Le Jeudis du Défap a consacré une nouvelle édition à une thématique d’une grande portée historique et sociale : « La femme dans l’Église en RDC ? Regard rétrospectif sur le rôle de la femme dans la société et dans l’Église à l’époque coloniale ». Animée par le pasteur et chercheur Robert Bahizire Byamungu, cette conférence invite à revisiter une période charnière de l’histoire du Congo afin de mieux comprendre les fondements des inégalités persistantes entre hommes et femmes dans la société et dans l’Église.

Robert Bahizire

Robert Bahizire Byamungu est pasteur au sein de la Communauté Baptiste au Centre de l’Afrique (3ᵉ CBCA), membre de l’Église du Christ au Congo. Théologien de formation, il a obtenu sa licence en 2002 avant d’être ordonné pasteur en 2008. Depuis, il exerce son ministère dans plusieurs paroisses de Goma, où il sert actuellement à la 3ᵉ CBCA Ndosho.

Parallèlement à son engagement pastoral, il a mené une carrière académique à l’Université Libre des Pays des Grands Lacs (ULPGL), où il est aujourd’hui professeur associé et vice-doyen de la Faculté de Théologie. Son parcours a été marqué par une mission d’échange œcuménique en Allemagne (2012–2018) et par une thèse de doctorat en théologie, soutenue en 2023 à l’ULPGL-Goma après une année de recherche à Strasbourg.

Ses travaux portent notamment sur les questions de genre et sur la place de la femme dans l’Église et la société.

Pourquoi cette thématique ?

À travers une approche historique, théologique et sociologique, il montre comment la colonisation (1885–1960) a profondément transformé les structures sociales et religieuses du Congo, redéfinissant la position des femmes dans la société et dans l’Église.

Avant la colonisation, la femme congolaise occupait des rôles centraux — économiques, spirituels et politiques — au sein des clans et chefferies. Avec l’État indépendant du Congo de Léopold II, puis le Congo belge, elle fut progressivement marginalisée : soumise à la violence, à l’exploitation et à une éducation domestique destinée à renforcer sa dépendance. Les missions chrétiennes, tout en introduisant l’alphabétisation et la formation sanitaire, consolidèrent une théologie de la soumission féminine, limitant l’accès des femmes aux responsabilités ecclésiales et sociales.

Cette double domination — coloniale et patriarcale — a durablement façonné les représentations du féminin dans l’imaginaire congolais. Aujourd’hui encore, les stéréotypes hérités de cette période se manifestent dans la sous-représentation des femmes dans la gouvernance politique et ecclésiale, ainsi que dans leur accès restreint à l’éducation et aux ressources économiques.

Pour le révérend Bahizire, comprendre cet héritage est essentiel afin d’ouvrir la voie à une réhabilitation sociale, théologique et mémorielle de la femme congolaise. Cela passe par la reconnaissance de son égalité fondamentale en Christ, la relecture critique de la théologie du ministère, l’accès aux instances décisionnelles et la valorisation de son rôle historique dans la foi et la société.

Ainsi, cette réflexion appelle à construire une Église et une société inclusives, où la mémoire du passé éclaire un avenir fondé sur la justice, la dignité et l’égalité entre les sexes.

Les « Jeudis du Défap » : prochaines conférences

  • 6 novembre : La pratique du ministère de délivrance dans les Églises d’Afrique…réalités, dangers et perspectives, avec Parfait-Benedict MADOUMBA
  • 11 décembre : Éthique protestante et proposition sociétale, avec Richard LENGO