Quand la compétition prime sur la confiance, les relations humaines s’effritent. Lors de l’Assemblée Générale 2025 du Défap, son président a appelé à rééquilibrer nos modèles sociaux et ecclésiaux en misant sur la coopération et l’entraide. Un message fort qui résonne avec la vocation missionnaire du Défap, engagé dans des partenariats interculturels et solidaires.

« Quand la compétition remplace la confiance
C’est avec cette phrase que Thomas Kauffmann, anthropologue et directeur général de Médecins Sans Frontière au Luxembourg, intitule son article dans l’Œil de Réforme du 29 janvier dernier en pointant du doigt la compétition effrénée vécue dans les pays occidentaux : la course à la domination, au profit et au pouvoir prime sur tout : l’actualité aux États-Unis nous montre que cette compétition est un dogme revendiqué désormais sans retenue. La compétition remplace la confiance et a des effets délétères sur les relations entre humains, relations qui s’inscrivent désormais dans la seule dimension verticale. Il pose alors la question : Si l’esprit du capitalisme s’est nourri de l’éthique protestante, avant de basculer dans l’extrême, peut-être nous incombe-t-il de le rééquilibrer ? Comment ? Il invite à pro-mouvoir des modèles socio-économiques basés plutôt sur la coopération que la compétition, le partage plutôt que l’accumulation. Et il termine cet article en incitant à redécouvrir la richesse des relations humaines, de l’entraide, de l’acte gratuit, et de l’échange sans but lucratif. Tout est là, il suffit de le valoriser à nouveau.
Des recommandations qui résonnent au Défap
Ce qui semble important sur le plan économique pour rééquilibrer l’esprit du capitalisme issu de l’éthique protestante, l’est tout autant pour le Défap et ses Églises membres, au nom de la vision du Christ d’une Église universelle. Rééquilibrer une vision de la mission en développant des relations horizontales. C’est pourquoi, depuis ses origines, le Défap met en pratique l’importance des relations à travers les échanges de personnes telles que les théologiens et théologiennes, pasteur.es, volontaires. Aujourd’hui il développe l’esprit de réciprocité dans les échanges comme nous le verrons cet après-midi. Il met en pratique l’entraide, la solidarité avec les projets présentés par les partenaires et travaillés avec eux, sans oublier la dimension écologique de plus en présente au Défap et chez les partenaires comme l’indique le document Convictions et Actions du Défap pour les années 2021-2025 largement diffusé et présent sur le site defap.fr. J’en profite pour appeler le Défap et les Églises membres à envisager la période quadriennale suivante 2026-2030. Le document actuellement en vigueur aide à la priorisation des actions autour de 3 axes : Développer les liens avec les partenaires, s’engager pour la justice, le respect de la création et la dignité humaine, et vivre l’interculturalité. Le rapport d’activités évoque les nombreuses actions organisées par le Défap dans un esprit partenarial où chacun des partenaires apporte à l’autre ses richesses : richesses théologiques, richesses culturelle, richesses humaines. Comme le précise l’article 2 de ses Statuts : l’objet du Défap est de stimuler et coordonner les efforts des Églises membres en vue d’éveiller et d’entretenir en elles le sens de leurs responsabilités et de leur action commune dans les domaines missionnaire et humanitaire. Il s’agit de mettre en œuvre cet objet entre autres par la solidarité financière, l’accueil et l’envoi de personnes, formation à la rencontre interculturelle, etc. La refondation du Défap engagée par les Églises chacune selon sa temporalité et sa méthode de consultation devra confirmer, préciser ou infléchir cet objet.
Le Défap, un témoin privilégié de violences internationales et de l’espérance
Depuis sa création, le Défap, association instituée par les Églises, relaie la parole des témoins que sont les partenaires, notamment les partenaires qui sont sur le continent africain, et particulièrement sub-saharien. C’était le cas au moment où le Défap a été créé. C’est encore le cas aujourd’hui. Des liens récents avec l’Eglise du Christ au Congo, notamment avec les Églises et leurs facultés de théologie protestante dans les régions des Grands Lacs, permettent au Défap de relayer les souffrances endurées par des chrétiens dans cette région du monde. Les chrétiens et chrétiennes sont témoins et victimes de la prédation féroce avec son cortège de violences organisée par des grands groupes, par des pays sur les matières premières à destination, entre autres, de la haute technologie. Je remercie le pasteur et docteur en théologie Fiston Mumbere Ngesera qui a présidé le culte d’ouverture de pouvoir faire ainsi le lien entre les Églises membres du Défap et son Église. N’oublions pas qu’en RDC vit la plus grande communauté protestante francophone au monde.
Le Défap est témoin de la demande de liens et de partenariat exprimées par les facultés de théologie de cette région et d’ailleurs. Celles-ci savent que le Défap a des moyens limités. Pourtant elles sont en demande de liens qui sont pour elles des soutiens à leur mission d’annoncer l’Évangile en paroles et en actes.
Certains pensent que ces liens avec les partenaires n’ont aucun impact sur les Églises de France. Une remobilisation des Églises et des partenaires autour du Défap pourrait changer la donne. La triangulation des relations est une opportunité pour l’Évangile et la vie des Églises. En favorisant les liens entre les partenaires de là-bas d’une part et d’autre part avec les personnes venant de là-bas et vivant en France, en approfondissant et élargissant la dimension interculturelle, le Défap est l’outil des Églises de France qui sème de l’espérance ici et là-bas. Il est également l’outil qui permet aux Églises de freiner le risque de voir se dégoupiller un système politique gros de violence en France. Lors de la dernière rencontre des Jeudis du Défap du 20 mars dernier sur Identité, hostilité et hospitalité, Olivier Abel si-gnalait son inquiétude de voir la France, du fait de son histoire, créer de l’hostilité notamment lorsque le contexte est tendu. Elle est nostalgique de son unité nationale perdue avec les guerres de religion. De ce fait elle peut être encline à fabriquer de l’hostilité, voire de nouvelles Saint-Barthélemy comme il l’exprimait déjà dans son message à l’Assemblée du Désert en 2022.
Favoriser les échanges entre jeunes, pasteur.es, théologiens et théologiennes d’ici et de là-bas, c’est témoigner de l’évangile de Jésus-Christ qui permet de comprendre que nous recevons notre identité chrétienne de Dieu, qu’elle est un don pour l’autre et non le facteur d’un repli sur soi ou sur une communauté fermée. Favoriser de tels partenariats, c’est une manière pour les Églises même si elles sont en difficulté, même si le contexte international est tendu, d’être en mission, et de favoriser ainsi en commun l’annonce de l’évangile libérateur de Jésus-Christ. »
Joël DAUTHEVILLE,
Paris, le 29 mars 2025


