant fondamentaliste de l’islam sunnite prônant un retour aux pratiques de l’époque du prophète Mahomet et de ses premiers disciples, qui l’amène à s’attaquer non seulement aux fidèles des autres religions, mais aussi à ceux d’autres branches de l’islam considérées comme hérétiques. L’État islamique a ainsi revendiqué une série d’attentats contre la communauté copte d’Égypte. Le soufisme, courant ésotérique de l’islam, est accusé pour sa part d’hérésie et de polythéisme, de fait de son recours à l’intercession des saints morts. L’État islamique condamne aussi ce qu’il qualifie d' »innovations » : rites et prières des soufis non prescrits à l’origine par le prophète Mahomet.

 




Un voyage pour «toucher du doigt les réalités de la vie au Congo»

Une douzaine de membres de l’Église protestante unie du Consistoire d’Héricourt se sont rendus début octobre auCongo-Brazzaville, pour y découvrir notamment les actions que mène l’Église Évangélique du Congo. Ils étaient accompagnés par le pasteur Joël Dautheville, président du Défap. Retour sur ce voyage avec Georges Massengo, qui a été pasteur à Brazzaville avant d’exercer son ministère au sein de l’Église protestante unie de France, et qui a organisé ce projet.

 

Les participants du voyage devant un centre médico-social © Défap

De retour de Brazzaville et Pointe-Noire depuis quelques semaines, le pasteur Massengo a encore en tête une liste de bagages qui tient du catalogue à la Prévert : trois valises d’habits pour bébé et autres matériels pour enfants, deux valises de lunettes, trois fauteuils roulants et… plus aucune place de disponible pour les livres du Défap… Qu’importe, l’essentiel n’était pas dans les bagages. Mais bien dans les rencontres… Le voyage a duré une dizaine de jours, du 29 septembre au 9 octobre 2017, et pour la plupart des participants, il a marqué leur premier contact avec le Congo-Brazzaville et avec l’Église Évangélique du Congo (EEC). Ils étaient douze, membres de l’Église protestante unie du Consistoire d’Héricourt, Georges Massengo leur servant de guide. Lui-même originaire de ce pays, il avait exercé son ministère pastoral dans l’une des principales paroisses de l’EEC, celle de Mayangui, avant sa venue en France où il est aujourd’hui pasteur de l’EPUdF.

Pour lui, l’objectif de ce voyage accompagné et soutenu financièrement par le Défap devait être avant tout de montrer la réalité du pays, non seulement sur le plan social (même si la République du Congo est un pays producteur de pétrole, près de 50% de la population vit sous le seuil de pauvreté, et l’accès à l’eau potable et à l’électricité y reste difficile) mais aussi sur le plan de la vie d’Église. Autre participant du voyage à renouer avec le Congo-Brazzaville : Joël Dautheville, président du Défap, qui a lui-même été pasteur de la paroisse du Plateau il y a une quarantaine d’années, et qui avait décidé de précéder le groupe de quelques jours afin de faire le point sur les projets en cours.

La genèse du projet

Pour aller plus loin :
Mission au Congo : des chantiers nombreux et audacieux
Le Défap au Congo : projets en cours

L’Église Évangélique du Congo (EEC) est la première et la plus importante Église protestante au Congo-Brazzaville. Elle est aussi le principal partenaire du Défap dans ce pays. Elle trouve ses origines, au début du XXème siècle, dans les travaux de la Mission Évangélique Suédoise (MES), avec le concours d’autres Églises Missionnaires scandinaves. Son existence en tant qu’Église indépendante remonte au 15 juillet 1961, lorsque les différentes Églises Missionnaires ont décidé de l’autonomie des stations et postes missionnaires, donnant naissance à une Église unie. Mais l’avènement d’une république populaire en 1969, sous la présidence de Marien Ngouabi, avec comme corollaire l’instauration du socialisme scientifique, s’est traduit pour l’Église par la nationalisation de ses écoles et centres de santé. Aujourd’hui, dans un contexte social difficile, elle développe ses activités diaconales pour faire face aux besoins de la population notamment en matière d’éducation et de santé. Les projets soutenus par le Défap sont nombreux : soutien à la faculté de théologie de Brazzaville, programme d’éducation à la paix, formation d’animateurs jeunesse, scolarisation d’enfants sourds, formation à l’informatique, construction d’école, programme de lutte contre le sida, envoi de volontaires au sein du département Santé de l’EEC…

C’est lors d’un culte du pasteur Massengo destiné à présenter ces relations entre les protestants de France et l’EEC qu’est née, début 2016, l’idée d’organiser un voyage avec des membres du Consistoire d’Héricourt. «Il y avait là un couple de retour du Congo-Brazzaville», se souvient Georges Massengo. «Ils avaient séjourné dans le pays avec leurs enfants et ont témoigné de ce qu’ils y avaient vécu, de ce qu’ils avaient vu.» La situation sociale et les difficultés du quotidien, le problèmes de scolarisation des enfants, mais aussi toutes les actions lancées par l’EEC et la manière dont la foi y est vécue : autant de découvertes qui ont poussé les paroissiens à vouloir mieux connaître le pays et l’Église. Une fois le projet monté avec le Défap, trois sessions d’informations sur le Congo-Brazzaville ont été organisées à Lure et Héricourt, auxquelles a participé Joël Dautheville. Et les objectifs du voyage se sont développés.

