L’Institut œcuménique de Théologie Al Mowafaqa, installé à Rabat (Maroc), est soutenu depuis des années par le Défap, à la fois par un financement direct et par l’envoi de boursiers. On ne se contente pas d’y étudier le dialogue interculturel et interreligieux : on l’expérimente au quotidien. Témoignage de Marysol, étudiante à la Faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg, partie pour y suivre un cursus de plusieurs mois avec le soutien financier du Défap.

Étudiants de l’Institut Al Mowafaqa : le groupe dont fait partie Marysol © Marysol pour Défap

Le Maroc est un pays-charnière entre l’Europe et l’Afrique. Une étape sur la route des migrants qui cherchent à passer en Espagne ; une monarchie où l’islam est religion d’État mais dont le souverain veut promouvoir une pratique modérée, s’efforçant de résister aux effets déstabilisateurs de l’islamisme radical… Un lieu au croisement de multiples influences. Il est particulièrement significatif que dans ce pays où le prosélytisme est interdit pour les non-musulmans, des lieux permettant la rencontre des religions aient vu le jour avec l’appui ou par la volonté de l’État, comme l’université d’Ifrane, créée en 1995 par Hassan II pour former les futures élites marocaines. L’Institut œcuménique de théologie Al Mowafaqa, pour sa part, a été créé en 2012 à l’initiative des Églises catholique et protestante au Maroc. Les formations y sont assurées sous forme de sessions intensives avec des professeurs visiteurs venus d’Europe et d’Afrique auxquels s’ajoutent, pour le domaine de l’islam, des universitaires marocains. C’est à la fois un lieu d’enseignement, de réflexion et de brassage interculturel. L’Institut bénéficie d’une convention de coopération internationale avec la Faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg et avec la Faculté de Théologie et de Sciences Religieuses / Theologicum de l’Institut catholique de Paris. Il est soutenu par le Défap, à la fois par un financement direct et par l’envoi de boursiers.

Marysol, étudiante à la Faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg, est partie pour suivre un cursus d’un semestre au Maroc : le Certificat Al Mowafaqa pour le dialogue des cultures et des religions, avec le soutien du Défap. Elle témoigne.

Visite de la bibliothèque nationale © Marysol pour Défap

Pourriez-vous me dire ce qui vous a donné envie de suivre ce cursus au Maroc ?

Marysol : C’était un cursus en accord direct avec ma faculté, ce qui rend l’inscription plus simple. Beaucoup de nos professeurs à Strasbourg nous avaient fait part des bénéfices humains que ce semestre pouvait nous apporter. J’avais envie de sortir de ma zone de confort, de m’ouvrir à de nouvelles cultures, et de sortir d’une vision binaire européenne, pour entrer dans une vision qui se veut plus universelle.

Qu’avez-vous découvert sur Al Mowafaqa depuis que vous avez débuté cette formation ?

J’ai déjà découvert une multitude de manières d’enseigner. Étant donné que les profs viennent de lieux différents avec des enseignements très variés, nous passons d’une pédagogie à une autre. J’ai aussi découvert la diversité du continent africain. Une chose que j’avais sous-estimée, et que je trouve aujourd’hui particulièrement intrigante et magnifique !

Pourriez-vous me parler des autres étudiants que vous avez pu rencontrer ?

Dans le Certificat, je dirais que les étudiants sont à 40% protestants et 60% catholiques. Avec des pasteurs, des prêtres, des frères et sœurs. La tranche d’âge va de 30 à 70 ans… Je suis vraiment une enfant dans le groupe, à 19 ans ! Ils sont tous super-ouverts à la discussion, j’ai l’impression qu’il n’y a jamais de mauvaise question ou réponses entre nous. Nous nous soutenons beaucoup. Les étudiants en licence sont tous protestants : des pasteurs ou des jeunes qui souhaitent se former.

Comment sont vécues les relations entre cultures au sein de votre groupe d’étudiants ? Est-ce un sujet de discussions entre vous ?

C’est un sujet de discussions entre nous, oui ! On échange beaucoup, pour éviter le plus de tensions ou d’incompréhensions possible. Je sais que, parfois, je peux oublier de serrer la main pour dire bonjour, et juste sourire de loin, ce qui a été mal pris par certains étudiants. On en a discuté, on s’est rendu compte de nos différences, et on en a ri ! Sinon, on parle beaucoup des situations géopolitiques de nos pays, des vécus en tant que peuple colonisés pour eux, et moi, venue d’un pays qui a un jour colonisé… Nous essayons de voir comment cela impacte notre éducation. J’ai été désolée d’apprendre que la France avait toujours un poids sur plusieurs pays africains grâce à l’argent.

Est-ce que votre regard sur les relations entre chrétiens et musulmans a évolué ?

Je dirais que oui. J’avais intériorisé cette peur de l’islam, une chose présente en France, appuyée par les informations télévisées. Les cours à Al Mowafaqa me permettent de comprendre d’où pourrait venir cette peur, et de voir une porte de sortie, qui est le dialogue. En plus de cela, vivre dans un pays musulman permet aussi de se sentir plus proche de l’autre, d’oublier son soi, et de se renouveler. Je vois aujourd’hui un lien très fort entre nos deux religions abrahamiques. Sans pour autant vouloir effacer nos différences.

Un élève de l’Institut Al Mowafaqa parlant des religions traditionnelles dans son pays d’origine, le Burkina Faso © Marysol pour Défap

Pensez-vous que ce que vous avez déjà découvert à Al Mowafaqa vous sera utile par la suite, une fois revenue en France, à la fois sur le plan personnel et sur le plan professionnel ?

Bien sûr ! Sur le plan personnel, cette faculté permet beaucoup de réflexions, d’ouverture d’esprit et d’espérance pour un futur meilleur. Sur le plan professionnel, je pense pouvoir aujourd’hui mieux échanger avec une personne drastiquement différente de moi. Les cours nous permettent vraiment de prendre ce recul nécessaire, et nous aident à forger nos propres valeurs aussi. Nous avons appris que pour pouvoir discuter avec quelqu’un, il faut déjà savoir qui nous sommes en détail.

 
Pour en savoir plus sur l’Institut Al Mowafaqa, retrouvez la présentation faite par son Directeur, Jean Koulagna, pour les dix ans de l’Institut ; et retrouvez ci-dessous quelques images du colloque organisé à cette occasion :
 

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