«Comment pouvons-nous aider ?»

Distribution de médicaments © Défap

«Les participants m’ont demandé : comment pouvons-nous aider ?» raconte Georges Massengo. «Et je leur ai parlé d’un projet de construction de maternité auquel j’avais participé lorsque j’étais pasteur à Mayangui. J’y étais retourné depuis lors et j’avais découvert un centre qui était devenu une structure de référence au sein de l’Église, avec un service pour les consultations prénatales, un bloc opératoire pour les césariennes, mais aussi un service de médecine générale, un autre d’ophtalmologie, un suivi des personnes atteintes par le Sida… Le personnel médical, le médecin-chef m’avaient parlé de tous leurs besoins. Je me suis dit que ce voyage était une excellente occasion d’y répondre.»

Autour du projet de voyage s’organisent alors des collectes : vêtements et matériel médical (pour mesurer la glycémie et la tension, notamment), fauteuils roulants et équipement ambulatoire… Georges Massengo prend aussi contact avec une association locale, le Kiwanis Montbéliard-Sochaux, qui récolte toute l’année d’anciennes lunettes pour les remettre à des associations : «au Congo-Brazzaville, trop de gens qui ont des problèmes visuels ne peuvent pas trouver les lunettes dont ils auraient besoin». Les bagages grossissent ainsi jusqu’au moment du départ.

Rencontres et visites

Rencontre avec le président de l’EEC © Défap

Au Congo-Brazzaville, la petite délégation, accueillie par la paroisse de Mayangui, rencontre le président de l’EEC : le pasteur Edouard Moukala, successeur de Patrice Nsouami. Les visites s’enchaînent à Brazzaville : «Nous avons vu le responsable du département Santé de l’Église, qui a accueilli une envoyée du Défap. Nous avons livré là-bas nos fauteuils roulants et notre matériel ambulatoire. Nous avons visité l’orphelinat du temple du Centenaire, où Joël Dautheville avait été pasteur. Nous avons remis des sacs d’habits à la responsable du département Femmes et Familles de l’EEC, Éléonore Kissagui, ancienne boursière du Défap. Nous avons pu visiter une structure destinée à accompagner les filles-mères (qui vivent seules et sans moyens de subsistance pour élever leurs enfants) et à leur fournir une formation à la couture.»

À cela s’ajoutent des rencontres avec le doyen et les étudiants de la faculté de théologie de Brazzaville, une visite à un projet de «caisse féminine» monté par des femmes chrétiennes afin de faire du micro-crédit… Autant de manières pour les voyageurs de vérifier l’efficacité des liens tissés à travers les échanges ou le financement de bourses par le Défap – les anciens boursiers constituant, au fil des années, un réseau sur lequel le Défap peut s’appuyer dans ses relations entre Églises. Autant de manières, surtout, de «toucher du doigt les réalités de la vie au Congo».




Haïti : solidarité avec le collège Maranatha

Ce collège évangélique, situé en bordure d’un quartier contrôlé par des gangs, entretient un témoignage essentiel dans cette partie défavorisée de Port-au-Prince. Il est membre de la Fédération des Écoles Protestantes d’Haïti, partenaire de la Plateforme Haïti, dont fait partie le Défap. Le 13 novembre dernier, plusieurs personnes, dont un élève et un enseignant, y ont été abattues par la police en marge d’une opération antigang, pendant que son directeur était brutalisé et arrêté. Remis depuis en liberté, il est en attente d’un jugement, et le protestantisme haïtien réclame justice pour lui, et pour les victimes exécutées par la police.

 

Le collège évangélique Maranatha © Mission Biblique

Le protestantisme haïtien se mobilise et réclame justice après une opération de police qui a mal tourné au collège évangélique Maranatha. Elle s’est traduite par plusieurs morts, dont deux policiers, un élève, un enseignant et le gardien de l’école, ainsi que par huit jours d’incarcération pour le directeur du collège, Armand Louis.

Le collège Maranatha se trouve au Sud-Est de Port-au-Prince, dans un secteur boisé surplombant le quartier de Grande-Ravine, où sévissent des gangs qui rackettent impunément la population. Le 13 novembre, vers les 5 heures du matin, 260 membres de l’Unité Départementale de Maintien de l’Ordre (Udmo) et de la Direction Centrale de la Police Administrative (DCPA), accompagnés de forces de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH), se sont déployés dans le quartier en vue de lancer une opération antigang, et ont pénétré dans le collège. Arrivé dans la matinée et trouvant les policiers sur place, le directeur du collège leur a offert sa collaboration et leur a permis de fouiller les bâtiments du campus. Mais des individus armés avaient franchi le mur d’enceinte ; une fusillade a éclaté, deux policiers ont été tués. Les membres des forces de l’ordre, accusant le directeur de les avoir menés dans un guet-apens, ont commencé à le molester, et ont exécuté sommairement plusieurs personnes présentes qui tentaient de s’interposer. L’opération de police s’est soldée par un échec ; le chef de la Police Nationale Haïtienne (PNH) a reconnu qu’aucune arme n’avait été saisie ; quant au directeur du collège, il a été placé en détention. Malmené et victime d’un malaise évoquant un AVC, il a dû recevoir des soins, qui lui ont été prodigués par sa fille, médecin.

Une arrestation «illégale et injuste»

Pour aller plus loin :
Présentation de la Plateforme Haïti sur le site de la Fédération Protestante de France
Les événements au collège Maranatha suivis sur le site de la Mission Biblique

L’Union évangélique baptiste d’Haïti (UEBH) a rapidement diffusé un communiqué déplorant le comportement des policiers envers Armand Louis, qui a toujours fait preuve d’«intégrité», de «rectitude» et d’«intérêt pour l’éducation de tous les enfants de la zone». Outre son rôle de directeur d’école, Armand Louis est prédicateur laïc, ingénieur de formation, membre du comité exécutif de l’UEBH, et a fait partie de la Commission indépendante d’évaluation et de vérification électorale (Cieve) lors de la présidentielle de 2015. Quant au collège Maranatha qu’il dirige, c’est un établissement d’une qualité reconnue, créé en 1956 et membre de la Fédération des Écoles Protestantes d’Haïti (FEPH), qui regroupe 3000 écoles ; un lieu qui ne peut en aucun cas, comme l’a souligné la FEPH, être «un repaire de bandits».

La mobilisation qui s’est développée au sein du milieu enseignant haïtien et du monde protestant s’est rapidement focalisée sur la nécessité de libérer au plus vite le directeur du collège Maranatha. L’Union nationale des normaliennes et normaliens haïtiens (Unnoh) et le parti politique Rasin kan pèp ont dénoncé une arrestation «illégale et injuste». La FEPH a dénoncé un affront contre le secteur éducatif en général et le monde protestant en particulier. «Cette humiliation infligée par des agents de la PNH à un éducateur chevronné, ayant consacré plus de 30 années de sa vie à la formation de plusieurs générations de jeunes haïtiens, est intolérable», a-t-elle notamment écrit.

Le protestantisme français s’implique

Le directeur du collège Maranatha, Armand Louis © Mission Biblique

Fait rare, cette situation a aussi été dénoncée par le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP), qui a déploré que de tels événements aient pu se produire dans une école, lieu qui doit être un sanctuaire pour les enfants. La FEPH étant l’un des partenaires de la Plateforme Haïti, constituée en 2008 sous l’égide de la Fédération Protestante de France, et particulièrement active à partir de 2010 à la suite du séisme qui avait dévasté la région de Port-au-Prince, le protestantisme français a également réagi : «Beaucoup d’entre nous ont pu visiter le collège et connaissent les conditions difficiles de travail et de témoignage dans cette zone», a souligné dès le 14 novembre un communiqué de la Plateforme, dont fait partie le Défap. «Nous espérons que la situation de Armand Louis puisse être clarifiée et résolue dans les meilleurs délais».

À partir du lundi 20 novembre a été lancée une semaine d’actions à Port-au-Prince pour réclamer justice : conférence de presse, sit-ins, marches à l’appel d’organisations étudiantes et de l’ensemble des écoles protestantes. Entretemps, Armand Louis a été remis en liberté, dans l’après-midi du 20 novembre ; mais les charges pesant sur lui n’ont pas été levées pour autant, et il ne s’agit que d’une libération conditionnelle. Les autorités haïtiennes commencent pourtant à reconnaître les torts de la police.

Le traumatisme est profond au collège Maranatha

Deux des personnes abattues par la police au collège Maranatha : Julio, le gardien (à gauche); Jean Baptiste David, enseignant (à droite) © Mission Biblique

Une enquête a été lancée et ses résultats doivent être connus sous peu ; le premier ministre Jack Guy Lafontant, également chef du Conseil supérieur de la police nationale (Cspn), a promis des sanctions à l’encontre des responsables. La mobilisation se poursuit désormais à Port-au-Prince pour que la vérité soit connue sur cette opération de police.

Mais le traumatisme est profond au collège Maranatha. Fermé depuis le 13 novembre, il a rouvert ses portes le 20 pour accueillir les enseignants, leur permettre de parler, les accompagner après le drame et préparer, en compagnie de psychologues, le retour des élèves. La reprise des cours est annoncée pour le 27. Une semaine de partages, d’échanges et d’encouragements a été prévue pour libérer la parole des enfants. Les murs portent encore les traces des impacts de balles ; et dans les jours qui ont suivi la fusillade, les locaux, pourtant placés sous la protection de la police, ont été pillés, les ordinateurs et le mobilier volés.

Le protestantisme français, à travers la Plateforme Haïti, reste mobilisé et solidaire avec le collège Maranatha et l’UEBH.